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2015.07.18 | Providence, sans livre mais avec livres

une autre date au hasard :
2022.04.21 | délitement du monde

 

Étrange paradoxe d’être venu pour 40 jours à Providence pour lire, mais sans livre. Je crois que toujours, par fétichisme, j’en apporte au moins un avec moi. Ça devait être mon vieux Pléiade Edgar Poe, et finalement au dernier moment je l’ai laissé. J’ai tout sur l’ordi et le Kindle, je lis beaucoup directement sur l’ordi, et mon petit Kindle Paperwhite malgré ses bientôt 3 ans est parfait. Ce qui est étrange c’est voir comment les réflexes évoluent : la recherche par occurrences devient un mode permanent de visualisation synoptique, comme l’épaisseur et la spatiatlisation au pouce. La mémorisation est différente, mais accrue. En journée, je suis en bibliothèque, mais ce qu’on m’apporte ce ne sont pas des livres : juste une caisse d’archives avec des dossiers en fac-similie des mini carnets de notes accumulés par Lovecraft. Le paradoxe commence lorsqu’une des pistes que je suis avec le plus d’attention, dans le Commonplace Book, par exemple, ou ce carnet Remembrancer qui n’a jamais été publié en tant que tel (y compris ici) et dont je termine la traduction, c’est comment le livre lui-même, un livre, ou de façon récurrente le Necronomicon (écrit par un auteur lui aussi fictif, souvenir d’enfance de Lovecraft parce que tel était le nom qu’il se donnait dans ses jeux de gamin, découvrant les Mille et une nuits) sont les vecteurs par lesquels, dans le récit même, on quitte les lois du réel (trouvé hier cette expression dans le Remembrancer : departure from reality). Avec cette mise en abîme évidente, le livre fictif qui sert de transition ou passage, avec même rôle que les objets plus standards de cette invention ultérieure que sera la science-fiction, répète votre propre posture de lecteur. Et c’est bien ça la question : quand la librairie de l’université vend surtout des sweat-shirts, et que la pratique du lire-écrire sur ordinateur ou iPhone a remplacé l’usage courant du livre, il en est quoi de cette mise en abîme par l’instance même du lire et les supports qui l’incarnent ?

NOTA : musique de la vidéo, Arkham rag, joué et composé par Frédéric « Tonton » Antonpietri, extrait de l’album Back to Lovecraft – merci !


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 16 juillet 2015
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