contribution auteur | Vincent Tholomé

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prend généralement, ces jours-ci, son petit déjeuner tôt le matin en terrasse, à l’arrière de sa maison, sous trois couches de pulls en laine et dix-huit bonnets faits maison. sinon : on peut le lire, entendre et voir sur le web, par exemple, avec ses amis Maja Jantar et Sebastian Dicenaire, ou encore avec les grands improvisateurs de Babils, ou plus

Ses contributions à l’atelier ville.

Propositions 1 _ 2 _ 3 _ 4 _ 5 _ 6 _ 7 _ 8 _ 9 _ 10

proposition n° 9

source de l’apocryphe
Elle, s’excusant alors, disant à amour que cela serait plus fort qu’elle. Que toujours depuis toujours elle aurait besoin que chaque jour soit neuf. Qu’elle reviendra dans dix ou quinze minutes quand le repas sera cuit. Disant que c’est plus fort qu’elle, ce besoin de prendre l’air en oreilles de chien ou en peau. Disant qu’elle ne pourrait pas vivre, quant à elle, sans sortir, prendre l’air, un peu, tous les jours, en oreilles de chien ou en peau. Elle, disant alors qu’ainsi, en oreilles de chien ou en peau, amis, parents, frères et amour seraient loin et qu’il n’y aurait plus de pont entre elle et elle-même et qu’elle serait ainsi au plus près d’elle-même, de ce qu’elle pourrait être si elle sortait en rue en peau ou en oreilles de chien, sans la lanterne lourde de la tête et du cerveau, dont elle rêverait de se débarrasser un jour, une fois un peu, juste pour voir mais n’y parvenant pas, ne cherchant même pas à le faire, tant il serait inutile de chercher à le faire, tant nous serions tous suspendus, c’est inéluctable, à nos têtes, à tout ce qui arriverait dans nos têtes, les doux télescopages des pensées se nouant l’une à l’autre en une matière parfois tout autre que la matière du monde. Mais sortant toutefois en rue, le plus souvent possible, le plus longtemps possible, en oreilles de chien et en peau, rien qu’en oreilles de chien et en peau, se bornant à noter le changement des enseignes, les airs tristes et instables de la ville, les cœurs s’alignant en plein jour sur les bancs, les va-et-vient dans les galeries marchandes et les autobus, ces beignets froids où, enfilant ses oreilles de chien, elle se promène, n’importe quel podcast audio de poème dans les oreilles, ou n’importe quel roman, notant scrupuleusement, l’un après l’autre, sans faire le tri, les télescopages, les rencontres heureuses ou malheureuses entre les mots qu’elle entend et les bandes de jeunes gars faisant silence, les clochards mangeant des chips, les vieux suçant les glaces de février, les musiques des boutiques qui débordent sur les trottoirs jonchés de mobylettes et de graffitis vantant la puissance d’être d’individus léchés comme elle au visage par un soleil réchauffant les corps comme un sacré baiser. Hésitant, toutefois, entre ça et vivre, juste vivre, léviter en ville comme n’importe qui. N’étant pas du tout certaine qu’ainsi on serait plus vivant ou qu’on se façonnerait mieux. Rien ne nous assurant ainsi que nos corps changerait comme s’ils s’allongeaient peu vêtus au soleil. Rien ne nous garantissant qu’ainsi matins et nuits nous seraient comme des feux dont on ne saurait arrêter le fil. Amour alors l’embrassant sur la bouche, assurant qu’il ferait de son mieux, quant à lui, pour que le plat de ce soir soit un sacré soleil de février réchauffant les corps, elle, alors, souriante, lui disant bye et à tout suite et sortant vite, d’une venue, dans la ville.

source de l’apocryphe
C’est un chien, dans une cuisine, sous l’épaisse table ronde. C’est un chien patient, à l’heure du repas, à l’heure du souper. La famille, les enfants, grands-parents et parents, prenant place à table, le soir, à l’heure du souper. Tout se passant alors, pour lui comme pour eux, dans la vieille cuisine, à la fin du souper, autour de l’épaisse table ronde, au milieu des cris et des pleurs, à l’instant où le père traverse la pièce, se dirige en courant vers la fenêtre du jardin, l’enjambant d’un saut et s’enfonçant dans la nuit. Le chien se fichant pas mal des disputes, des cris et des pleurs, s’inquiétant plutôt de l’après, du silence et de l’hébétude d’après, ces grands vides succédant aux fracas, aux lourdes envolées d’assiettes et de plats, balancés par le père à la tête de mère, balancés par la mère à la tête de père. Le chien, un setter à longs poils, un setter à poils noirs, s’étant fait, comme chacun, à l’idée que le soir, après le travail, il y aurait dispute, toujours dispute, toujours envolées d’assiettes et de plats dans la cuisine noire, à l’heure du souper, tant il semblerait impossible, dans la cuisine noire, à l’heure du souper, de passer à table sans dispute et sans envolées. Le père finissant toujours par saisir son assiette. La mère finissant toujours par saisir son assiette. Les viandes en sauce ou les débris de poulet finissant toujours par terre, à proximité de son mufle. Lui, n’ayant dans le fond qu’à patienter. Se fichant pas mal de l’ampoule nue, suspendue à un fil usé, tombant du plafond, éclairant mauvaisement la cuisine, se fichant pas mal des carrelages sombres recouvrant les murs, de l’odeur persistante de vieux, de vieilleries passées d’âge, des disputes et des envolées. N’attendant que ça, que viandes en sauce ou débris de poulet finissent par terre, n’ayant plus, quant à lui, qu’à tendre paresseusement le cou. Tendant alors paresseusement le cou et les saisissant. La scène recommençant ainsi, immuable, tous les soirs. Des débris de poulet ou de viandes en sauce valdinguant des assiettes en carton, tous les soirs. La scène ayant lieu depuis des années. La scène commençant dès le lendemain des noces. Dès que le père se serait installé, rejoignant la maison appartenant à la lignée de la mère. Le père posant ici ses affaires, ses valises bombées, ses papiers chiffonnés, ses chaussures, un chiot adorable, setter noir à longs poils, de quelques semaines. La même scène, même dispute, se rejouant tous les soirs, au souper, dans la cuisine. Le chien se fichant de savoir pourquoi le père et la mère se disputeraient ainsi depuis cent ou mille ans, la présence du père suscitant la tension dès qu’il rentrerait du travail, le père se sentant de trop, toujours de trop, les enfants finissant toujours sous la table, tapis sous la table, se serrant l’un contre l’autre, en pleurs. Se taisant pourtant aujourd’hui, ne quittant pas la table, ne rejoignant pas le chien, sidérés plutôt par ce qui se joue sous leurs yeux. Par le pressentiment peut-être de l’inéluctable à venir. Par la colère, un moment contenue, du père. Par l’explosions ensuite. Le père se levant alors et se dirigeant vers la porte pour quitter la maison. Le grand-père tâchant de s’interposer, de barrer au père l’accès du dehors. Le grand-père écartant les bras pour mieux occuper l’espace. Le père se mettant alors à courir, à grandes enjambées, vers la fenêtre. Le père sautant alors par la fenêtre et s’enfonçant dans la nuit. Les enfants alors hébétés et le regard vide. Abîmés par la déchirure qui vient de traverser le tissu de leur vie.

