contribution auteur | Pierre Ménard

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Pierre Ménard (pseudonyme de Philippe Diaz), est un pionnier du web littéraire, tant dans sa vie professionnelle de médiateur numérique en bibliothèque (Melun, puis désormais Paris), que dans son activité d’auteur, publications textuelles, revues (on se souvient de l’expérience D’Ici Là), que de publications numériques (Laisse venir avec Anne Savelli pour la Marelle), que ses ateliers d’écriture urbaine avec des outils comme Twitter ou les médias sonores, que la photographie dans l’expérience actuelle de ses Lignes de désir. Son site liminaire.fr est un pivot essentiel de l’expérimentation numérique en littérature.

Ses contributions à l’atelier ville.

Propositions 1 _ 2 _ 3 _ 4 _ 5 _ 6 _ 7 _ 8 _ 9 _ 10

proposition n° 9

source de l’apocryphe

Je ne sais pas ce qui m’attire vraiment dans ce lieu retiré, sans attrait notable. Le village, perdu en pleine campagne à quelques kilomètres à peine de la ville en contrebas, est désormais coincé entre l’autoroute et la nouvelle voie de chemin de fer. C’est un lieu à l’abandon à la sortie de la ville, un terrain vague envahi par les mauvaises herbes, les traces de pneus sur le sol indiquent que le soir l’endroit s’improvise en parking sauvage. Il y a pourtant a proximité de là, juste de l’autre côté de la route, le parking de la salle de spectacle aux murs aveugles recouverts d’une armature illuminée la nuit, protégé par un grillage métallique. Peu de circulation sur la route à cette heure tardive. Pas un bus, peu de voiture. La silhouette imposante du funérarium se dessine dans la pénombre, découpée par le fin liseré de la lumière de la salle de spectacle le soir en contrejour. Le skate-park, les terrains de foot sont déserts. On imagine aisément les joueurs courir en tous sens après la balle qui leur échappe, criant, s’invectivant, passant tous leurs efforts dans cette course vaine, ne maîtrisant pas la technique du jeu avec suffisamment d’expérience pour optimiser leurs actions de jeu, transmettre le ballon rapidement aux autres joueurs de leur équipe, avancer et progresser vers le but adverse de manière coordonnée, unie, mais agissant plutôt dans le désordre de leur jeunesse, de leur inexpérience, de leur amateurisme, et s’épuisant très vite à ce jeu là. Quand le lieu est vide, déserté, c’est le meilleur moment pour le voir vivre. Y trouver sa place. Le funérarium fait peur. Il en impose comme tous ces lieux anodins aux dangers potentiels qui rappellent par exemple la terreur ressentie dans une centrale nucléaire au moment de longer une piscine de refroidissement, toute cette eau translucide laissant apparaître tout au fond des barriques dont on ne connaît pas clairement la fonction ni la dangerosité, mais dont la seule présence et l’idée qu’on puisse tomber dans le bassin, nous saisit, nous tétanise et nous terrifie, vertigineuse. Tout ce qu’on ne connaît pas et que notre imagination transforme, amplifie, crée ses propres monstres. Que peut-il se passer à l’intérieur du funérarium, dans ses longs couloirs vides et désolés, le silence des salles de crémation plongée dans une pénombre qui renforce notre crainte en même temps que nos ombres sur le sol ou projetées sur les murs nus ? Rien sans doute puisque le lieu est vide, mais ce vide là nous grise, nous fait peur. On le comble de nos angoisses, de nos projections intimes, nos terreurs. C’est comme attendre quelque chose ou quelqu’un qui ne vient pas. L’attente est un désir. Un désir si difficile à nommer. Désir de l’autre, désir du désir de l’autre. Désir de mort peut-être aussi, le seul désir authentique tant les autres sont difficiles à combler. Se sentir dépendant de quelque chose que seul ce lieu peut nous offrir. Loin de la ville, des lumières, des bruits et du quotidien. Le désir et l’objet du désir, à la fois creux et saillie, avec moins d’injustice encore qu’il y a à être mâle ou femelle parmi les hommes ou les animaux. Dans l’espoir qu’un jour un dialogue s’engage. Que l’on se parle ou que l’on se tue. Un lieu de rencontre où plus personne ne vient, rencontre avec soi où seuls les fantômes du jour nous visitent encore. Lieu du licite et de l’illicite, de la lumière et de l’obscurité, du noir et du blanc. En aucun cas un non-lieu, ça n’existe pas. C’est un lieu de tous les possibles. Un écran de cinéma. Un décor de théâtre. Tout peut arriver. Ceux qui n’y voit que du vide n’ont rien compris. Tout est là qui nous attend. Dans la nuit c’est le mystère et le trouble qui nous attire ici. On s’y projette. On s’y abandonne. C’est à sa propre rencontre qu’on vient en marchant dans ce terrain vague. Lorsqu’on le croisera cet homme qui erre à cet endroit où personne ne vient la nuit, avec un mélange de peur et d’excitation, il aura l’air fatigué comme nous ce soir, il ne marchera pas droit, peut-être aura-il bu ? il nous regardera avec l’air méchant et apeuré qu’on a toujours dans ces cas là. Il nous menacera avant de reconnaître en nous le double de lui-même qu’il attendait. Ce que nous sommes. Une rencontre inespérée. Nos retrouvailles.

