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2011.07.27 | Goldsworthy, si j’étais un oeuf

une autre date au hasard :
2019.09.15 | art nous ploucs, la province

Ça doit être facile de retrouver sur le web la date précise où Andy Goldsworthy a choisi dans ce coin de montagne près de Digne cinq lieux précis, et y a construit 5 fois le même oeuf. Le nôtre, on l’aperçoit de loin. Puis, une fois qu’on l’a rejoint, on comprend – intuitivement, sans mots : quelque chose d’une tombée commune des montagnes. Une manière de s’articuler ensemble pour toutes les formes environnantes, leur poids, leurs perspectives. Un autre oeuf identique, à quelques kilomètres d’ici, est dans le lit d’une rivière. Presque personne ne passe sur cette route menant à un col minuscule et âpre. Et encore moins personne pour venir le saluer, le soir, au crépuscule. Andy Goldsworthy est reparti. Il est coutumier aussi d’oeuvres éphémères – comme celles taillées dans la glace. J’imagine que la construction ovoïde, faite avec les pierres plates d’ici, est parfaitement compacte. Il n’y a pas de ciment ni rien d’autre pour l’assemblage. C’est ici. Ça reste. Je pense à nos mots. À la fragilité des machines qui les portent. À l’effacement. Au bruit environnant, dans lequel nous les plaçons. C’est ce dont je suis reconnaissant à Goldsworthy, quand on monte le soir palper mentalement les montagnes, au crépuscule, par cette immobilité qu’il nous offre – et qu’on ne percevrait pas sans l’énigmatique tenseur : qu’il me permette de penser cette énigme, ou bien, très précisément, que notre sort nous ait placé sur des schémas aussi distincts et éloignés.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 27 juillet 2011
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