source de l’apocryphe
M’avachissant alors, dès l’entrée, dans le velours du siège, n’ayant guère eu l’occasion dans la vie de m’avachir, piercing dans le nez, dans le velours d’un siège en velours, dans le confort d’un siège en velours. Profitant bien, alors, de l’affaire. N’hésitant pas, dès lors, dès l’entrée, à prendre place, piercing dans le nez, dans mon air le plus apaisé, dans le velours usé du siège en velours. Engloutissant mon panini sans dire un mot tandis que le gaillard regarderait juste à côté de mon coude. Comme s’il y avait quelque chose juste à côté de mon coude. Un ange ou une présence divine juste à côté de mon coude. Tant il n’arrêterait pas de reluquer l’accoudoir de siège en velours. Tant reluquer l’accoudoir de siège en velours l’absorberait. S’excusant alors de garder le silence et pointant du doigt une déchirure, bien nette, de quatre centimètres, juste à côté de mon coude, dans le velours, dans l’accoudoir gauche, juste à côté de mon coude, au milieu de l’accoudoir, laissant apparaître la mousse bas-de-gamme utilisée pour rembourrer le siège. Utilisée, malgré sa laideur et sa piètre qualité, pour le rendre confortable. Pour le rendre conforme aux désirs des bobos attirés par l’enseigne bobo bio pain d’antan à la décoration chic. Tout en velours. Et en boiseries aux teintes claires. Un siège coûtant un pognon dingue. Irrémédiablement abîmé. Vraisemblablement voué au rebut. Tout cela à cause d’une déchirure de quatre centimètres de long. Au centre de l’accoudoir gauche. Foutu. Aucune enseigne bobo bio pain d’antan à la décoration chic ne pouvant se permettre de présenter à la face du monde une déchirure, une faille authentique, lézardant le monde bobo bio ou quelque chose du genre, je dis alors la bouche encore pleine, débordant de saveurs pseudo italiennes. Disant encore au gaillard finaud, assis devant moi, de l’autre côté de la table, que, tout à l’heure, probablement tout à l’heure, le gérant de l’endroit le dira à la serveuse aux cheveux parfaitement attachés et les Stan Smith aux pieds, bien utiles pour tous les kilomètres qu’elle parcourt chaque jour. Pour servir les mamies, les avocates et les jeunes filles bien comme il faut aux airs revêches ou non, piercées ou non, passant des fois un temps fou à se percer le nez, se demandant parfois, des semaines durant, si ça aurait un sens de se percer le nez puis se perçant le nez, voilà tout, parce qu’elles ne se verraient plus passer le reste de leur vie sans se percer le nez, voilà tout. Me fichant bien des mamies et du rictus sur les visages des avocates dégustant du bout des lèvres leur soupe aux orties relevée à l’huile de colza légèrement pimentée éclatant de saveurs en bouche. Se disant peut-être que le gérant de l’affaire ne gérerait pas l’affaire. Laissant venir n’importe qui, n’importe quoi. Une déchirure à gauche, dans un accoudoir, une nana percée, dans un siège en velours, c’est la porte ouverte à tout. À la déglingue du monde partant en couille, pas vrai ?, je dis encore au gaillard, de l’autre côté de la table. Faisant oui de la tête, dans un splendide sourire. Disant, quant à lui que laisser le siège, à sa place, devant la vitrine et faire comme si rien ne s’était passé, c’est la septicémie assurée. Disant encore que de quatre centimètres, ça passera à cinq, puis à sept et le rembourrage sera de plus en plus apparent, les regards de plus en plus appuyés, les rictus de plus en plus marqués. Et que réparer. Réparer, ça se verra. C’est sûr que ça se verra, ma petite. L’image, ma petite. On n’est pas dans un boui-boui ici, on ne sert pas des pintes ou je-ne-sais-quoi. Non, une déchirure pareille, c’est la fin de tout. Grand Dieu, le rembourrage est apparent. On ne voit que ça. Il va falloir le signaler. À la maison-mère. Lui dire, que suite à une déchirure de quatre centimètres, laissant entrevoir — Seigneur Dieu ! — le rembourrage, il va nous falloir un nouveau siège. Un siège cadrant avec les valeurs de l’enseigne bobo bio pain d’antan. Conforme aux tarifs en vigueur. Excluant de facto bon nombre de jeunes filles et de jeunes garçons piercing dans le nez et l’air revêche. Acceptant de s’avachir sur un siège pareillement éventré. Le trouvant même sympa et confortable. Ne s’apercevant même pas de ladite déchirure. Ou la trouvant inconsciemment carrément rassurante. L’aimant comme ça. En attendant, quand Madame et Monsieur seront partis, vous me ferez le plaisir d’emmener ce siège à la réserve. On n’est pas à la Halle aux Vêtements, ici. Quatre centimètres ! Pensez image, ma petite, pensez regards et rictus. Et veillez à ce que ça ne se reproduise pas ! Non, vous ne pouvez pas le reprendre chez vous. Parce qu’il appartient à la maison-mère. Et puis, vous ne devriez pas vous contenter d’un siège déchiré. C’est la porte ouverte à tout ! Il faut de l’ambition dans la vie. Moi, partant alors

proposition n° 8

(…)

eux, tout entiers à leur dispute, tout entiers à leurs considérations, ne remarquant rien, ne remarquant pas le livre, par exemple, tombé tout à l’heure, du sac d’une femme, d’une cliente assise à côté de Wiens, sur la banquette à côté de Wiens, un volume épais mais en papier léger, dont l’une des pages dit :

un chien mord la patte d’une chèvre qui mord le cou du chien qui la mord . un homme décoche une flèche vers un arbre qui tombe sur le cou d’un homme qui lui tire une flèche . un camion de trente tonnes soulève la poussière d’une route qui supporte le poids d’un camion de trente tonnes bouleversant l’univers . une femme féroce combat pour un homme qui revêt une robe pour une femme redoutable qui combat pour le cœur des hommes perdus en fronçant les sourcils . un homme redouté frappe au cul un vieillard qui chevauche un tracteur qui ne relève rien mais emporte avec lui les futures patates chaudes et un peu de la graisse des poulets . un charmant bambin sent l’anus d’un chat qui laisse sur place sa bouchée de pâtée qui vient de tomber de la main d’un charmant bambin qui lui sent l’anus dès qu’il peut . un peigne à quatre dents s’apprête à s’envoler de la main d’une charmante bambine qui vient de casser une dent d’un peigne sur le point de s’envoler de sa main rageuse . aussitôt j’avale une bouillie de travers qui vient d’être cuite sur un feu de bouse qui aussitôt enflamme les factures sur le mur épinglées sur le mur et les autres babioles disposées dans mon dos sur quatre planches de bois . du fer tombe alors du ciel jusqu’ici sans nuage tant qu’aucun métal ne tombait du ciel . c’est ainsi que je porte sur mon front tout ce qui arrive entre mes sourcils tant que je respire . c’est ainsi que je porte entre mes sourcils tout ce qui respire dans l’air chaud en panne . c’est ainsi que parfois je lèche avidement les sabots d’un cheval et donne ma langue à téter dans le désert osseux . il m’arrive alors de couvrir un rocher calciné de beurre frais et de fromage râpé . ma lèvre inférieure soulève ainsi les cendres . ma lèvre supérieure détruit parfois un mauvais sort .

(...)

eux, ne prêtant pas plus attention au voisin, un homme en nage, tout le temps en nage, ne supportant plus le climat du sud, faisant irruption dans le sushi bar, après le coup de feu, le temps de midi, faisant signe à l’homme, au patron, de quitter la table et de le rejoindre, près de la caisse, tant il aurait à dire quelque chose, tant il souhaiterait faire part au patron d’une chose à propos d’un des murs de sa cuisine, son appartement, au rez-de-chaussée, jouxtant le sushi bar, sa cuisine, aux murs orangés, partageant un mur avec le sushi-bar, la peinture du mur, orangée, « s’écaillant par endroits », dirait-il. Non qu’elle « aurait des raisons de le faire » dirait-il, comme si la peinture du mur, appliquée au rouleau, probablement au rouleau, par l’ancien locataire, était « animée » ou « pourvue de volonté propre ». Le voisin d’à côté, du rez-de-chaussée, n’étant pas loin de penser que toute chose, inanimée comme animée, que tout objet ou tache noirâtre sur un mur, serait « animé » ou « pourvu de volonté propre ». La peinture du mur, orangée, n’échappant pas à l’affaire. Comme si la peinture sur le mur, étalée au rouleau, proprement, de bonne qualité, mais pourvue de volonté propre, aurait tout à coup décidé de « partir en vrille ». De s’écailler, n’importe comment, par larges plaques tombant régulièrement sur le sol, le carrelage gris de la cuisine, ou par zones minuscules, d’à peine, deux centimètres carré. Le voisin d’à côté, tentant alors, des jours durant, de trouver « des raisons à l’affaire ». Tâtant le mur mitoyen séparant « ma cuisine de la leur », dirait-il. Tâtant le mur dès que quelqu’un à côté, dans la cuisine à côté, de l’autre côté du mur, prendrait de l’eau à l’évier ou enclencherait le lave-vaisselle, expédiant dans le murs, dans la tuyauterie, les vieux tuyaux de zinc ou de plomb, « des litres et des litres », dirait-il, à l’affût alors, collant illico ses paumes, sa joue et son oreille aux endroits exacts où la peinture du mur, orangée, s’écaillerait. Choyant par terre. Par plaques entières. Sans aucune logique. Pouvant choir, à tout bout de champ, des jours entiers puis ne plus choir, durant des semaines. Révélant en tout cas, par-ci, par-là, le plafonnage demeurant blanc, curieusement blanc, ne se couvrant pas des taches noirâtres piquetant les murs dès qu’une pointe, « même infime », d’humidité « pointerait du nez », dirait-il. Ne manquant pas de se lever de table dès qu’une tuyauterie se ferait entendre, dès qu’une eau, chaude ou froide, emprunterait, toute allure, la tuyauterie. Le voisin d’à côté devenant dingue. Ne supportant plus, depuis des jours, de ne pas saisir. Consultant des experts. L’un affirmant qu’il s’agirait d’une fuite, bêtement d’une fuite. D’une ébauche de fuite. Un trou minuscule, dans la tuyauterie, empêchant l’écoulement, l’évacuation parfaite des eaux usées. Un autre s’étonnant de la réaction, « énigmatique », dirait-il, d’une peinture si épaisse et de qualité, conçue quelque part, dans un laboratoire chimique, probablement dernier cri, attentif à élaborer des mélanges, « chinois et chimiques », hautement précis en vue que la clientèle dispose d’une gamme de peintures ultra résistantes, ultra robustes, capables, au niveau des atomes, de garder à distance l’humidité, de la contenir dans les murs poreux, se contentant d’avertir « olfactivement » la clientèle. Les qualités olfactives de la peinture se modifiant, exagérément, dès que la peinture serait en prise à une « exposition prolongée » à l’eau ou à tout autre liquide. La friction avec l’eau ou tout autre liquide modifiant exagérément mais momentanément la composition olfactive de la peinture. La peinture se bornant, dans les pires des cas, à « boursouffler un peu », guère plus. Un troisième expert soutenant que cela, toute cette affaire d’humidité ou d’ébauche de fuite serait « bullshit », l’expert disant « bullshit » à mesure qu’il tracerait sur le mur, au crayon rouge, ultra gras, de menuisier ou de maçon, le parcours probable de la tuyauterie, reliant l’un à l’autre les îlots blancs, disant que s’il y avait fuite, tous ces îlots blancs seraient « révélateurs », révélant, d’une part, l’emplacement de la tuyauterie, de sorte qu’il suffirait de relier, au crayon rouge, ultra gras, de façon logique, les îlots blanchâtres pour que, par magie, apparaisse « un parcours révélant l’emplacement des plomberies de zinc ou de plomb », dirait-il, le parcours étrange, totalement improbable, révélé par l’expert, la logique de l’expert, n’arrêtant pas de zigzaguer de façon folle, « hors propos », dirait l’expert, aucun plombier, aucun zingueur, n’étant « dingue à ce point », dirait-il, songeur et perplexe, ne pouvant rien faire, « rien de rien », dirait-il. Un quatrième expert soutenant simplement, quant à lui, de « refaire l’affaire ». Remettant en cause le support. Les maçons ayant œuvré, ayant usé d’un plâtre de qualité moyenne voire infime, provoquant, dirait-il, l’impossibilité d’une « fusion intime » entre plafonnage et peinture, « etc. », dirait-il encore.

