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traversée de Saumur par les quais

Je suis heureux de faire cette expérience de Fontevraud, là n’est pas la question, même si au début les séances devaient être plus étalées dans le temps – mais sûr qu’on gagne en densité, c’était nécessaire d’avoir cette suite resserrée. Le problème c’est la route. Non que je ne sois heureux de faire parfois cette route : on passe de l’autoroute à l’arrivée dans Saumur par le pont, on s’enfile les ronds-points du Leclerc, et l’arrivée sur les quais se fait dans cette vieille majesté de la Loire, sous le hiératique château avec toujours quelques brumes. Puis route de campagne jusqu’à Montsoreau où parfois je prends un café, Fontevraud enfin, soit 40’ d’autoroute, et 30’ pour le reste. Mais un peu de mal à supporter en ce moment cette répétition de la route. On est dans un pays défait, avec des syndromes d’appauvrissement qui touchent tout, et premièrement ces villes fragiles de petite (Saumur) et toute petite (Montsoreau) taille. Il y a à Monsoreau cette étrange cour de vieille ferme transformée en palais du facteur Cheval, mi casse mi navigateur rejeté en pleine terre me suis promis qu’une fois je m’arrêterais et jamais fait. Et puis c’est toujours du sandwich, rouler, travailler, rouler, d’accord tout le monde fait pareil. Le train pour Paris a au moins l’avantage que je ferme les yeux et ouvre ma machine (c’est la même chose d’ailleurs), là non, au retour je dois rester concentré pour doubler les camions, des fois l’esprit glisse quand même et la voiture aussi. Il y a un coup de l’âge, plus de mal à cette dispersion – non, le travail avec les enfants à Fontevraud n’est pas une dispersion, mais la répétition de la route si, et il y a probablement aussi un effet collatéral de l’Internet : sur ma table, je vois la répartition des tâches, les tâches personnelles, le manus à corriger où je suis loin d’être dans les temps, et la liste évidemment pour l’autre mi-temps des chantiers publie.net, à la fois les trucs obligatoires et comptables (la fin de mois arrive, rien encore préparé), les mises en page auxquelles il faudrait se mettre (la liste par coeur, avec ce qui clignote au-dessus des retards), et le petit labo qu’on y garde parce que c’est ça l’essentiel et que bien des fois au lieu de me coller à la pile des retards je m’engouffre dans ce petit machin qui va m’apprendre ceci ou ça. Non, faut prendre la voiture – une fois là-bas tu n’y penseras pas, et hier au supermarché j’ai acheté une big boîte de Haribo ça j’apporterais pas ça en atelier Sciences Po tout va bien et dans la voiture j’écouterai de la musique au casque. Reste la traversée de Saumur, ses ronds-points, et les silhouettes aperçues du quai, les silhouettes en survêtement, les silhouettes qui dans la journée n’ont rien que leur misère, c’est tout ce qu’on leur a laissé. Pour ça, que je n’aime pas cette route tant que ça. Je vais traverser à Langeais, passer par la campagne. Si je ne risquais pas tant de me perdre à chaque fois dans les bleds...


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 mars 2012
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