proposition n° 8

Elle n’avait jamais cru à rien, ni au destin, ni aux signes, ni aux surprenantes coïncidences. Elle ne paraissait pas croire en grand chose, elle était plus avide de faire son temps en douceur sans trop faire de vagues. Elle venait d’avoir vingt-trois ans. L’âge ça ne veut rien dire, pensait-elle. Son corps éclatait et distillait à chaque mouvement la sensualité de sa jeunesse, la silhouette à la fois indolente et vibrante, mince, bien cambrée, seins parfaits, fesses rondes. Elle aimait les femmes mais ne sortaient qu’avec des hommes plus jeunes. Il fallait que ça change. Seuls ses yeux semblaient vivre et respirer. Elle aurait voulu devenir journaliste. Elle travaillait dans une agence de publicité. Une voix douce, mais sans trace de sensualité dans son expression. Elle accusait le coup quand on la vouvoyait. Elle fumait, c’était là son seul plaisir et même son seul vice. Elle avait le regard égaré, noyé dans une inquiétante fixité, comme celui d’une petite fille perdue au seuil d’une incompréhensible histoire, regard étrangement soumis qui jurait avec ce qu’elle pouvait dégager d’animal. Ses cheveux blonds si flous étaient retenus par un élastique en une soyeuse queue de cheval. Elle vivait en ville mais rêvait de campagne. Certains soirs elle espérait qu’il lui téléphone mais il ne le faisait pas. Elle restait près du téléphone immobile. Le tatouage dessiné sur son avant-bras gauche représentait un aigle. Mais pour fuir quoi ?

Elle a dit : J’ai eu si peur que tu ne viennes pas. Elle a dit : Moi non plus je ne vous oublierai jamais. Elle a dit : Pourquoi aujourd’hui ? Elle a dit : Je suis pourtant une autre. Elle a dit : Rien n’a changé, je t’assure ! Elle a dit : C’est drôle, je ne t’aurais jamais pris pour un Juif. Elle a dit : Ce n’est pas possible, je dois rentrer ! Elle a dit : Avec un autre, celui que je vois ce soir ! Elle a dit : Ta mère ? Je la croyais morte ! Elle a dit : J’ai des soucis en ce moment. Elle a dit : J’ai si mal dormi cette nuit. Elle a dit : Je te voulais tellement. Elle a dit : Tu m’appelle demain soir chez moi ? Elle a dit : Il n’y a rien de changé en toi. Elle a dit : Je suis partagée entre la fascination et le malaise. Elle a dit : Viens sur moi. Elle a dit : Si vous y tenez. Elle a dit : Il y a quand même quelque chose que je n’arrive pas à comprendre... Elle a dit : Vous comprenez ce que vous lisez ? Elle a dit : Tu as fait une mauvaise rencontre. Elle a dit : Je viens d’avoir vingt-trois ans. Elle a dit : Ce désir devint bientôt une obsession. Elle a dit : J’ai dû me tromper d’endroit. Elle a dit : Il fait presque froid ici. Elle a dit : C’est malheureusement impossible. Elle a dit : Et vous, dans cette histoire ?