(…)

etc.

(...)

proposition n° 7

(...)

choisissant, alors, avec soin, le lieu comme le ferait un chat plutôt qu’un chien, ne sachant pas du tout, personnellement, comment ferait un chien tant tout ce qui serait chien, tout ce qui ferait vie de chien, serait encore, malgré le temps, énigmatique, les années passées sur terre s’enchaînant l’une à l’autre sans que les chiens, contrairement aux chats, n’interviennent, si ce n’est dans deux trois souvenirs, prégnants, de dents pointues et de salive jaune, de paniques insurmontables, etc., grand frère, par exemple, revenant de l’école en bicyclette, roulant à petite allure, tant il craindrait, lui aussi, la morsure du chien, un bouledogue roux coursant, par jeu, petit frère tournant, quant à lui, toute allure autour de : bicyclette blanche de marque peugeot avec un guidon droit, pas un guidon de course, et sans dérailleur

(...)

oui

(...)

choisissant, alors, avec soin mais à l’intuition, le lieu, comme le ferait un chat ou n’importe quelle bête, décidant, sur un coup de tête ou presque, où poser ses affaires, comme s’il n’était possible de choisir qu’à l’intuition où poser ses affaires, laissant, en quelque sorte, de côté la raison, se fichant, par exemple, de savoir si sa table de travail, une planche d’aggloméré, d’un mètre cinquante environ sur quatre-vingt centimètres, recouverte d’une pellicule de plastique blanc, légèrement granuleuse, découpée avec soin, il y a des années, d’une main experte, à la scie électrique, en vue de servir en cave, dans l’autre lieu, l’ancienne résidence, dans la buanderie en cave, déjà oubliée, déjà « mangée aux mites », conviendrait, malgré l’apparence fragile de ses pieds, deux tréteaux en bois blanc à monter soi-même, demeurant solides, malgré tout, leur manque évident de solidité, le peu de densité de leur bois et la prégnante humidité de la cave

(...)

oui, voilà

(…)

choisissant plutôt, à l’intuition, mais avec soin néanmoins, l’emplacement de la table, le bureau de travail, ne décidant de rien, laissant faire l’instinct, choisissant alors de dresser la table, sa mauvaise planche d’aggloméré et ses tréteaux mangés aux mites, « comme n’importe quel bête », « ici plutôt qu’ailleurs », disant « ici plutôt qu’ailleurs », comme si le choix de dresser la table « ici plutôt qu’ailleurs », au milieu de l’espace ouvert, largement ouvert, plutôt qu’ailleurs, contre un mur ou dans une des pièces minuscules à l’étage, n’était qu’un choix par défaut, comme si aucun autre lieu, dans l’espace ouvert du rez-de-chaussée ou à l’étage, n’aurait pu convenir

(…)

n’est-ce pas

(…)

comme si dresser la table, mauvaise table, au milieu de l’espace ouvert du rez-de-chaussée n’avait pas été une évidence mais un choix par défaut, alors que, intuitivement, comme un petit animal, il n’aurait pas été possible de dresser ailleurs la table, simple planche d’aggloméré, posée sur tréteaux ultra cheap et fragiles, au milieu de la pièce, dans l’espace le plus sombre, le moins atteint de lumière, comme s’il avait fallu poser, au cœur même de la pièce, le « cœur même de la vie », dirait-il, pour rire, n’arrêtant pas, ces temps-ci, de revenir sur le cœur de la vie, ce qu’il appellerait « cœur de la vie », comme si cette planche d’aggloméré posée de façon fragile sur deux tréteaux bancals était le cœur même de sa vie, comme si toute sa vie, depuis qu’il aurait posé ses affaires, aurait aménagé, il y a un an à peine, dans une baraque plutôt que dans un appartement, n’aurait cessé de graviter tout autour d’une mauvaise planche d’aggloméré, couverte de papiers divers, factures diverses et magazines, empilés l’un sur l’autre, à gauche et à droite, dans de petits paniers gris en plastique, hauts de dix centimètres, ou dans un couvercle de boîte en carton, estampillé, Inacopia Elite, blanc sur fond bleu, portant la mention Printing Quality since 1982 et précisant FastPack 2500 sheets unwrapped dans deux cercles blancs visibles sur les deux côtés du couvercle visibles depuis sa chaise en bois, de bar, ancienne, repeinte en rose, il y a des années, achetée, il y a des années, pour rien, ou presque, sur un marché, dans une brocante, alors qu’ils cherchaient à se meubler, à se pourvoir en sièges, tombant alors par hasard sur un lot de quatre chaises vernies en vernis sombre, presque noir, les décapant ensuite, une à une, à la main, à la petite brosse en laiton, n’ayant aucune machine, aucun outil, capable de décaper, à la vitesse supersonique, d’anciennes chaises de bar, en bois vernis, presque noires, mettant à nu les fibres du bois, deux des chaises tombant alors en ruine, quelques mois à peine après l’ouvrage, ne leur restant sur les bras alors que celles, repeintes par leurs soins, en rose et en vert, les autres « laissées à nu », dirait-il, s’effondrant sur elles-mêmes, en un an de temps, guère plus, la chaise verte servant de chaise de bureau, dans l’appartement, des années durant, la chaise rose, remisée dans un coin du salon, ne servant d’abord à rien, des années durant ne servant à rien, puis servant, depuis un an, de chaise de bureau, dans la maison, au cœur de l’espace ouvert, au rez-de-chaussée, comme s’il trouvait confortable de s’asseoir, tous les jours, tous les matins, quand il serait là, ne serait pas ailleurs, à l’étranger pour quelques jours ou quelques semaines, de cinq heures trente environ à huit heures cinq, tant il « prendrait goût », dirait-il, de se lever, tous les jours, tous les matins, quand il serait là, pas ailleurs, aux environs de cinq heures trente, non pour « bosser » mais pour « ouvrir le capot », dirait-il, décoller l’écran du portable de son clavier, ayant pris la peine, il y a quelques mois, de coller sur la pomme, lumineuse, du capot, un sticker blanc et rectangulaire portant l’inscription INSTIN, écrite à la main, en vert, la seconde barre verticale du second n se prolongeant, tout en haut, en une ligne horizontale courant d’un bord à l’autre du sticker puis descendant, verticalement, le long du i, le long du bord étroit, à gauche du sticker, puis, tout en bas, repartant vers la droite, bouclant presque la boucle, de sorte que le mot INSTIN, écrit en vert, serait encadré ou quasi d’un long trait vert et droit, comme un enclos, une haie verte ou rouge selon le sticker

(…)

c’est ainsi

(…)

n’imaginant pas, quant à lui, un jour, changer de portable sans appliquer, immédiatement, sur la pomme, lumineuse et empoisonné, mordue une fois, du nouvel engin, un sticker INSTIN, vert ou rouge, carré ou rectangulaire, gardant dans une boîte métallique, sur une petite desserte sur roues, fichée sous la table, parfaitement adaptée, par hasard, à la table, aux dimensions de la table, une réserve d’autocollants, de stickers INSTIN, brillants, pas mats, de dimensions diverses, carrées ou rectangulaires

(…)

des boîtiers de disques s’empilant, régulièrement, des mois durant, sur sa droite, à gauche du couvercle de boîte en carton bleu, puis disparaissant, on ne sait pas pourquoi, quittant la table, rejoignant d’autres boîtiers dans la petite armoire de bric et de broc, en mauvaises planches, elle aussi, ramenée, elle aussi, de brocante, un jour où, d’un commun accord, ils auraient décidé que « maintenant ça suffit », enfilant alors leurs manteaux de feutre ou de laine et leurs bonnets d’hiver, partant faire un tour au marché, décidés à « en finir », ne se voyant pas « revenir sans rien », tant il y aurait « de quoi faire » sur le marché, revenant alors, deux heures plus tard, une petite armoire à deux portes ouvragées, ultra cheap et ne pesant rien, dans les bras, la posant, « provisoirement », sur un caisson de bois contenant tout ce qu’il faut pour entretenir le feu, des bûches en suffisance, du papier, etc., dès qu’ils auraient aménagé, installé, en priorité, la table, au milieu de l’espace ouvert, les autres meubles trouvant alors « comme d’eux-mêmes » leurs places

(…)

d’autres boîtiers de disques prenant alors naturellement la place des boîtiers venant de rejoindre l’armoire

