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2019.10.01 | petit homme à réaction

Toujours bizarre de penser qu’ayant publié un premier livre en 1981, il m’ait fallu attendre 2008 et l’onde de choc sismique du numérique pour avoir à m’occuper de mise en page. Avant, non : en 80 et 81, équipé d’une IBM à sphère il m’arrivait fréquemment d’effectuer des travaux de dactylographie, corrections de thèse etc, mais ce n’était pas la préparation d’un livre. Avec la collection Déplacements au Seuil (merci Flore Roumens et Gilles Toublanc) j’ai pu, pendant 18 mois, bénéficier de leçons accélérées – c’est un capital dont je ne m’imaginais pas qu’il me servirait autant pour publie.net. Depuis six à huit mois, c’est un bouleversement radical : inscrire un texte dans l’espace écran, naviguer dans le texte via l’espace réduit de l’écran 9x12 du reader, connaître le rôle des marges, du gris typographique, le dosage de la ligature et de la césure. C’est de l’artisanat : voilà 300 textes sur notre plateforme, et jamais été fichu de transposer un réglage d’un texte à l’autre. C’est lui qui impose cet équilibre tellement bizarre où, à un moment donné, on sent que la page se met à vivre. Et du mal à tolérer les textes sans ce mouvement : relisant pour mon cours de demain un poème des Fleurs du Mal, se remettre à les présenter, et les voilà en ligne, encore un après-midi qui a filé sans préméditation. Pourtant, pas l’impression que ça m’éloigne de ce qui compte au plus urgent pour écrire. Et l’abîme symétrique : l’infinie non-culture du traitement de texte, pour ce qui est des interlignes, des blancs, des insécables, non pas pour tel ou tel, auteur ou pas auteur, mais tout simplement dans le dispositif global d’une société, ce qu’on devrait transmettre au lycée, à la fac. On nous propose ad lib des tables rondes (je refuse systématiquement désormais) sur l’avenir du livre ou la crise de la lecture, mais des stages ou formations ou ateliers sur ce truc très simple, utiliser un traitement de texte, faire vivre une page sur nos supports d’aujourd’hui, personne que ça intéresse. En fait, l’édition numérique c’est ça pour chacun des pratiquants que je connais : savoir aussi artisanal et rempli de paramètres divers que le vieil art du luthier. Alors nos petits secrets sont probablement notre meilleur capital, et probablement aussi notre meilleure chance, quand les industriels ne peuvent pratiquer que par tapis roulants automatisés. Vous conseillez quoi, pour l’édition numérique, on me demande maintenant régulièrement, que notre modèle publie.net semble proliférer par treize à la douzaine (bon courage, les amis, bon courage) : – Aimez vos textes, je réponds. Axiome suffisant.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 janvier 2010
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