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2013.09.16 | Vouvray, la brocante par l’exemple

Je ne sais pas si ça a du sens de placer 80 images dans une seule page html et qui aura la patience de baisser l’ascenseur jusqu’au bout, ou si c’est seulement pour notre rapport au web comme mémoire secrète, avec de lours continents immergés pour se défendre contre l’agitation des surfaces.

Ces premiers dimanches de septembre, les vide-greniers prolifèrent dans toutes les bourgades, mais Vouvray est une presque ville, et une longue histoire. C’est d’y être passé par hasard. Alors on se gare sur le parking du Simply, et on traverse. C’est déjà le soir, les gens sont fatigués. S’il y a eu des choses intéressantes à vendre, elles sont parties dès le matin première heure. Ceux qui alignent les belles fourgonnettes derrière sont devenus des spécialistes de la brocante itinérante.

Mais pour moi Vouvray ce n’est pas un pays comme les autres : Balzac s’en est beaucoup plus servi d’apprentissage que du Saumurois. Et les profils, les patronymes, le rapport aux lumières, à l’eau, à la terre, sont l’ancrage de notre langue dans sa forme arbitrairement devenue la langue française, au détriment de tous les autres parlers du pays rassemblé (ou à peu près).

Peut-être, il y a dix ans, quand ces vide-greniers ont commencé d’apparaître, c’était l’occasion de mettre de l’air, on voyait surgir par strates une mémoire, les vieux outils du monde rural, les papiers jaunis des années 50, des reliques des guerres, et puis les couleurs surgissantes des années soixante. Longtemps qu’ils ne réservent plus de surprise. C’est bizarre : on s’assemblait avec des musiques et des danses, ou des rituels. Le troc et l’éloge de la consommation par ses objets même a remplacé tout cela, c’est pourtant cette passeggiata à l’italienne qui est l’essentiel, comme sur les anciennes foires et marchés – est-ce que le vide-grenier remplace les foires et marchés dont nous ont dépossédé les rocades et les hyper ?

Et situation singulière, puisqu’on se met dans la rue et devant chez soi, et qu’on montre, et que ce qu’on montre appartient à la sphère privée. Les gens qui s’arrêtent touchent et on engage la conversation, ça compte beaucoup plus que le commerce (et même, au soir, ils étaient combien à dire : — Prenez-c’est gratuit !), du coup ce qu’on photographie c’est précisément ce qui se montre : ils vous voient photographier, ils ne s’en offusquent pas.

J’ai poussé exprès le curseur d’exposition, les contrastes et les noirs, parce que ne sont pas les individus qui comptent, mais le nous qu’ils constituent. Miroir promené le long de la route – enfin, des rues de Vouvray, un dimanche de septembre.

On a mis quand même une petite surprise à la fin.

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 septembre 2013
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