(…)

si bien qu’il y aurait toujours, à droite, tout contre le couvercle bleu, estampillé Inacopia Elite, des boîtiers de disques, empilés l’un sur l’autre, s’accumulant durant des semaines, puis reprenant place dans la petite armoire cheap contenant un nombre incroyable de disques de musique diverses, principalement sans paroles, dépourvues de mesure, tant il lui serait « impossible », dirait-il, de « s’y mettre » sans musique, dès cinq heures et demie, dès que le chat, une chatte tigrée, appelée Nina, sujette à l’embonpoint, aurait passé la chatière, aurait décidé, pour cinquante minutes, d’aller voir ailleurs, ne supportant pas d’aller voir ailleurs sans que « quelqu’un », homme ou femme, ne descende des chambres, ne prenne place dans l’espace ouvert, venant quelquefois chercher « quelqu’un », se manifestant bruyamment, à l’étage, auprès de « quelqu’un », du lit de quelqu’un, tant il lui serait insupportable de ne pas être accompagné

(…)

« etc. », dirait-il, « etc. »

(…)

un bol vert, de taille moyenne, ayant contenu un repas de midi, une soupe juive, aromatique, faite maison, originaire de l’Est, toujours de l’Est, des steppes de l’Est, trônant des fois sur la table, sur la gauche, des jours durant, à proximité d’une pile de livres, modernes ou anciens, et d’agendas divers, hyper solides, ornés de « motifs chinois », hyper délicats, hyper colorés, figurant des fleurs ou des oiseaux fantastiques ou des formes abstraites, selon l’année

(…)

puis une tasse, sur sa droite, à gauche des boîtiers de disques, ne contenant rien, parfois depuis des jours, etc.

(…)

adorant, quant à lui, par dessus tout, de rejoindre, à cinq heures et demie, le matin, l’espace ouvert, le rez-de-chaussée, sentant déjà les effluves, les restes du repas du soir, généralement épicé, bien épicé, dégageant, généralement, une odeur prégnante de légumes et d’épices, stagnant, généralement, jusqu’au lendemain matin, jusqu’à ce qu’il ouvre et aère l’espace ouvert, se résignant, contre son gré, à « changer l’air », tant il lui conviendrait, pense-t-il, de « mariner un peu » dans « ce goût-là » et pas un autre, dirait-il, penserait-il, « avant de s’y mettre », trouvant toujours quelque chose à faire « avant de s’y mettre », comme s’il lui fallait retarder, reporter à quelques minutes, toujours, l’instant de « s’y mettre », s’occupant d’abord et avant tout du chat, la laissant sortir, prendre l’air, puis faisant chauffer l’eau dans une bouilloire électrique, percluse de coups, fonctionnant encore, et ouvrant la radio, un vieux poste noire, ultra compact, à antenne télescopique, puis sortant un bol de l’armoire de cuisine en vue de préparer quelque chose, un fond de graines, un fond de fruits secs, ou quelque chose du genre, ayant, quant à lui, du mal à manger, à mâcher du pain le matin, ne pouvant toutefois « rien faire de bon », sans manger, sans brancher, au préalable, les écouteurs, prenant l’habitude alors « d’ouvrir le capot », comme si de rien n’était, comme s’il devait donner le change, se duper lui-même, faire comme s’il « ne s’y mettrait pas », tant il « saurait par cœur » à quel point il serait nécessaire

(…)

oui

(…)

de se duper pour s’y mettre

(…)

oui

(…)

c’est ainsi

(…)

