#40jours #prologue | porosité

A mesure qu’approche la date du déménagement qui me fera quitter cette ville tant aimée, mes nuits d’insomnie mêlent tous les lieux qui m’ont façonnée.

Restent des pissenlits qui insistent pour sortir la tête d’entre deux pavés, rue du Viaduc à Ixelles, des petites souris dans des greniers d’immeubles criblés de routes invisibles aux humains à Jette, 3ème étage d’un immeuble brinquebalent mais rénové à l’intérieur façon design contemporain, grands espaces ouverts, murs blancs et beaux planchers, qui sursautent à chaque fois que, sur l’avenue, passe une voiture plus lourde que les autres.  Reste une lumière rosée à la tombée des ciels mouillés sur les murs en brique rouge  des facades bien alignés. Comme une menace surgit le profil noir d’un rat qui fouine autour des tentes de réfugiés posés à même les pavés sous la plateforme du métro aérien, station Stalingrad.  S’y collent des odeurs de poissons, des cris de mouettes. Des cadavres de blattes sur les trottoirs le soir, dans le quartier « de la Rive d’en face » de Smyrne la brûlée. Seulement  leurs cadavres, pauvres mais énormes blattes collées à des trottoirs imbibés d’insecticide dans cette ville chaleureuse mais dont on devine pourtant la cruauté et la folie : le monde animal de mes trois communes, de mes trois  villes, de mes deux continents.

Restent des briques, sorties des ventres des Belges, des pierres de taille arrachées aux carrières de l’Oise, du ciment poreux et trafiqué et ne resistant pas aux tremblements des  terres: le règne minéral des trois villes qui tissent mon ossature.

Restent l’autoroute urbaine qui ne surplombe que des avenues sur cette ville asséchée mais tirée des marais, les lézards et la guerrière qui a froid figée depuis des siècles sur son pont doré, des ferrys qui font des allers-retours entre les deux rives de la ville à la mer polluée ferrys dont on pourrait se passer juste en suivant la rive : les ponts de mes trois villes, quatre communes, deux continents. Sublime, grotesque, humain, mêlé, tout ensemble : Viaduc du Midi, Pont Alexandre III, golfe d’Egée : Bruxelles, Paris, Izmir.

A propos de Julidé

Dans à peu près 40 jours je vais quitter Bruxelles. Cet atelier #Les40jours m'est donc prédestiné : merci François Bon ! J'espère que la belle ville me laissera partir plus sereinement après mon hommage écrit. Que ces 40 jours 40 nuits me permettent de retrouver le chemin de mes mots. J'ai aussi hâte de vous lire !

2 commentaires à propos de “#40jours #prologue | porosité”

  1. Je n’ai pas retrouvé la trace de la proposition, mais le voyage est bien beau, merci !
    Remarque technique : je pense qu’il faut décocher la catégorie progression#10 qui s’affiche par défaut (le bug dont parlait François tout à l’heure)

  2. J’aime beaucoup ces images qui mêlent plusieurs rives et assemblent des souvenirs de pierres et de gens.