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#Evry #03 | cette émergence des terrasses

Evry corps béton, roman-photo, le sommaire
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On avait pu rejoindre — ils m’avaient montré le chemin –– la partie de la ville encore émergée depuis. Depuis, depuis... ils n’aimaient gère à raconter. Ça avait été si prévisible, si menaçant et puis voilà, on se bouchait les yeux, on laissait traîner, et fatalement c’était arrivé. Maintenant, on marchait dans cette part du labyrinthe de béton, vide, à l’abandon, qui émergeait de ces boues rougeâtres, devenues solides. Ainsi le destin des hommes, ainsi le destin des villes. De l’herbe, mais rare, commençait de repousser dans les interstices. On se promenait sur les terrasses, on grimpait dans ces excroissances grises comme sur des promontoires, imbriqués, fissurés et risqués, à quoi le vent extorquait ces sifflements tristes, et où des craquements encore vous avertissaient de ne pas trop vous attarder. Depuis une des terrasses, ils m’avaient fait descendre vers ce qui restait au-dessous de la ville : ces vides protégés, comme enserrés dans le sol monté jusqu’au cinquième, sixième étage de l’ancien niveau des routes, rails, passages commerciaux et toute leur folie d’alors. On avait suffisamment parlé de ce qui s’était passé : une nuit avait suffit, et maintenant cette éternité fragile. On s’était tu, jusqu’au retour.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 29 novembre 2019
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