La lumière du matin. Herbie Hancock. La buée sur la paroi de la douche. Les pas sur la neige. Bruno Ganz. Un miroir sans reflet sur un mur nu. Orphée et Eurydice de Gluck. Le journal du matin. Les premières fleurs du printemps. Les souvenirs d’enfance. Les pulls à col roulé. Le papier calque. La craie. Les signes de couleur écrits au sol. Les amours en cage. La poussière. Un paysage de campagne dans la brume du matin. Les châtaignes. Les fraises des bois. La règle du jeu, de Jean Renoir. La peinture de Paul Sérusier, Le Talisman, peint en 1888. Les livres de Richard Brautigan. Jouer le jeu. Les routes départementales. Les terrains vagues. Le bord de la mer. Les avions dans le ciel et leur traînée blanche. Les fourmis. La sensation de tomber dans un gouffre. Le vertige. Les draps froissés par une nuit de sommeil. Le reflet d’un visage dans un miroir. Capri. Le goût du café. La bière rousse. Les tatouages. Les vestes en cuir. Le dictionnaire. Les fleurs des champs. Les lumières de la ville se reflétant sur le bitume après la pluie. Les orages d’été. Les caresses. Les baisers dans le cou. Nager. Lire. Dormir. Le bruit d’une machine à écrire. Les enfants tristes. Les fous rires. Le Paris-Brest. Le premier soir. Marcher dans la rue au hasard. La sensation de vivre un véritable imprévu.

proposition n° 7

Le train a longtemps été l’endroit où j’écrivais et lisais le plus, depuis quelques années je n’emprunte plus les transports en commun. Je m’en réjouis, mais j’ai dû trouver d’autres temps de lecture et d’autres espaces d’écriture. Écrire dans l’attente, l’incertitude, écrire dans les marges, l’équilibre précaire, instable, l’échappée belle, non dans le confort et l’assurance. Pas de bureau ou d’atelier pour travailler, s’y enfermer, s’y concentrer. Écrire sur un coin de la table du salon, au centre de la pièce, au milieu du passage. Étudiant j’écrivais au café. On peut s’isoler au café, mais j’avais pris l’habitude de ne pas me cacher. Si quelqu’un me demandait ce que je faisais, j’acceptais de lui répondre, il pouvait même lire ce que j’étais en train d’écrire. Le passage à l’écriture en ligne s’est inscrit dans cet élan, cette dynamique. Ce que j’écris est accessible à tous, dans l’instant même de son écriture et de la possibilité de sa publication, de sa diffusion. Aujourd’hui, dans le salon, ma place pour écrire située au même endroit que celle des repas, matin midi et soir. Je mange et j’écris à la même place. Bureau improvisé, amovible. Lors du repas, je déplace mes affaires, piles de livres, de revues, que je lis au moment où j’écris, feuilles de brouillon, carnets où je note parfois quelques idées avant de les développer sur l’ordinateur, appareils que je maintiens à portée de main, disque dur, appareil photo, téléphone portable, casque audio et dans ce fatras improvisé, l’ordinateur portable.

Je travaille dans mon quartier. Je m’y rends à pied. Je n’écris pas en chemin, pas le temps, à peine cinq minutes de marche, je réfléchis en chemin à ce que je dois faire, ce que je vais écrire, et comment je pourrais le faire. J’écris dans ma tête, dans cet entre-deux, petite voix intérieure en forme de monologue. Une parenthèse. J’accueille le public à la bibliothèque ou j’anime des ateliers numériques, mais la plupart du temps je travaille devant l’écran de mon ordinateur. Je dois trouver le moyen d’écrire tout en travaillant, mener de front les deux activités. C’est la même dynamique (mais le même inconfort aussi) qu’écrire à la maison. Au milieu des autres, de son entourage, les collègues comme la famille. Il a fallu trouver des outils numériques pour noter les idées à la volée, consigner les fragments de textes et les esquisses de projets, afin de pouvoir mener les deux activités parallèlement, qu’elles ne se perturbent pas, ne se confondent pas même si, l’un des grands avantages de la bibliothèque et de la médiation numérique, c’est que l’essentiel du travail se déroule à la fois au milieu des livres et derrière un écran. Le lieu du travail est l’endroit où le travail d’écriture se prépare en filigrane, se met en place, s’organise. Là où le texte se corrige, s’affine. Peu de place ou de temps pour parvenir à trouver la fenêtre nécessaire pour travailler, la brèche où s’infiltrer pour écrire. Passer de l’autre côté. C’est un jeu, moins dans l’idée d’un divertissement, que celui d’un espace à ménager pour l’écriture et son mouvement.