pas autrement

proposition n° 6

(…) « préférerais, peut-être, que je crève là ? plutôt que là ? » dirait M, tendant, dangereusement, le bras derrière lui, sans prendre garde à ce qui se passerait derrière lui, à la chinoise sans âge, derrière lui, débarrassant les tables une fois les tables, minuscules, rectangulaires, vidées de leurs clients. Les clients et clientes ne s’attardant jamais, préférant, toujours, sortir, aller prendre ailleurs, sur une terrasse, confortable, ensoleillée, sur une place publique, un café serré. Ne souhaitant pas, jamais, s’attarder plus avant au sushi bar. Débarquant en masse, pourtant, sur le temps de midi, pour un repas, vite fait vite pris, puis s’en allant ailleurs. Toujours ailleurs. Comme si le café serré du sushi bar ne valait pas la peine. Ne demandait pas qu’on s’installe. Prenne encore ses aises vingt minutes de plus. La moyenne étant, selon Wiens, de vingt minutes. Les clients et clientes d’un sushi bar, d’une taverne ou d’un grand restaurant prenant, en moyenne, un café, ultra court et serré, en vingt minutes environ, d’après Wiens, les études de Wiens, ultra poussées, ses études de terrain. Wiens se rendant sur le terrain. Poussant très avant ses études sur le terrain. Prenant note, sur le vif, des usages et coutumes des clients et clientes des tavernes ou sushi bars. La chinoise sans âge, quant à elle, renfrognée, épiant, depuis la cuisine du sushi bar, les clients et clientes du sushi bar, attendant leur départ avant de débarrasser les tables, débarrassant les tables une fois vidées, débarrassées des clients et clientes désirant un café bien sûr mais ailleurs, toujours ailleurs, tant l’espace exigu du sushi bar serait « peu propice » dirait Wiens aux « discussions sérieuses » dirait Wiens. La théorie de Wiens stipulant que la plupart des clients et clientes retarderait les discussions sérieuses. Pensant, consciemment ou inconsciemment, que le café, l’instant du café, serait plutôt propice aux discussions, « sérieuses ou intimes » dirait Wiens. La plupart des clients et clientes réservant alors les discussions « sérieuses ou intimes » à l’instant du café serré. Parlant de tout et n’importe quoi à l’instant du repas. « Des enfants ou de la marche du monde » dirait Wiens. Puis parlant sérieusement, « intimement », à l’instant du café, « ultra fort et serré ». M, quant à lui, ne prenant pas garde à la chinoise, sans âge, au visage si lisse, aux cheveux si noirs, à la tenue sobre et classe, « sans chinoiseries » aimerait à dire M, aimerait dire M, s’emportant, comme toujours, à l’heure du café serré, dès que Wiens en viendrait à M, s’ouvrirait à M du fait que M, l’attitude de M, son comportement, sa façon recluse, inquiéteraient Wiens, son ami de toujours, parfaitement au clair, au courant des affaires de M, des misères de M. M, même sans rien dire, ne pouvant rien cacher à Wiens des remous, remuements intérieurs agitant M plus que quiconque. Non que M serait soumis, plus que quiconque, aux remous, remuements intérieurs. Non que Wiens verrait en M un être exceptionnel ou « une espèce d’agité du bocal » dirait Wiens. Mais Wiens connaîtrait M, suffisamment, pour savoir que M, l’inquiet M, le sans repos, percevrait, plus que la moyenne, ses remous et remuements intérieurs, de sorte que M, l’agité M, serait sans repos, n’arriverait pas à « vivre une seule minute » de sa vie dirait Wiens, sans être « pris au piège » de ses remous et remuements intérieurs. Les remous de M et ses remuements intérieurs prenant parfois, dans la vie de M, « toute la place » dirait Wiens. Les remous de M affaiblissant, parfois, dangereusement le cœur de M, tant l’inquiétude de M affaiblirait M, selon Wiens, au physique comme au psychique. « Pas vrai ? », « pas vrai ? ». M alors s’emportant, comme toujours, ne comprenant pas pourquoi Wiens reviendrait une fois de plus sur l’affaire. Disant qu’il lui semblerait, à lui, M, que l’affaire aurait été vidée, définitivement vidée, la semaine dernière. M disant à Wiens, à cette même table, la semaine dernière, combien l’attitude de Wiens, et les propos de Wiens, son meilleur ami, son ami de toujours, l’insupporteraient. Tant les propos de Wiens, ses insinuations, ses regards scrutateurs, seraient lourds à la longue, au point que lui, M, envisagerait, « le plus sérieusement du monde », d’arrêter de voir Wiens, son ami de toujours, tant lui pèserait, à la longue, que Wiens, chaque semaine, « remette le couvert » dirait M. Revienne, à chaque fois qu’ils passeraient à table, au sushi bar, à l’heure du café serré, sur la vie psychique et physique de M, comme si la vie psychique et physique de M était ce qu’il y aurait de plus important au monde. Comme si la vie psychique et physique de Wiens était exempte de « bizarreries et d’étrangetés » dirait M. La vie psychique et physique de Wiens étant autant, « si pas plus », bizarre et étrange que la vie, « déjà triste », psychique et physique de M. « Pas vrai ? », « pas vrai ? ». M, emporté par l’affaire, tout ce qui se dirait à table, les suppositions de Wiens à propos de M, de l’état réel psychique et physique de M, évitant de peu l’accident. Tendant dangereusement le bras derrière lui tandis qu’il dirait « préférerais, peut-être, que je crève là ? » et « plutôt que là ? ». Pointant du doigt le carrelage, le damier de dalles usagées, noires et oranges, datant au moins du début d’un autre siècle, couvrant toute la surface du sol, toute la surface du sushi bar, toute la partie restaurant du sushi bar. Toute la partie restaurant du sushi bar ayant gardé son « carrelage d’origine », les propriétaires du sushi bar, un type très maigre, assis deux tables plus loin, et une « girl » dirait Wiens, assise en face du type, prenant leur pause de midi, profitant du fait que clients et clientes du sushi bar ne prendraient pas de café au sushi bar pour saisir en cuisine, rapido, un reste de riz, des oignons frits, des boulettes ultra compactes de « je ne sais pas quoi », et prendre place, à table, deux tables plus loin, généralement, à droite de Wiens, à gauche de M, ayant décidé, d’un commun accord, de : conserver carrelage usagé en damier noir et orange datant du début d’un autre siècle tant il serait important auraient-ils un jour dit de conserver quelque chose d’avant et pourquoi pas carrelage usagé en damier noirâtre et usagé usé par les pas des propriétaires anciens et des leurs visiteurs visiteuses maladroites renversant dix mille fois sur pavements usagés de quinze centimètres sur quinze posés un jour par quelqu’un sur sol de ce qui n’était pas encore sushi bar mais maison « intime et personnelle » des litres et des litres de liquides ou de substances pas vraiment acides mais attaquant la pierre la rongeant tout de même un peu à la longue arrangeant son lustre pour toujours ses couleurs « etc. » aurait dit un jour à Wiens le type maigre, le propriétaire, tandis que M serait ailleurs, tandis que Wiens s’inquiéterait, une fois de plus, de l’état psychique et physique de M, son ami de toujours, s’absentant de table, trois fois au moins, à chaque fois que Wiens et M seraient à table. M se montrant incapable de rester à table sans que « quelque chose mais quoi » dirait Wiens lui « soulève le cœur », Wiens et M se rendant, au moins une fois semaine, au sushi bar, prenant place à table, toujours la même, à midi, puis discutant, à voix basse, de tout et de rien, mais surtout de Wiens, de tout ce qui lui passerait en tête, Wiens ne pouvant s’empêcher de parler et manger. Mastiquant les choses, les aliments, chinois ou japonais, totalement inconnus, ou méconnaissables, ingurgités, l’un après l’autre, « vollegaz » dirait M, de façon « contraire à la décence ». Le propriétaire du sushi bar disant une fois à Wiens combien il serait important, pour le sushi bar, « l’équilibre mental du sushi bar », de conserver, « coûte que coûte », quelque chose d’avant. Les propriétaires conservant alors quelque chose d’avant et pourquoi pas le carrelage usagé, couvrant le sol du sushi bar, de sa partie restaurant, le sushi bar ayant été pensé, composé durant des semaines, sur des plans, petits bouts de papier, pas plus grands qu’un ticket de caisse, soigneusement agrafés l’un à l’autre et fourrés dans une poche, tant il serait important, pour l’équilibre mental du sushi bar, de « conserver mémoire » aurait-il ajouté. Le propriétaire du sushi bar s’échinant, alors, quant à lui, à « conserver mémoire », à garder, vifs et vivaces, tout ce qui, sans mémoire, disparaîtrait sous peu. Le propriétaire du sushi bar désirant « honorer ». N’hésitant pas un instant pourtant à se débarrasser des « carrelages pourris rongés par les pluies » les fuites d’eau successives pourrissant jusqu’à l’os dallage en terre cuite de la salle de bains nécessitant alors intervention rapide des « secours » aurait-il encore dit, blagueur, à Wiens, tandis que M reviendrait à table, commandant au passage, juste avant de reprendre place à table, à femme chinoise sans âge, débarrassant les tables, empilant sur plateau brun, en plastique fibreux, rectangulaire, de belle dimension, les assiettes vides, les bols et les verres des autres tables, maintenant débarrassées des clients et clientes, un café, « ultra fort et serré ». Wiens disant alors « est-ce bien raisonnable ». Ou quelque chose du genre. M disant alors « et pourquoi pas ». Puis ne disant rien. Wiens alors ne disant rien. Tant Wiens et ses constants sous entendus mettraient M hors de M. M alors s’emportant pour un rien. Pouvant dire des choses comme « préférerais, peut-être, que je crève là plutôt que là » sans prendre garde à qui passerait derrière lui, les bras chargés d’un plateau brun, de cafétéria, en plastique fibreux, où l’on aurait empilé, l’une sur l’autre, les assiettes vides des autres tables et les bols des autres tables. M, le bouillant M, tendant, alors, brusquement, le bras derrière lui à l’instant où femme sans âge et chinoise passerait derrière lui les bras chargés d’un plateau brun, de cafétéria, en plastique fibreux, élimé sur les bords, faisant apparaître, clairement, la texture, la nature fibreuse du plastique ancien se délitant à mesure, au fil des semaines, comme si la chose, considérée depuis des lustres comme solide et compacte, ne l’était pas finalement. Comme s’il était dans la nature de la chose, « dans la nature de toute chose » dirait M, de se déliter ou de partir en couille. M manquant de peu, alors, de renverser le plateau. De bousculer, sans le vouloir, chinoise sans âge, débarrassant les tables, portant plateau brun chargé d’assiettes et bols dangereusement empilés l’un sur l’autre l’une sur l’autre en équilibre instable de sorte que chinoise sans âge avancerait avec prudence, à petits pas feutrés. M se confondant ensuite en excuses diverses, disant, d’abord, qu’il n’aurait « rien vu nada », disant ensuite le fin fond de l’affaire. Disant qu’il ne voulait pas, qu’il désignait, simplement, du doigt carrelage en damier du sushi bar puis carrelage blanc de la salle d’eau. Non qu’il penserait désigner « réellement en vrai » carrelage blanc de la salle d’eau comme il désignerait « réellement en vrai » carrelage en damier noirâtre et orangé de la partie restaurant du sushi bar. Non qu’il ignorerait désigner « symboliquement en faux » carrelage blanc de la salle d’eau couvrant les murs et sol de la salle d’eau lui faisant prendre une teinte « fraîche et neigeuse » rafraîchissant la vue et la peau rien qu’à « l’idée d’y être » dirait M. Repointant du doigt les carrelages à mesure qu’il parlerait. Expliquerait en détail les raisons pour lesquelles il aurait été distrait. M et Wiens reprenant, alors, leur conversation soudainement interrompue en

proposition n° 5

(…) Même enthousiasme imbécile à cette table qu’à notre table dirait-on non ? Tout cela dit rapidement dans un murmure en fronçant du nez, suffisamment rapidement en se penchant en avant, dans un sourire, par dessus la table et les assiettes vides maculées du sauce épaisse maintenant froide et figée, de sorte que personne, à la table à côté, ne pourrait deviner ce qui viendrait de se dire, furtivement, à notre table. tout le monde, à la table à côté, poursuivant l’affaire, la grande dispute du jour, en langue asiatique. Le type repoussant sa chaise, s’écartant de la table, la jambe droite toujours croisée sur la gauche, laissant pendre, de tout son poids, son pied nu et chaussé d’une sandale en cuir, brun foncé, à larges bandes de cuir neuf, curieusement neuf, ayant toujours l’air neuf, malgré le poids des mois et des années, la girl lui faisant face, poursuivant l’affaire, tout ce qu’elle aurait à dire, de façon vive et hachée, son coude sur la table, ses baguettes pointées vers l’avant, vers le type, la poitrine ou la tête du type, ponctuant tout ce qu’elle dirait d’un petit mouvement saccadé, comme si cela donnait plus de poids à tout ce qu’elle avancerait de sa voix nasillarde et haut perchée, martelant les syllabes, comme s’il fallait, ici et maintenant, enfoncer un clou, profiter du retrait du type, provisoire peut-être, du fait qu’il viendrait de, tout à trac, repousser sa chaise, s’écarter de la table et baisser les yeux, comme s’il laissait la place, abandonnait la partie, laissait à la girl le champ de bataille, tout le temps et l’espace qu’il faudrait pour dire, d’une voix nasillarde, haut perchée, toutes les vérités qu’elle aurait à lui dire, les ailes de son nez se rétractant nerveusement à mesure qu’elle dirait. Comme si tout cela toute cette affaire à la table à côté te t’intéressait toi c’est fou ça tout de même. N’est-ce pas. Je me dis : c’est fou ça tout de même de penser que. Oui. La voix haute et perchée de la girl à côté. Importe plus. Pour toi. Que. Oui. Tout ce qu’on se dit à table. C’est. Oui. Fou. N’est-ce pas. Oui. Tout à fait. Bon. Oui. C’est fou. Tout cela dit à toute vitesse. Dans un murmure furieux. Wiens ouvrant les yeux démesurément articulant à peine. M se penchant quant à lui sur la table carrée. Tandis qu’à la table à côté le type toujours en retrait, toujours sous le tir, en rafale, de la girl assénant ses propos décidés, se roulerait à son aise une cigarette, ultra fine, au papier imbibé de salive. Le type imbibant toujours le papier de ses cigarettes d’un excès de salive, le type prenant toujours tout son temps pour se fabriquer une cigarette. Comme si chaque fois que le type se roulerait une cigarette rien ne comptait, pour le type, plus au monde que de se rouler une cigarette, le type prenant tout son temps pour extraire de sa chemise bleue, fatiguée, son paquet de tabac, le type ensuite répartissant avec soin quelques brins de tabac, pas plus, sur le papier fin, étalé avec soin sur ses cuisses, le type portant ensuite la feuille à ses lèvres, veillant à ce qu’aucune fibre de tabac ne choit durant l’opération, etc., etc. Ne relevant jamais pas la tête tant qu’il se fabriquerait des cigarettes. Comme si tout autour de lui était soudainement fantomatique. N’avait aucune consistance. Comme si le monde, à l’instant où il se roulerait une cigarette, ne consistait qu’à se rouler une cigarette. Tout, autour de lui, perdant alors sa consistance. Les tables carrées du sushi bar, les habitués de la table à côté, la girl, assise en face de lui, le prenant à partie, lui assénant des propos, sans aucun doute fermes, mais chargés d’amour, sans aucun doute chargés d’amour, la musique divine des sphères célestes déversée toute berzingue dans le sushi bar, etc., etc., perdant alors leur consistance. Le type faisant mine alors d’être encore là. Hochant la tête. De temps à autre. Imbibant de salive, plus que de raison, le papier de ses cigarettes, fabriquées avec soin, une à une, puis rangées, avec soin, derrière l’oreille, le type, tout entier à sa fabrication, hochant pourtant parfois la tête, plus que de raison, ou disant, parfois, m rien que m, plus que de raison, d’une voix sourde et gutturale, à mesure que la girl déverserait, sans arrêt, ses propos, sans aucun doute des vérités, ou des propos d’une importance extrême, au sujet de la vie, du sushi bar, des affaires du sushi bar, des factures à payer, etc., ou au sujet de l’amour, des enfants, etc., etc. Le type, sans lever les yeux de ses doigts épais, occupés à rouler cigarette sur cigarette, acquiesçant parfois de la tête, ou lâchant un m, guttural et sourd, faisant croire à la girl qu’elle aurait consistance, incitant alors la girl à poursuivre, comme si les propos de la girl, tandis qu’il se roulerait cigarette sur cigarette, tandis qu’il les rangerait une à une, avec soin, derrière l’oreille, avait, pour le type, une quelconque importance. La girl poursuivant alors ses propos. Son repas et ses propos. La girl parlant alors infiniment dans le sushi bar. Wiens et M parlant alors infiniment dans le sushi bar.

