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roman fleuve

Si quelque chose me manquera, au retour du Québec, ce sera le fleuve. On peut l’aimer comme chez nous on aime la mer. Ce n’est pas de l’eau apprivoisée. Il attrape les saisons avant la terre, il amplifie les reflets, les vents, il offre un élargissement à l’espace intérieur. Même à dix mois de fréquentation, le déplacement d’échelle n’est pas encore intérieurement assimilable. J’aurai connu seulement la côte Nord et laissé tomber la côte Sud, pour ça il aurait fallu une autre année – mais une autre année m’aurait probablement ramené sur la côte Nord sans aller sur la côte Sud, même Kamouraska. Pareil, ne me suis jamais résolu à remonter le fleuve de Québec vers Montréal, malgré noms favorables de Shawinigan ou Trois-Rivières. Le fleuve n’est ici que le chemin de son propre élargissement. Cette étrange façon aussi d’avoir de toute façon repoussé bien amont de lui le temps des hommes : il replace en nous le regard de ceux des nôtres, qui le découvrirent. Contrairement au reste de l’expérience Québec, le fleuve m’autorise qu’il soit expérience de moi à moi, sans la médiation québécoise.

 

 

 

 

 

 

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 12 juin 2010
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