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une autre date au hasard :
2019.08.02 | du surclassement

Une rangée d’arbres minces très verticaux là-haut sur une crête. Une mention boite au lettre maladroitement tracée sur un mur. La menace de la double barre oblique au soir, quand on s’y est perdu. Le vol de l’aigle brutalement venu à quelques dizaines de mètres en surplomb, la fouaille lente et maladroite d’un blaireau à l’aube, à l’autre bout du champ, ou la fuite argentée et rapide de la couleuvre. Les affiches avec les prix du concours de boules, ou le reflet de l’écoulement transparent de la vieille fontaine. Une fenêtre percée dans une ruine, l’ombre tamisée de l’intérieur d’une ancienne grange, ou pourquoi pas l’insecte sur sa pierre. On réapprend ce qui fouille l’intérieur de soi-même et recrée du temps : espace suspendu en relief, avec des lumières, où les heures d’écriture du matin, le soleil frôlant la crête en face, le silence animal brutal quand il surgit, font partie de cette écriture même, depuis vingt ans presque à la même place, et l’impossibilité pour soi-même de corréler une date à chaque été symétrique au savoir profond de qu’est-ce qu’on avait entrepris d’écrire cet été-là, et accessoirement sur quelle machine. Hier, à croiser un de ces gîtes occupé une seule fois – en 1993 –, voir surgir le souvenir précis du premier Mac portable lourd et monochrome (le 145, 45 Mo de disque dur, à cause de cela je l’avais nommé Océan, et le ronflement précis de la disquette lorsque pour la première fois j’y avais chargé Word). Deux fois, avoir emporté avec soi en balade l’appareil-photo, savoir pourquoi. Les autres fois, se contenter de l’idée de la photo, et il reste là sur l’étagère du vieux buffet. Pourtant, c’est bien en tant qu’images photographiques qu’on perçoit et sépare du réel ces images arrêtées. C’est le mode d’interférence avec le travail qui est différent : le cadeau ici de l’environnement, lumière et silence, temps des marches, et la connexion Internet une fois tous les trois jours au club de parapente à 25’ de voiture, ne m’implique pas que je réalise ces images que pourtant je vois, alors que le temps d’écriture, qui ne les inclut pas et avec lequel elles n’ont pas d’interférence dans la représentation reste aussi privilégié ici que toutes les années précédentes, quoi que ce soit qui change, dans le réel, le corps ou les symboliques qui les croisent (et cette année particulièrement).


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 9 août 2014
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