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2016.09.23 | des phrases dites avec assurance

Mes 2 vidéos s’intituleront : « se réveiller à Bruxelles » et « se réveiller à Niort » et fonctionneront en flash-back. Dans le transit Montparnasse, un peu de mal à se souvenir d’où je venais et pour où je partais – seule certitude, à cause d’un suicide de plus, triste saison, le train aurait 40’ de retard. Dans ces journées avec le trimballage, les rencontres et attentes, et les quelques minutes d’intervention sans filet, c’est la question du doute qui l’emporte. Sur ce qu’on peut dire et qu’on dira, puis ensuite sur tout ce qu’on n’a pas dit ou pas dit comme il faudrait. Là, sur d’Aubigné, des tas de fenêtres ouvertes dans la soirée d’hier, et c’est plutôt aujourd’hui qu’il aurait fallu intervenir. Alors me reste bizarrement dans la tête, moi qui ne sais parler que dans ce doute ou cette angoisse, d’avoir été capable mardi matin d’émettre une phrase qui était tout le contraire. Un énoncé si performatif qu’il m’a ébloui moi-même. On venait de passer une heure avec Raphaële Bertho, au buffet de la gare de Tours qui n’est pas un endroit très recommandable pour ce qui est de l’attention et du service (on ne refera plus) d’échanger sur expo BNF automne 2017 qui sera une grande traversée de la photographie urbaine. Et intuition, moi qui déteste acheter chaussures ou pantalons (une fois l’an, gare Montparnasse), je fais le crochet par la boutique de démarque avec les trucs en solde. Ils ont trois paires en 43 qui me conviennent, j’en essayerait deux et en prendrai une, je réussirai ça en 8 minutes chrono donc ça va. Le fait d’avoir très peu de choix facilite, grâce aux soldes. Et la dame me dit : – Vous voulez voir aussi les 42 ? Et moi de répondre, comme ça, tout à trac, sans réfléchir : – Non, parce que j’ai le pied large. Énoncé performatif assurant avec tranquillité cette vérité sur moi-même. C’est pas si simple, parce que ce faisant je pensais à mon défunt père, qui prononçait cette phrase aussi, et donc je l’ai dite comme si le mort parlait en moi, ce qui affectait et dédoublait quand même le caractère performatif simple, et c’est toujours très troublant quand vous parlez en mort. Le mort a donc acheté ses chaussures, et est reparti avec jusqu’au parking souterrain devant la gare. Je les porte en ce moment-ci. N’empêche qu’en ces temps de trouble général, et de grande énigme quand au fait qu’on fasse autant de train et d’hôtels pour des prises de parole improvisées basées sur le doute et l’abîme, j’ai été capable de cette phrase. Avec beaucoup de vérité d’ailleurs : ces Geox me vont très bien. Photos : hôtel de ville de Niort, colloque Agrippa d’Aubigné, juste avant mon interpellation par la police municipale pour la question suivante : – Pourquoi vous faites des photos alors qu’y a rien ?


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 septembre 2016
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