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2020.06.26 | Pascal Convert, livres, verre & cendres (Chaumont #2)

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Dans nos réflexions sur le livre et la mutation numérique de l’écrit, on se réfère souvent à la question matérielle du sa forme : parallélépipède, 8 angles, 6 faces. Evacuant d’ailleurs les paramètres essentiels (depuis bien avant l’imprimerie) du rangement –– la bibliothèque ––, et le manipulable (la main étymologiquement nécessaire). Ce ne sont pas sans doute les premiers critères d’approche de Pascal Convert : j’ai découvert son travail en 1996, au CapC Bordeaux, et il ne m’a jamais quitté. Je ne sais même plus si on s’est rencontré de nouveau, mais quand je le retrouve au MacVal, au Mamco ou à Beaubourg, ou ses expériences autrefois sur le sommeil, c’est bien avec lui directement qu’on se parle à travers l’oeuvre. Parfois des passerelles tendues, via Georges Didi-Huberman mais pas seulement. On n’est pas en position critique ou jugeante, dans les travaux frères : on est en écoute, et on écoute comment soi-même on est mis en déplacement paradoxal, lent, contradictoire, avec fissures et tensions. Ça part d’une acceptation, pragmatique, arbitraire. Alors on sait qu’on a cheminé vers l’autre, et renouvelé le pacte qui nous lie. Pareil avec les souches de Verdun, qu’installe Pascal dans le parc de Chaumont : je les lis via mon propre grand-père. Je n’ai pas besoin de l’expression « art contemporain » pour ce qui me lie à Pascal Convert. Etrange d’ailleurs, pile devant ces mêmes souches, l’appel WhatsApp qui me renverra directement à énorme colère rentrée lors d’un jury à Cergy, et le barrage fait à la fille de Pascal, mais je ne raconte pas ça ici. Ça a contribué, parmi d’autres choses, à mon décrochage l’an passé plutôt que tenter l’année supplémentaire qui administrativement m’était permise. Justement parce que, dans ce qui souterrainement nous assemble, pareil pour Cognée et d’autres, c’est nos intérieurs écarquillés de bonshommes devant le monde qui s’assemblent. La question des bibliothèques détruites ne se réduit pas à la question du livre — depuis Eschyle et Sophocle, même. Mais aussi les rouleaux de Tombouctou, et les destructions islamistes. Sur l’oeuvre elle-même, on se reportera ici à ce descriptif. La part artisanale de la réalisation impressionne, mais à la fois ne compte pas. Assez vu de ces bibliothèques de châteaux, l’incendie en 1957 de celle des de Broglie, dans cette même pièce, n’est pas ce qui me relie quant au fond à ce qui s’est passé hier pour moi devant ou plutôt dans cette oeuvre, avec le regret qu’on en soit maintenu à l’entrée sans pouvoir s’y déplacer de plus près. Des belous s’enfuyaient, ça plus Cognée ça faisait vraiment trop, ah oui, l’art contemporain misère, payer pour voir ça. Le même grand-père qui avait fait Verdun, Édouard Biraud, instituteur mobilisé comme ânier et vaguemestre parce que Vendéen sachant lire, lui sa bibliothèque brûla en 1962, et j’ai toujours ici des livres à la tranche noircie récupérés dans les décombres et qui portent cette odeur reconnaissable entre toutes. Et tu pensais à tout ça, voire même à comment l’idée de cendres venant teinter l’opacité blanche du verre pourraient aussi bien sortir de cette urne rouge tenue il y a dix jours. Ou bien même, si ce qu’on écrit ici sur le web, à l’intérieur de nous, n’était pas aussi fait de ce verre trempé de cendre, qui ne révèle que ce que vous y projetez.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 juin 2020
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