< Tiers Livre, le journal images : 2010.06.13 | ceci est un ordinateur

2010.06.13 | ceci est un ordinateur

J’ai donc fini par suivre cette intuition, depuis des semaines que ça me turlupinait, acheté à Bureau en Gros deux cahiers de 300 pages à reliure spirale et papier ligné fond légèrement jaune, cahiers pour les réunions d’entreprise, costauds, utilitaires. Complété d’un stylo-plume à 30 dollars, pas facile à trouver encore des stylo-plumes. Ce que je ne savais pas, c’est comment j’ouvrirais le cahier : je préfère commencer page 5, en laissant des blancs avant. On peut mettre plusieurs titres, les rayer successivement. J’avais d’abord mis : Ceci n’est pas à lire. Quelques heures plus tard, j’ai mis Ceci est un ordinateur. Je crois bien que c’est à cause de l’iPad : j’occupe et organise les pages – après quasiment 10 ans sans écriture manuelle – de la même façon dont je visualise intérieurement une page web. La navigation intérieure au cahier, ou ses liens aux sources extérieures, je crois que forcément je la pense différemment que lorsque l’ordinateur prolongeait le cahier, et pas l’inverse. Non pas tant besoin de l’espace page, mais faire que même en appuyant très fort sur le papier, il ne puisse être connecté. Bizarrerie de retrouver, pas tant la question du tracé des lettres et la corne à refaire sur la première phalange du majeur, que la translation horizontale de la main. Avec le clavier, pas besoin de suivre la ligne avec la main pour avancer le texte. J’ai inventé un ordinateur drôlement neuf, autonome (mais j’ai à nouveau bouteille d’encre à promener, c’est pas mieux qu’une batterie) qui ne craint ni les intempéries ni les chocs, mais j’ai du mal à en assumer toutes les contraintes. Par contre, celle d’écrire dans l’univers clos du cahier, s’y tenir une heure, aucune idée d’où ça m’embarque, sauf le format : à 300 pages, il faudra changer de cahier.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 juin 2010
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