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journal | je n’ai rien vu venir (braco à Montparnasse)

Le moyen de supporter les voyages fréquents et réguliers, et notamment pour Cergy avec 4 moyens de transport (bus de 6h14 pour la gare de Tours, TGV de 6h48, métro ligne 6 puis les 35’ RER A) c’est probablement la suite de rituels qu’on se tisse pour soi-même. Entraînent-ils une baisse de vigilance ? Ce n’était pas le cas ce matin, même avec la nervosité en feedback de la rencontre Petit Palais d’hier (on ne dort jamais complètement bien), je n’avais pas dormi dans le train, fait quelques courriers obligés puis traduit 3 pages de Lovecraft. Donc aller à la borne pour les billets RER, s’il y avait eu quelqu’un dans ma proximité immédiate je l’aurais perçu. Et je ne suis pas transparent, plutôt massif, et l’habitude du clavier ordi fait que pour composer mon code j’ai souvent les doigts qui se croisent en antivol naturel. Portillon, aucun souvenir de proximité ou bousculade, couloir pour la 6, et là, avec tous les gens qui montaient, et grimper dans la deuxième porte, oui ça se bousculait. Et maintenant, ça me revient : un type qui est descendu très vite alors que tout le monde était monté, et m’être dit « eh ben, celui-ci il est temps » mais c’est seulement maintenant que ça me revient. Ma sacoche en bandoulière je la porte devant moi, sous mon bras, et je me suis aussitôt aperçu de la fermeture éclair grand ouverte et de l’absence du portefeuille. On gueule dedans, c’est sûr. D’abord j’ai cru à une distraction de ma part. J’ai beaucoup de distraction, mais jamais celle-là. J’ai décidé de continuer jusqu’au boulot (aussi bien je n’avais pas le choix, même pas de billet retour ou de possibilité d’en racheter un) pour les coup de fils, oppositions etc. Le coup de fil du service fraude de la BNP est venu dans les 10 minutes, à peine passé la Défense : ma carte avait été débitée successivement (autant dire qu’il n’y avait pas d’argent à ce niveau-là sur ce compte) de 1000 euros et de 940 euros. Bien sûr opposition, et le gars de la BNP a eu la gentillesse de me dire tout de suite qu’ils avaient 15 cas comme ça tous les matins, pour l’essentiel des gares parisiennes, et que je serais couvert par leur assurance. N’empêche il y avait aussi, dans le vieux portefeuille avec lequel on bourlingue depuis 15 ans, la carte bleue pro, la carte d’identité, le permis de conduire, la carte Vitale, la carte Fnac et d’autres du genre (pas la SNCF, elle était dans la pochette des billets à cause du QR code), carte de la déchetterie, tickets de métro (et mon ticket RER retour), la carte de SciencesPo et même la belle carte tricolore qui donne aux profs d’école d’art le privilège d’entrer sans queue dans les musées (s’ils s’en servent, ça va les cultiver), et 40 euros de liquide. Tout ça à refaire. Ça m’a donné l’occasion d’entrer dans l’hôtel de police de Cergy, avec les avocats venant pour les garde-à-vue, l’éducateur qui apporte les médocs à un de ses gamins raflés mais « déficient », très bien reçu d’ailleurs. On m’explique que ces types filment à 2 mètres sans être remarqués puis grossissent les doigts, et que ne pas se faire remarquer de la victime fait partie du cahier des charges, rien de changé depuis le pickpocket de Bresson. Que le dépôt de plainte va remonter jusqu’à Montparnasse, ils regarderont les caméras. Voilà. Un copain m’a prêté 50€ que je reprenne mon RER et mon train ce soir. Ça me mâche, quand même. Photo : RER A, Nanterre.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mars 2014
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