
2023.01.19 | avec Bergounioux on avait envoyé une carte à Pierre Michon
J’étais venu deux ans plus tôt : mais c’est comme Sand à Nohant, ou Balzac à Saché, il faut revenir pour être absorbé autrement, de façon plus poreuse, plus lente ou subreptice. On ne sait pas si on est troublé par le souvenir du livre, ou par le souvenir de sa propre enfance. De toute façon ce livre, sans doute lu une fois tous les deux ans depuis la première lecture vers mes dix ans (avant 1964 en tout cas, j’en ai certitude vérifiée), sur l’espace de toute une vie, est justement ce qui symbolise comment un livre peut bouleverser une enfance, en la rendant accessible à soi-même, dès la première lecture et jusqu’à la plus récente. Sauf que, au centre même de cet accès, il y a accéder aussi à ce mystère essentiel qu’on peut se perdre à proximité du plus connu, et que ça valait aussi bien pour mon paysage d’enfance à moi, dans le marais vendéen, qu’ici dans la Sologne du Meaulnes. Cette première visite est ici dans le journal images : les trois greniers du Grand Meaulnes et les photos me semblent même meilleures techniquement (ah oui, après petit tour dans LightRoom, j’avais sur le GH5 cet incroyable objectif Olympus 7-14 à 2,8, qui a pris un coup et s’est bloqué depuis... là sur le S5 c’était ce Lumix 35 1.8 alors que ça aurait mérité le Sigma). On était resté longtemps, j’avais pu me concentrer totalement, et pourtant, à deux ans de distance, je refais certaines des photos à l’identique, sans pouvoir cependant avoir mémoire con sciente de la première visite. Chez George Sand à Nohant aussi, je rephotographie exactement les mêmes choses. Cette première fois, j’avais aussi ma petite caméra 360, j’avais fait pour chaque pièce un relevé 3D (au petit musée près de la mairie, on vous indique le chemin de l’école à 30 mètres, et on vous dit d’y aller seuls). J’avais publié cette suite d’image via une plateforme pour les agents immobiliers, on pouvait passer d’une pièce à l’autre comme d’y déambuler : je croyais vraiment à cet outil, dommage qu’il n’ait pas pris (et serais en peine de savoir ce que devenues, ces images, pendant plusieurs moi j’avais fait ça intensivement, sur la tombe de Sand aussi, je me souviens). Ah, et puis, après cette deuxième visite, je me suis attaqué à la Correspondance Henri Alain-Fournier et Jacques Rivière... quel fascinant et tout vif monument de littérature vivante — pas possible pourtant de regretter de découvrir un livre aussi tard, c’est eux qui décident de quand on peut venir à eux. Le Meaulnes est un des très rares livres que je crois être capable de lire à l’infini dans ma tête sans même avoir le volume à portée de main. J’en ai plusieurs éditions, dont le Pléiade un peu trop mince (juste une compile de la Correspondance, justement), mais je rachète régulièrement, sur eBay ou AbeBooks, la version Livre de Poche de 1964, pour l’illustration de couv, pour le poids du livre et la sensation jaunie du papier passé un demi-siècle. Après la visite, à Épineuil-le-Fleuriel passer saluer l’ami défunt Bernard Stiegler au cimetière ou en son moulin : un pourquoi sans réponse. Puis revenir rouler lentement, très lentement, au long du canal dédoublant le Cher. Et tant pis si les mêmes photos auront à revenir ici dans deux ans encore.
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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 juillet 2024
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