
2024.08.27 | ce soir à Grenade je catholique
On comprend l’intention. Sinon que l’homme est nu, vêtu d’une sorte de vêtement de nuit, une marche de somnambule, un mouvement dans un rêve ? Il va tomber. One step forward : un pas en avant, oui. Mais que faire que tomber : allégorie du monde. Nuit, sommeil, yeux ouverts dans la marche en avant du rêve, et ce pas en avant on le fait, on tombe et le monde tout entier bascule. On n’est plus là pour le savoir. Sinon que c’est ici, ici au milieu des chantiers, sous des grues bien plus statues artistes que lui, absolu d’art plus que lui qui leur tourne le dos et s’en va tomber dans le vide. Et nous, nous oui on tombe. Il y avait l’homme qui marche de Giacometti, et lui il tourne aussi le dos à tout ça, à la marche même. Perché sur sa trop mince colonne il avance son pied nu et l’accomplit, le pas par quoi le monde bascule et tombe. Qui s’en apercevrait, de la chute d’un bronze : les voitures noires et sans griffures filent dans le silence de leurs moteurs électriques et vitres teintées, il y a un clochard au feu mais loin là-bas, et sous le toit plat des bus qu’on surplombe, dans la tranchée à sens unique qui les éjecte un par un, aucun des passagers pour voir ni savoir — regarderaient-ils ailleurs que dans la lucarne de leurs téléphones qu’ils ne verraient rien. Dans la rue venteuse et toute droite, remuée des chantiers qui la fouillent, sur le trottoir désert où on ne passe que par erreur, il fait dans un immense ralenti (vous vous souvenez, le ralenti des marins du Manuscrit trouvé dans une bouteille ?), il l’a fait, il l’accomplit, son pas en avant qui amorce la renverse du monde. Et si, toi, tu continues ton chemin et ne vois plus que son dos, tu sais bien que c’est toi aussi qu’avec le monde il emporte.
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 mai 2025
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