RECTO
Les choses
Les choses que j’aimerais jeter et que je garde précieusement : des partitions que je ne chanterais pas, des compositions inachevées écrites au crayon de papier il y a 50 ans sur d’interminables cahiers, des robes souvenirs, la grande robe africaines achetée à coté de l’hôpital des enfants malades la veille de la mort de mon petit frère et que je n’ai jamais mise, des objets neufs et chers dont je n’arrive pas à trouver l’utilité, des lettres de ma mère à la sienne.
Les choses que la nuit transforme : mes vêtements sur la chaise forment un gros perroquet inquiétant, le chemin ne ressemble en rien à celui que j’ai parcouru le jour à cause de la lune et de l’air qui vibre, de ses odeurs, de sa symphonie mystérieuse.
Les choses qui ont l’air bleues : l’ombre projetée par les réverbères orange, le ciel quand il fait beau, une nappe blanche sur l’herbe, la note FA, parfois
Les moments que j’espère joyeusement et qui finalement sont tristes
Les inventaires que je ne peux pas faire, la liste des vies que j’ aurais aimé avoir, la listes des portes que j’ai ouvertes, la liste de celle qui sont resté fermées, j’ai alors pris un bic, griffonné sur une feuille déchirée de mon livre avant de me décider enfin à descendre. la liste des nuits sans sommeil, la liste des sons que j’ai entendu et la liste ceux que je n’entends plus
VERSO
Les mots
Les mots qui sont impossibles à dire à ceux qui ne sont plus là, à ceux qui ne demandent pas à les entendre, qui en seraient blessés peut-être, quand c’est trop tard, quand c’est à quoi bon, quand c’est trop, les mots pour rire. les mots qui tombent dans l’oubli.
Les mots à qui j’ai attribué depuis l’enfance un sens différent de celui qu’ils ont réellement
Les mots des autres, les mots tellement beaux que j’aimerais les retenir, les mots tellement justes que je les bois comme une source régénérante, les mots que j’ aimerais n’avoir pas encore lus ni entendu pour les découvrir et les réentendre pour la première fois.
Les moments qui perdent à être racontés, les moments qui gagnent à être racontés. Les moments que j’ai déjà tellement racontés qu’ils n’existent plus que comme une fiction.
Merci Catherine pour ces choses et ces mots