proposition n° 4

(…) Wiens, quant à lui, mastiquant les choses d’une façon « contraire à la bienséance », tant tout ce qui lui tomberait en bouche lui tomberait en bouche comme si cela lui « venait de nulle part » dirait M, les choses lui tombant discrètement en bouche sans qu’on le remarque. La langue de Wiens, ultra visible et large dès qu’il ouvrirait la bouche, parlerait ou mastiquerait, tout d’abord vide, obscènement visible, dépourvue d’aliments quelconques, se couvrant, « shazam et zou » dirait M, en une fois de pâtes alimentaires, obscènement visibles, italiennes ou chinoises, broyées fines ou de cake quatre quart aux olives broyé fin ou de beurre fondu « etc » dirait M, tant « la nature » aurait doté Wiens d’une bouche ultra large, ultra visible dès qu’il ouvrirait la bouche, parlerait ou mastiquerait, porterait en bouche des quartiers de pomme, des salades variées, « etc. », de sorte que « l’on ne verrait plus que cela » : la bouche de Wiens, grande ouverte, et les quartiers de dinde, finement broyés, étalés en fine couche sur sa langue rose clair, « ultra placide » dirait M, peu mobile, occupant tout l’espace, prenant toutes ses aises, en quelque sorte, dans : « entièreté de l’espace buccal dévolu à la langue » dirait M. Tapissant, en quelque sorte, le fond de la bouche, comme le ferait un tapis, épais et vieux rose, dépourvu de motif, à peine tacheté de zones, minuscules et plus sombres, réparties au hasard d’une brûlure ou d’une réaction chimique, la surface de Wiens, de la langue de Wiens, demeurant curieusement immobile à mesure qu’il ouvrirait la bouche, laisserait voir, sans le vouloir, « obscènement » dirait M, « l’intérieur de son être » dirait-il encore.

Les langues s’agitant généralement. Ne pouvant demeurer immobiles. Étant prises de « frénésie par exemple » dès qu’il s’agirait de parler embrasser. La langue de Wiens, comme toutes les langues, s’agitant « dès lors », « probablement », dès qu’il s’agirait de parler embrasser. M ne voyant pas de raison à ce que Wiens, la langue de Wiens, ultra plate et placide, demeure immobile dès qu’il s’agirait de parler embrasser. Rien dans Wiens, la physionomie de Wiens, ne laissant penser que la langue de Wiens ne s’agiterait pas dès qu’il s’agirait de parler embrasser. Aucun « antécédent génétique » ne laissant supposer que Wiens serait doté d’une langue curieuse, demeurant immobile, lors « des grands transports » dirait M, des parler embrasser « etc. » dirait-il encore.

M n’imaginant pas Wiens, son ami de toujours, parler embrasser de façon « contraire à la bienséance », M ayant eu le temps, au fil des ans, de se faire à Wiens parlant « la bouche en grand ». Ne remarquant plus, pour sa part, que Wiens parlerait « la bouche en grand ». Ayant pris l’habitude de parler, trois fois la semaine, à Wiens parlant « la bouche en grand ». Ne s’offusquant plus du fait que Wiens, son ami de toujours, parle « la bouche en grand », en raison de « je-ne-sais-pas-quoi » dirait M, une affaire de largeur de mâchoires ou « d’articulations singulières », peu importe. Puis : « peu importe » dirait-il encore. N’arrivant pas, pourtant, à se faire à Wiens, « au mastiquer de Wiens », malgré le temps, les années passées dans l’entourage de Wiens, dans le cercle restreint des amis de Wiens, M et Wiens se connaissant « depuis toujours », se fréquentant « depuis toujours », tant la vue du bol alimentaire, « broyé ultra fin », étalé en fine couche, dans la bouche de Wiens, à l’intérieur de Wiens, répugnerait à M. Se levant dès fois de table. Le cœur au bord des lèvres. S’excusant auprès de Wiens d’avoir à laisser Wiens. M, alors, se précipitant ailleurs. Cherchant ailleurs à « reprendre » ses « esprits ». Laissant alors à table un Wiens inquiet, s’inquiétant que M, le fragile M, se lève de table, « si souvent de table », quand ils déjeuneraient, « en amis de toujours », une fois la semaine, dans des snacks chinois à proximité de chez M. M se levant des fois plusieurs fois de table lors du même repas. Se hâtant ailleurs, plusieurs fois ailleurs, en vue de « reprendre » ses « esprits ». M alors reprenant ses esprits puis revenant à table. Prenant place, à nouveau face à Wiens, s’inquiétant que M, son ami de toujours, sorte ainsi de table, si souvent, lorsqu’ils déjeuneraient ensemble, « en amis de toujours », Wiens ne supportant pas l’idée que « quelque chose arrive », tant le corps de M, pourtant jeune et énergique, serait « détraqué » dirait Wiens, tant le cœur de M, ultra faible et fragile, pourrait à tout instant « flancher », dirait Wiens. Ne supportant pas l’idée que M, son ami de toujours, « flanche ailleurs » dirait-il, crève ailleurs, « comme un chien » dirait-il, sur le carrelage blanc d’une salle d’eau d’un snack empestant « l’urine et la javel », rien ne retournant plus le cœur de Wiens que « l’urine et la javel ».

M, ces jours-ci, revenant souvent sur l’affaire. Non que « cette affaire de langue » dirait M, plus qu’une autre, « serait d’importance » dirait M. Non que « cette affaire de langue », « ou de cœur », plus qu’une autre révèlerait quelque chose de Wiens ou de la vie de Wiens, quelque chose de M ou e la vie de M. M n’ayant que faire de Wiens ou de lui-même, des affres quotidiens de Wiens et de lui-même. M ne souhaitant que suivre « les remous » dirait-il, les méandres d’une « pensée provisoire » s’échafaudant provisoirement. Agençant, dès lors, provisoirement des affres et des choses en vue de se convaincre que « ça » dirait-il, se tapotant le front, « fonctionne encore », le mène encore quelque part, tant rien au monde n’angoisserait plus M que le fait que « ça » dirait-il, se tapotant le front, ne mène à rien, « à nulle intensité je veux dire » dirait-il, tant rien, selon M, ne pourrait être pareil si « ça » dirait-il, se tapotant le front, à nouveau, « sombrait soudainement dans le vide, le grand n’importe quoi » dirait-il.

