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2014.11.10 | moteurs froids

une autre date au hasard :
#Rabelais | Marçay, châteaux sur la route

C’était très dérangeant ces 2 jours à l’école d’archi de Nantes, indépendamment de l’accueil et de l’ambition de l’équipe d’enseignants rassemblés autour de Maëlle Tessier, à cause de l’échelle de ce bâtiment. La notion d’atelier, ces grands plateaux à tout faire avec leurs rampes extérieures, les salles dites « de projet » insérées sur ces plateaux même. J’ai des photos, je mettrai en ligne – en même temps une sorte de discrétion, on était chez eux, les textes sont en ligne mais c’est à eux de diffuser l’adresse etc. Le jeudi midi, on est sorti rejoindre un plat du jour (Lulu la Nantaise), et j’aurais pu m’y balader des heures dans l’île de Nantes en chamboulement, le terrain vide pour l’école d’arts qui va voisiner celle d’archi, les réalisations d’architectes où Nouvel voisine Maëlle (son bâtiment en acier de navire qui évolue lentement du noir au rouge), et, à l’arrière de l’île, ces cours qui n’ont pas changé. Dans celle-ci, tout en longueur, à gauche de la récup comme baignoires, radiateurs, vieux cuivres, et à droite dans une benne des vieux moteurs. J’avais mon appareil à la main, Guénaël a lancé : – Ah, il est dans son élément, là... Ben oui. Mais Guénaël a toujours le sens de la répartie : un peu plus tôt dans la matinée il parlait de la venue d’Anthony Poiraudeau, Jonathan Wable et un autre à la maison Gracq et à Maëlle Tessier il spécifiait bien : des auteurs jeunes (et non de jeunes auteurs) et il n’a pas pu s’empêcher de regarder si j’avais entendu... mais on s’aime bien quand même et pas d’aujourd’hui, et on a rudement bien bossé en synergie. Reste la benne aux moteurs. Pourquoi ça me trouble. Parce que ces sculptures là, fonte et alliage, j’ai toujours vécu dedans, j’avais ça pour jouets de gosse (je crois même qu’on est un genre de confrérie de ça, Valérie Rouzeau, Robert Cantarella, d’autres...). Puis je sais comment ça marche, et quand je vois n’importe quel bout de ça, je sais à quoi il sert et comment fabriqué. J’en sais même le poids. Je sais aussi qu’avec un peu de soin il n’y a pas de vieux moteurs comme ça qu’on n’arriverait pas à faire redémarrer, qu’il soit destiné à un tracteur, une pelleteuse, un bateau, une auto. Mais c’était plus que ça, aussi. À cause de cet atelier, où j’étais venu avec un plein sac de bouquins, certains dont on s’est servi et d’autres pas. Un bouquin c’est ça, un moteur froid. Un bloc dans une benne. Et moi je traîne une grosse benne. C’est à cause du web aussi. Un site web c’est le moteur lui-même, un seul. On a remplacé la benne aux moteurs par un seul véhicule et chaque bouquin alors, là dans sa place numérique, un des éléments comme là tu connais bielle vilebrequin culasses injecteurs. C’est pour ça que j’avais besoin de faire mes 3 photos de la vieille cour, et y aurait pas eu les 2 mecs à travailler avec leur bagnole au milieu ç’aurait encore été mieux. Plus que tu as toujours une odeur de feu avec huile brûlée ou de vieux pneu qui crame, ou de meuleuse ou de soudure à l’arc et ça aussi tu les connais toutes ces odeurs et ça aussi en partie c’est ton rapport à l’écriture. Peut-être même c’est l’odeur de ces trucs qui brûlaient, au fond, qui m’a fait rentrer dans la cour. J’avais déjà cherché ça dans Buffalo aussi. Donc j’ai fait ma photo de moteurs et là depuis deux jours ça me tracasse bien cette histoire de site web rempli de moteurs froids, avec les mains dans Coda pour bosser dans le site comme si c’était ma cour avec tout ça, et même les vieilles baignoires.

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 novembre 2014
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