proposition n° 6

Ce livre me manque, son absence insupportable, je ne sais plus où je l’ai rangé, je constate seulement qu’il n’est plus à sa place habituelle dans la bibliothèque du salon, je ne me souviens plus si je l’ai prêté à quelqu’un, et si c’est le cas, à qui, je n’imagine pas qu’on ait pu me le voler, il était posé sur le porte-revue qui fait office de petite table près de mon fauteuil, le dessus recouvert de carreaux de ciment émaillés de différentes couleurs. Il y a longtemps le livre était encore rangé sur le rayonnage de la bibliothèque de mon salon, avec les ouvrages que j’utilise régulièrement pour écrire. Je l’avais déposé depuis quelques semaines sur le dessus du porte-revue, placé là pour l’avoir à portée de main, pour en lire certains passages le soir avant d’aller me coucher. Je me suis rendu compte de sa disparition il y a quelques jours et depuis ce moment-là je n’arrive plus à penser à autre chose, cela m’obnubile, m’obsède, je fixe désespérément le dessus du porte-revue désormais vide, je ne l’ai jamais vu ainsi, si dénudé, démuni mon regard se concentre à cet endroit précis en y maintenant une attention flottante pour ne pas me focaliser trop frontalement sur l’objet manquant mais laisser mon esprit divaguer en espérant retrouver mentalement la place où il peut se trouver désormais. Mais rien ne vient. Je ne vois qu’une page blanche. Vide. Sans un mot. A travers la fenêtre du salon, la lumière change soudainement, bascule et se renverse, une percée à travers la masse grisée des nuages, elle illumine toute la pièce, recouvre l’ensemble des objets, des meubles, leur surface est tout à coup soulignée par cette forte luminosité qui les embrase d’une auréole diaprée qui en renforce le contraste, en redessine forme et volume. Sur les carreaux brillants de la desserte, la lumière glisse sur l’éclat de la faïence et révèle la poussière jusque-là invisible à l’œil nu. Cette projection passagère vient rehausser, rasante, la trace du livre en creux, la marque de sa disparition, ne laissant affleurer que son envers, son empreinte négative.