M, alors, parlant des heures durant, enchaînant affre sur affre, choses sur choses, revenant sans cesse sur un détail. Non qu’il souhaiterait préciser ces affres et ces détails. Non que, dans sa précipitation, M aurait omis quelque chose, un détail ou « un affre important ». M, dans sa précipitation, se fichant bien d’omettre « un détail ou un affre important », se fichant bien de rapporter précisément les choses. M n’ayant que faire de la précision « extrême » ou de l’importance « extrême ». M s’inquiétant, plutôt, des détails réputés « sans intérêt, sans importance ». Enchaînant parfois, des heures durant, des précisions extrêmes sur : un détail, réputé sans importance, ou un propos, « insignifiant », n’aidant « en rien dans la vie ». Tout cela parce que M, le redoutable M, l’inquiétant M, aurait un jour remarqué, quelque part, dans un snack ou dans un bar, quelque chose, un détail, « totalement insignifiant, totalement sans intérêt ». Quelque chose comme une des 99,99 % des choses que « nous croisons », sans les remarquer, « dans le monde ». Nos vies étant, pour une large part, « composées de choses » dirait M « ignorées ou niées ». Nos vies ignorant, « au moins », 99,99 % des choses, affres ou événements, que nous croiserions. M, alors, s’attelant à la tâche, totalement insensée, de faire vivre, « comme il peut », les détails « ignorés ou niés ». « Dépourvus d’intérêt » dirait-il. M, alors, parlant, des heures durant, de détails et de choses, sans aucune importance, « dépourvus d’intérêt » dirait-il. Ne faisant pas le poids face à « ça » dirait-il, tapotant de l’index le journal du jour, les nouvelles du jour, « les clinquantes nouvelles du monde » dirait-il, étalées sur la table, minuscule, de la cuisine de M, sous la fenêtre donnant côté rue, M ayant l’habitude de prendre place, le matin, sous la fenêtre donnant côté rue, non qu’il importerait à M de « tenir la rue à l’œil », M n’ayant que faire de la rue, des affres et des événements de la rue, M ayant déjà fort à faire avec lui-même, tâchant d’abord de se « dépêtrer » de lui-même, de ne pas être « submergé » dirait-il, par ces « vagues de choses » déferlant sur lui-même « à tout instant » dirait-il, exténué, se levant de table, la mèche folle, « épuisé ».dirait-il, par son « combat quotidien », sa « friction quotidienne avec le monde », tant M aurait « à lutter » dirait-il, avec le monde pour « tenir la tête hors de l’eau ». Ne pas perdre pied ». Puis : « etc., etc. ». Dirait-il encore. Puis : « garder le cap » dirait-il, reprenant un café, un ixième café tiède, M n’imaginant pas « lutter quotidiennement contre le monde sans café » dirait-il. M n’imaginant pas s’épuiser dans sa lutte quotidienne contre le monde sans café.

S’épuisant, ces jours-ci, à revenir sur l’affaire. À tout ce qui aurait eu lieu au « sushi bar », ce qu’il nommerait pompeusement « sushi bar », M ayant nommé pompeusement « sushi bar » le petit snack, d’allure intime, aux tables carrées recouvertes de nappes vinyles, à motifs divers, qu’il faudra « un jour » détailler dirait M, tant il y aurait à dire sur ces nappes, colorées, diversement colorées, et sur les motifs, « chinois ou japonais » dirait M, ornant ces nappes, « 100 % chinoises », « Made in China », recouvertes, elles-mêmes, chacune d’elle, d’un « coupon de plastique épais et transparent », en vue, probablement, de « préserver » dirait M, « la vie des nappes vinyles ». Les nappes vinyles, selon M, « Made in China », ayant, parfois, la propension à se « tacher ou décolorer » dès qu’une sauce acide − ou extrêmement pimentée −, « shazam et zou », choierait, par accident, d’une cuiller d’acier inoxydable ou d’une portion de nem − « disons de nem » − portée en bouche. Les nappes chinoises, vinyles, figurant des motifs, soi-disant traditionnels, ayant, « trop souvent » dirait M, la « sinistre propension » de ne pas résister « aux affres et aléas de la vie ». Un coupon de plastique, épais et transparent, résistant, quant à lui, de même taille que les nappes, ayant été jugé apte, quant à lui, à « tenir », résister, des mois durant, « voire des années », aux « attaques sauvages de sauces diverses », « attaques sauvages de couverts, de couteaux d’acier inoxydable et de fourchettes », tout en laissant voir, « transparaître plutôt » dirait M, les motifs jolis, soi-disant traditionnels, issus de Chine, « nous dit-on », ou du Japon, mais tout d’abord « issu d’une tête ou de plusieurs » dirait M. Se laissant, quant à lui, aller à la dérive. Comme toujours. N’arrivant pas à circonscrire son propos. Comme toujours. À limiter les choses à ce qu’il aurait sous les yeux. « Tant il y aurait des choses à dire » dirait-il, à propos de l’affaire. À propos de Wiens, son « ami de toujours », et de lui-même. Wiens et M prenant place, une fois la semaine, à midi, à la même table, étroite, du « sushi bar » dirait M, tant il serait impensable, pour Wiens comme pour M, de passer une semaine sans se voir. Sans manger ensemble un bout au « sushi bar ». Wiens invitant M, une semaine sur deux, au « sushi bar ». M invitant Wiens, une semaine sur deux, au « sushi bar ». S’inquiétant l’un de l’autre, des heures durant, au « sushi bar », tant il serait impensable, pour Wiens, de ne pas s’inquiéter de M, du cœur fragile de M, tant il serait impensable, pour M, de ne pas s’inquiéter de Wiens, de la folie, « ordinaire » dirait M, de Wiens, son « meilleur ami, » son « ami de toujours », tant la « folie de Wiens », totalement ordinaire, serait « prégnante » dirait M. S’inquiétant, une fois la semaine, « au plus haut point », de Wiens, de l’état de Wiens, tenant des propos, « insensés », sur « tout et n’importe quoi », sortant régulièrement un flingue, ultra lourd et rutilant, l’exhibant, sous la table, à M, rien que pour M, son ami de toujours, le « seul être au monde », selon Wiens, « capable de comprendre » dirait Wiens, de percevoir en quoi la folie Wiens ne serait « pas si

proposition n° 3

(…) quatre versions de l’affaire, « au moins », « courant déjà les rues » dirait Wiens (…)

(…) la première stipulant que M aurait passé des heures, la veille, « comme ailleurs ou hagard », « une fois de plus » dirait Wiens. Rien ni personne, au supermarché, n’étant à même de « distraire M de sa tâche », rien ni personne, au supermarché, ne tentant de le faire. M alors, tout à ses pensées, passant des heures, « comme ailleurs », scrutant, sans bouger, « la promo de la semaine », l’empilement de boîtes en carton contentant des lampes diffusant quelque chose comme une lumière bleue mais surtout « une chaleur » dirait Wiens, « compacte et dense » dirait Wiens, supposée « réchauffer le cœur » dirait Wiens, « le corps et le cœur » (…)

(…) la seconde stipulant que M serait entré, la veille, tout à ses pensées, au supermarché, étirant ses pas, démesurément, se rendant alors, toute allure, « jusqu’au cœur du cœur » dirait Wiens, jusqu’à la « promo de la semaine », l’empilement de boîtes en carton contenant des lampes, « chauffantes et miraculeuses » dirait Wiens, susceptibles de « réchauffer les êtres » dirait Wiens, « le corps et le cœur des êtres », tant il aurait importé à M, la veille, de réchauffer, une fois de plus, son « corps » et son « être » dirait Wiens (…)

(…) la troisième insistant sur M, l’étrangeté de M, étirant ses pas, démesurément. Se rendant, dès son entrée, d’un pas décidé « jusqu’au cœur du cœur », la promo de la semaine, l’empilement de boîtes en carton contenant des lampes « miraculeuses », réchauffant « le corps et le coeur des êtres ». M ignorant alors, « superbement », la journée durant, tous les rayonnages tant il n’aurait importé à M que de se rendre « au cœur du cœur », effrayant alors, des heures durant, à son insu, les clients et clientes, faisant comme un détour, évitant, quant eux, la promo de la semaine, tant M, l’indécis M, « ferait peur », effrayant les enfants, tant M passerait, alors, des heures, immobile ou le regard fou, comme s’il « pesait le pour et le contre », comme s’il n’était pas venu, la veille, au supermarché, pour « acheter », acquérir bon marché quelque chose, une lampe chauffante diffusant une lumière bleue, susceptible de « réchauffer le cœur » dirait Wiens, « le corps peut-être aussi mais d’abord le cœur » dirait Wiens (…)

(…) la quatrième déplorant, quant à elle, le fait qu’aucun autre client, qu’aucune autre cliente, n’aurait acheté, la veille, la « promo de la semaine », des boîtes en carton contenant des lampes chauffantes, capables de réchauffer « n’importe quel corps, n’importe quel cœur », tant M, le client M, aurait effrayé clients et clientes. Tant le corps de M, l’attitude de M, sa posture « hindoue » dirait Wiens, de « vieux sage hindou », immobile d’abord, « au cœur du cœur », scrutant, des minutes durant, l’empilement, artistiquement parfait, des boîtes en carton, sa façon, ensuite, brusque et nerveuse, de saisir une boîte, d’en sortir, toute allure, le mode d’emploi et de le lire, « mille fois » dirait Wiens, « au moins mille fois », effrayeraient « tout le monde » dirait Wiens, « chiens, femmes, hommes et enfants » dirait Wiens. M recommençant l’affaire, sa « pantomime » dirait Wiens, trente ou quarante fois, « de huit heures trente à dix-neuf heures quinze » dirait Wiens (…)

