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#Evry #04 | craindre et aimer ce monde de parois

Evry corps béton, roman-photo, le sommaire
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Ce monde se prenait beaucoup trop à ses jeux de miroirs, de mots étincelants, de lumières. Ici non. Ici tu pouvais regarder longtemps aux fenêtres. Ici tu allais ou tu voulais, tu déambulais, et puis te postais aux fenêtres. Certaines fenêtres étaient des vitres, d’autres fenêtres étaient juste ces arrangements géométriques dans les murs. C’était propice à la méditation. On t’avait dit que. Moi je regardais longtemps aux fenêtres. Une bonne part de l’angoisse que tu éprouves au dehors, que tu éprouves avec les gens, les bruits, les voix, les signes, l’obligation de faire, la succession des déplacements, tient à cela, que tout bouge. Ici on avait voulu que cela ne bouge pas. Tu en croisais d’autres comme toi. Il y avait assez de fenêtres. On échangeait silencieusement nos places. De toute façon on regardait tous dans la même direction, on regardait dehors. C’était une paix étrange qui te gagnait, progressivement, dans la ville morte. Non, pas morte : cette ville qu’on avait réservée aux quelques-uns comme toi (de toute façon, elle ne servait plus), ceux qui simplement souhaitaient intérieurement cela, cet à-plat du temps, cette paix immobile des signes. Qu’on t’y laisse aussi longtemps que possible, oui, tu voulais cela.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 novembre 2019
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