proposition n° 5

Elle s’installe dans l’entrée du café, je ne l’avais pas prévu, je me glisse comme je peux derrière elle, en essayant d’être le plus discret possible, baissant la tête pour qu’elle ne me voit pas. Je m’installe non loin pour continuer à la surveiller, caché dans l’angle mort du comptoir pour qu’elle ne me remarque pas. Un café demande-t-elle au serveur. Sa voix douce est paisible. Avec un verre d’eau s’il vous plaît, précise-t-elle lentement. À la table à côté de la mienne deux amis discutent, complices. Et tu as vu ce qu’il a voulu faire ? Je n’entends pas ce que son vis-à-vis lui répond. Passant devant moi pour aller aux toilettes un habitué hausse la voix. Bruits de pas qui résonnent dans l’escalier. Nuage de vapeur du percolateur. Une chaise dont on racle les pieds en bois sur le sol carrelé. C’est n’importe quoi en ce moment la télé ! Sa bouche se plisse sournoisement. Les conversations se mêlent, difficile de les différencier lorsqu’on se focalise sur un point précis de l’espace, qu’on réduit son champ de vision et d’écoute sur une personne en particulier. Ma concentration s’écroule illico, déconcerté. Tu as pensé à la garniture pour la bavette ce midi ? Un rire se fait entendre à l’autre bout du café. C’est pas d’hier. Des haricots verts, ça changera des frites. Les bruits assourdissants du lieu me déstabilisent, du mal à me concentrer dans cette cohue. Je crois que c’est la première fois que je vois ça ! Le type lui dit carrément d’aller se faire foutre ! Et il ne s’arrête même pas, il continue de rouler tranquillement ! Oui et deux cafés, s’il vous plait ! Musique de fond au rythme soutenu, le tube du moment diffusé par une mini-enceinte disposée en équilibre sur une étagère instable au-dessus du comptoir. Do the D. A. N. C. E. Le serveur apporte son café à la jeune femme, elle le remercie au moment même où son smartphone se met à sonner. Les premières notes de la série "Mission impossible". Elle s’excuse poliment en lui souriant. Bruit de la tasse et de la cuillère qui s’entrechoquent au moment d’être posées sur la table en formica. 1, 2, 3, 4 Fight ! Elle attrape son téléphone, porte l’écran à son oreille, se détourne légèrement vers moi pour éviter le bruit en provenance de la rue, tenter de s’en protéger. Allo oui ? Stick to the B. E. A. T. Ah ! C’est toi ? Un vieil homme au comptoir accapare l’attention du patron qui essuie machinalement les verres qu’il lave au fur et à mesure que le garçon de café les lui rapporte. Venez nous écouter... Et toi ça va ? Je ne parviens pas à entendre avec netteté la conversation de la jeune femme. Les discussions du comptoir l’emportent sur la sienne. Le vieux et sa voix traînante. J’ai porté plainte mais nous ne sommes pas assez nombreux à le faire. Le quartier est devenu dangereux, non ? Vous ne dîtes rien. Vous n’êtes pas d’accord ? Le patron lui tourne le dos. Vous savez ce n’est pas si simple. Il ne faut pas les laisser faire, selon moi. Leurs avis contraires n’entrent pas en contact. Ils ne s’entendent pas. Pas sur la même longueur d’onde. Ce n’est pas ce que je veux dire. Ce n’est pas la première fois, les gens se font agresser très souvent. Vous ne croyez pas que vous exagérez un peu ? Get ready to ignite. La musique s’impose. J’essaye de lire à distance sur les lèvres de la jeune femme. Ce que je dis c’est qu’il faut réagir, ça ne peut plus durer comme ça. C’est une question de point de vue. Près de la porte vitrée, à l’entrée, le moniteur télé diffuse en silence les images en boucle d’une chaîne d’information en continu. Ces images s’enchaînent rapidement sans lien direct avec le bandeau d’information qui défile en bas de l’écran. Blanc sur fond rouge. L’une des plus graves tentatives d’attentat déjouée en Allemagne. 11 morts dans un attentat à Bagad. Les forces de l’ordre évacuent en ce moment un squat à Aubervilliers (93). Tout va très vite. Le camping à l’année pour les étudiants en panne de logement. Moins de tués mais plus de blessés sur les routes de France. Alerte au tsunami sur l’île de la Réunion. Le cancer est devenu la première cause de décès en France. Dérangé par ces messages qui accaparent l’attention par leurs gros titres tapageurs, le brouhaha du café et les bruits de la ville, la circulation automobile, les passants empressés qui sortent de la bouche de métro, têtes baissés, leurs airs sérieux et concentrés, certains se connaissent et discutent ensemble, je n’ai pas vu arriver cet homme qui vient de rejoindre la jeune femme. Il s’est assis en face d’elle, lui sourit. Nouveau morceau de musique du même genre que le précédent, mais cette fois-ci en français. En attendant je me déguise, c’est vrai. Ils se connaissent mais je n’entends pas ce qu’ils se disent, quelques mots ou bribes de phrases, parviennent cependant jusqu’à moi, demain, voir les, sans attendre. Un demi pression, un Perrier rondelle, deux cafés dont un allongé. Le patron demande à son employé sur un ton agacé de répéter sa dernière commande. Combien le café ? Deux à suivre. Que tous les costumes me vont bien. Jour de voyage, chaque fois la, rêver à plat, des années, même sans les liens apparents, les uns avec les autres. C’est deux euros. Le rouge, le noir. Le blues, l’espoir, en moi. Un camion pile au feu rouge dans un retentissant crissement de pneus et de freins sifflants. Quelques consommateurs relèvent brièvement la tête avant de retourner à leurs occupations. L’un d’eux sort quelques instants plus tard du café sans retenir la porte derrière lui, dans le fracas des deux battants qui s’entrechoquent. Un autre client demande au patron qu’il monte le son de la télé. Soulagé, le patron stoppe nette la musique qui n’est guère à son goût. De toutes les couleurs j’aime en voir. Le garçon de café fait la moue mais prend une nouvelle commande dans la salle. Et pour vous monsieur ce sera ? Benazir Bhutto, dirigeante du PPP, principal parti d’opposition au Pakistan, a été tuée lors d’un attentat. Les images d’une rue du centre-ville de Rawalpindi, près d’Islamabad, dévastée par l’explosion. Des corps jonchent le sol, près de voitures calcinées, d’hommes blessés, d’autres en pleurs. Le bitume recouvert de débris et de cendre. Le visage en surimpression de la Première ministre pakistanaise ajustant son voile blanc sur sa tête. Mon téléphone sonne, je le sens vibrer en même temps dans ma poche. J’hésite à répondre. Décontenancé. Je ne sais pas quoi faire. Je décroche au moment même où la jeune femme et son ami se lèvent pour sortir du café. 11 jours seulement avant les élections. Je ne peux pas les suivre. Le pays est au bord du chaos.