(…) Wiens trouvant bouffon, quant à lui, qu’aucune version ne s’interroge sur les lampes, la qualité des lampes, la véracité du fait qu’elles réchaufferaient « les corps et les cœurs des êtres » dirait-il, comme si la véracité du fait qu’elles réchaufferaient « les corps et les coeurs des êtres » était « sans importance » dirait

proposition n° 2

(…) M recevant déjà, à cette époque, en robe de chambre. Ayant déjà, à cette époque, la « sale manie » aurait pu dire Wiens, de recevoir en robe de chambre. M ouvrant dès lors à Wiens, son ami Wiens, n’importe quel jour, à n’importe quelle heure, en robe de chambre, non qu’il s’agirait là d’une pose, une façon de se poser dans le monde, tant M déjà, à cette époque, se ficherait de « poser dans le monde », tant M déjà, à cette époque, ne chercherait que le confort, la vie « conforme » à sa « complexion » aurait pu dire Wiens, aurait dû dire Wiens, l’ami de M, son unique ami, déboulant à bout de souffle chez M, de façon inattendue, M en robe de chambre épaisse, bleu électrique, disant à Wiens « ah c’est toi » et quelque chose du genre « je me demandais qui » ou « avait-on rendez-vous ? » tant il serait surpris que Wiens, le si peu matinal, déboule ainsi chez lui, petit matin, quatrième étage, dans le petit meublé sous les toits. Wiens ne déboulant, généralement, dans le petit meublé de M, que tard l’après-midi, Wiens ne déboulant jamais, dans le petit meublé de M, sans « avoir sonné », ne déboulant jamais, à bout de souffle, dans le petit meublé de M, disant alors à M, ébahi, à peine serait-il entré, tout ce qu’il aurait à dire, tant tout ce qu’il aurait vu en rue, « la pantomime vue en rue », lui aurait « retourné le cœur » dirait un Wiens n’ayant « pas vraiment goûté » dirait-il « la pantomime de M », aperçu en rue, tout à l’heure, de l’autre côté de la rue, une boîte en carton sous le bras, faisant mine de ne pas voir Wiens, « faisant le singe » dirait Wiens, de l’autre côté de la rue, agitant les bras et disant « M », trente-six fois, tâchant d’attirer M, l’attention de M, tant Wiens aurait été surpris de voir M, le si peu matinal M, en rue, un carton sous le bras. M déjà, à cette époque, paniquant à l’idée de se rendre en rue,.ayant d’abord besoin de se « faire à l’idée ». Se faisant, dès lors, à l’idée, des heures durant, tournant en rond, comme un dingue, chez lui, en robe de chambre, dans sa cuisine, une kitchenette modeste, ses vêtements de ville déjà sur lui, ses chaussures vernies déjà aux pieds, se fichant bien de l’exaspération des voisins du dessous, l’entendant tourner comme un dingue à grands pas, dans le salon puis dans la cuisine, tant il aurait besoin de se « faire à l’idée », tant il aurait besoin d’abord d’éveiller en douce des forces « inimaginables » dirait-il. M passant alors des heures entières, chez lui, au milieu d’objets « ridicules » dirait Wiens, sortis un à un de leurs boîtes, M n’arrêtant pas d’extraire des armoires et des tiroirs des « totems bon marché » aurait dit un jour Wiens. Comme si le fait de manipuler, d’extraire puis de « remettre à place » durant des heures, des poupées de chiffons, laides à faire peur, ou des bazars en zinc, des bazars en toc, planqués depuis des semaines derrière les kilos de sucre, les piles de linge ou la réserve de pommes de terre, augmenterait un jour « ta puissance d’être en raison de forces inimaginable et ridicules » dirait Wiens, penserait Wiens, ne manquerait pas de dire Wiens, ne supportant pas de voir M, son ami M, dépenser « une fortune » en objets divers, « de pacotille » dirait Wiens, comme si M, la vie de M, le fait qu’il se suicide ou survive, dépendaient d’objets, achetés compulsivement, « dans les pires boutiques de la ville » et « non de M » dirait Wiens. Un rien suffisant à « changer la vie » dirait Wiens. Wiens ayant, par exemple, un jour décidé, quant à lui, sur un coup de tête, de s’appeler « Wiens ». Ne disant plus « bonjour enchanté je m’appelle Wiens, Mark Wiens » mais disant « Wiens juste Wiens », puis répétant « je m’appelle Wiens » et « juste Wiens », Wiens alors, selon Wiens, acquérant depuis ce jour, une « puissance démoniaque », Wiens alors, depuis ce jour, « ne dépendant plus de rien ni de personne » dirait-il, tant il lui suffirait, quant à lui, de se dire « Wiens », huit fois de suite, dès le matin, pour être Wiens, cet homme n’ayant « aucun besoin d’objets, de robe de chambre, de pacotilles, pour être » dirait Wiens. « Tu comprends, mon cher M ? » « Tu

proposition n° 1

(…) se mettant, très jeune, dès l’enfance, au café, abondamment, non par goût du café mais par goût des petites cuillers à manche plastique, translucide ou mat. N’arrêtant pas, des heures durant, dès l’enfance, de touiller, lentement, ses cafés. Plongeant sa cuiller, verticalement, dans le liquide noir, la tenant à peine, tout au bout du manche, entre pouce et index. Prétextant alors qu’il faudrait deux morceaux de sucre – et du lait – pour touiller, des heures durant, verticalement – et lentement – le liquide noir à peine agité de remous, de petites vagues venant mourir, en douceur, contre la paroi, ronde et blanche, de la tasse haute, en porcelaine, comme viendraient mourir les petites vagues d’un bain d’eau tiède contre la paroi, ronde et blanche, d’une baignoire, exotique, où quelqu’un en turban, généralement un homme, un grand sage, baignerait, des heures durant, dans un bain d’eau tiède et sombre, le haut du dos de la cuiller figurant les épaules, nues, de l’homme, et la nuque de l’homme, le manche plastique, translucide ou mat, figurant le turban. L’homme, debout dans l’eau, ayant pied, les épaules hors de l’eau, marchant lentement, des heures durant, dans la baignoire, à mesure qu’il parlerait. Dirait tout ce qu’il y aurait à dire sur le monde et l’état du monde. D’autres hommes, des aventuriers, des hommes d’action, se rendant, trois fois par jour, dans la salle de bains. Restant sur le bord, ne trempant même pas les pieds dans : baignoire en porcelaine comme creusée à même le sol dans vaste salle de bains aux murs sombres et sans fenêtres, tant il importerait de « prendre conseil », diraient-il, avant d’agir ou de passer à l’action (…)

(…) improbable couleur rose des murs et du plafond te « sautant alors aux yeux », dirais-tu, t’excusant mille et unes fois de te laisser ainsi distraire des mille et unes tâches à accomplir, tant ce vieux rose, totalement improbable, totalement inouï, t’« accaparerait », dirais-tu. Les grands rectangles du plafond, en carton épais et friable, d’abord blanches, sans doute blanches, ayant pris la teinte rose, improbable et curieuse, d’une peau claire comme vue d’ultra près, au microscope, ou grossie à l’excès sur un écran géant. De sorte qu’on ne verrait de la peau que ses accidents, les minces sillons la traversant, les taches, plus rouges, du sang effleurant à la surface, en raison d’une veine ou d’un bout d’artère éclaté, la marque, plus claire, d’un trou qu’une aiguille, parfaitement effilée, parfaitement au fait de ce qu’il faudrait faire, aurait laissée en perçant la peau lors d’une injection nécessaire, d’un vaccin, disons, ou d’une dose, ultra forte et condensée, d’une vitamine A ou B. Le plafond de l’endroit, dépourvu de fenêtres, s’effritant par endroit ou choyant, sans raison, par plaques entières, dévoilant ainsi les lattes de bois, les supports des rectangles en carton, usé par le temps, la sécheresse, extrême, du lieu, cuisant, pour ainsi dire, l’atmosphère et « dégradant sans doute », dirais-tu, les murs et le plafond, au point de leur « donner aujourd’hui cet aspect », dirais-tu, de vieille peau, « cuite et recuite », ou de momie « en passe de passer son troisième millénaire » (…)

(…) s’installant alors, elle, dans le garage, dans le froid, sur un passet, ce qu’elle appèlerait passet. Se fichant bien de « poser son cul », des heures durant, sur un passet, l’hiver, dans un garage, mal éclairé, au plafond bas, en ourdi, aux murs de briques creuses, en béton, régulièrement repeintes en blanc, des fenêtres minuscules, « pour ainsi dire inutiles », dit-elle, laissant « peu de place », dit-elle, « peu de chance », à la lumière du jour, tant les fenêtres, minuscules, inutiles, auraient été conçues « en dépit du bon sens », des fenêtres, de belle taille, et conçues « en fonction du bon sens », n’auraient, quant à elles, pas manqué de porter la lumière, d’éclairer en plein un garage où, des heures durant, elle « poserait son cul », petit cul de petite fille, sur un passet plastique, de couleur verte, apporté par ses soins dans le garage, chaque fois que, quelqu’un, le plus souvent une femme, généralement une femme, de belle taille, ouvrirait le hublot de la machine à laver, glisserait, à l’intérieur de la machine à laver, des kilos de linges sales, une dose de poudre dans un sachet diffuseur, prenant soin, avant de lancer le programme, de remplir à ras-bord le réservoir idoine, spécialement conçu pour le liquide épais, granuleux sur les doigts, chargé d’adoucir, de rendre l’eau moins dure, moins vivace à corrompre les fibres, ultra fragiles, de nos « linges modernes », dirait-elle, déjà, toute petite qu’elle soit, posant alors « son cul », dirait-elle, dès la machine lancée, sur un passet, ce qu’elle appèlerait passet, un marche-pied plastique, tiré de sous l’évier, installé, par ses soins, devant machine à laver le linge lancée à toute allure, tant il lui semblerait fantastique, « hypnotique » dirait-elle, de passer ainsi, des heures durant, devant machine à laver le linge lancée à toute allure, dans les effluves de linges « remis à neuf » dirait-elle, déjà, toute petite, dressant parfois une table en bois, minuscule, puis pérorant, durant des heures, devant les linges brassés et rebrassés, remis à



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1ère mise en ligne 18 décembre 2018 et dernière modification le 18 février 2019.
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