proposition n° 4

J’ai vécu une vingtaine d’années dans cette maison de la banlieue parisienne que mes parents viennent de quitter le mois dernier pour aller vivre dans un immeuble proche de la gare. La dernière fois qu’ils ont déménagé c’était il y a quarante ans pour quitter une ville située à quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la frontière administrative qui sépare le département de la Seine-et-Marne de celui de l’Essonne. La maison de leurs anciens voisins étaient celle d’amis de longue date, leur fils mon ami d’enfance. Enfants nous vivions chacun dans un immeuble mitoyen. Le bâtiment A. pour lui et le B. pour moi. Les petits champs, c’était le nom de notre résidence. Il suffisait de traverser la rue pour rejoindre l’école où nous avons fréquenté les mêmes classes. Quand mes parents ont décidé d’acheter cette maison de banlieue, leur première maison, leurs amis les ont suivis en achetant une maison dans la même ville, dans la même rue, rue Auguste Renoir. La maison faisait partie d’une zone pavillonnaire, quelques rues agencées autour d’un circuit dont l’ensemble des rues portaient les noms de peintres impressionnistes. Les maisons étaient associées par îlots de deux ou trois maisons accolées. Les deux couples d’amis avaient choisis deux maisons proches l’une de l’autre, une maison seulement les séparait, sans doute le premier signe d’une volonté de garder désormais ses distances tout en restant amis. Leur amitié n’a cependant plus jamais été tout à fait la même après ce déménagement, mais sans doute cela n’a-t’il aucun lien direct. L’usure du temps. Les enfants qui grandissent, chacun sa vie, même si nous n’avions jamais été aussi proches les uns des autres. Je me souviens avec émotion de nos jeux d’enfants, dans le terrain vague des chantiers de cette immense zone pavillonnaire en construction. Tout n’était pas encore achevé à notre arrivée, et avec mon ami nous inventions des histoires dans ces paysages vides qui accueillaient sur leurs pages blanches toutes les aventures qui nous venaient en tête. Nous étions seuls au monde, libres. Ce qui me fascinait à l’époque dans leur maison, identique en tous points à la notre sur les plans, c’était le désordre qui y régnait le mercredi lorsque les enfants étaient livrés à eux-mêmes, un désordre que je n’avais jamais connu chez moi et qui me fascinait : le fouillis sur la table, le sol sale, les habits, les jouets jonchant les canapés et parfois même traînant par terre, dans une impressionnante confusion. Pendant quelques heures de la semaine nous pouvions faire tout ce que nous souhaitons, nous perdre à notre guise dans ce chaos grisant. J’aimais jouer sur leur piano droit en m’inventant des histoires à faire peur. J’avais l’impression de vivre dans une version contraire de chez moi, opposée, son image inversée. Puis nous avons repris l’école. Nous ne suivions plus les cours dans les mêmes classes désormais. Nous restions voisins, mais nous avons commencé à moins nous voir à partir de cette époque-là. Les amis de mes parents, lorsqu’ils partaient en vacances, demandaient souvent à mes parents de garder leur maison, d’arroser leurs plantes, de nourrir chien et chat. Et mes parents leur rendaient bien évidemment ce menu service.

Je ne sais pas ce qui m’a pris le jour où, pour la première fois, j’ai vu traîner les clés dans l’entrée de notre maison, j’ai su que mes parents me laissaient seul pour la soirée, et j’ai eu cette idée un peu folle d’explorer de nuit la maison de leurs amis. La maison je la connaissais bien depuis longtemps même si mes parents et moi ne nous y rendions plus très régulièrement, n’y étant plus invités aussi souvent qu’à l’époque de leur franche amitié. Je ne sais pas ce qui m’attirait tant dans cette maison vide, ce que j’essayais d’y retrouver après tout ce temps ? Je décidais donc d’emprunter le trousseau de clés de la maison et de m’y glisser à l’insu de tous, en leur absence. Ils ne devaient rentrer de vacances qu’une semaine plus tard. Mon cœur battait fort en approchant de leur maison, je regardais autour de moi, vérifiais qu’il n’y ait aucun voisin qui puissent me voir et s’interroger sur ma présence insolite en ce lieu, je me rassurais tant bien que mal sur les plausibles prétextes que je pourrais invoquer pour justifier cette intrusion. J’ouvrais la porte à la hâte et la refermais vite derrière moi en essayant de faire le moins de bruit possible. Je restai un instant dans la pénombre de l’entrée, pour reprendre mon souffle. L’odeur si particulière de la maison me revenait en mémoire, elle m’assaillait littéralement, odeur animale où se mêlaient de tenaces relents de nourriture. Je n’avais aucune idée précise en entrant dans la maison, j’y étais entré sous un coup de tête, mais la vitesse à laquelle mon cœur battait suffisait à en fabriquer une. L’émotion de l’interdit. J’avançais masqué, en préservant dans l’ensemble de la maison la pénombre dans laquelle elle était plongée à mon arrivée. Ma progression devenait ainsi plus difficile, il ne fallait renverser aucun objet, aucun meuble. J’avançais doucement. Avec prudence. Ce n’est qu’une fois entré dans une pièce aux volets clos, la chambre des parents, que je pu me permettre d’allumer pour y voir enfin clair. Je ne restais jamais très longtemps dans chaque pièce pour ne pas éveiller les soupçons depuis l’extérieur sur les réelles raisons de ma présence illicite. Je progressais donc de pièce en pièce pour examiner ces lieux et les voir tels que je ne les avais jamais vus auparavant. Seul et sans objet. Il m’est arrivé de fouiller dans les placards, je l’avoue. De consulter les livres de la bibliothèque parentale en les feuilletant. De chercher des secrets introuvables alors que souvent les plus visibles n’étaient pas cachés, mais à ma disposition, je ne pouvais simplement pas les voir ne les envisageant pas. Nous ne trouvons souvent que ce que nous cherchons. Je reproduisais les scènes de films vues au cinéma ou à la télévision lorsque le personnage pénètre par effraction, inspecte et fouille la pièce à la hâte. Je me souviens du choc de la découverte dans la chambre de mon ami. Elle ne ressemblait plus du tout à celle que j’avais connue lorsque nous étions enfants. Et mon ami non plus. Il s’était mis à fumer depuis quelques temps, il recouvrait les murs de sa chambre avec ses paquets de cigarettes vides. Je sentais que nous nous étions perdus. Quelque chose de brisé entre nous, qui venait de s’achever, que je ne retrouverais plus. Tout en haut de son armoire, je dénichais la collection de bandes dessinées des Pieds Nickelés que je lui avais prêtées plusieurs années auparavant. Je me sentis soudain dépossédé. Je les avais oubliées, je les retrouvais mais je ne pouvais rien dire. Pris au piège.

J’écris je mais avec le temps ce je ce n’est pas moi. J’essaye de comprendre ce qui me fascinait tant à l’époque dans cette intrusion, et ce qui perdure aujourd’hui de cette fascination, ce jeu qui pourrait expliquer le je. Ce qui s’y joue. Avancer sans savoir où aller. Pénétrer dans une maison familière en y jetant un regard de biais, comme l’anamorphose qui nous montre une image dans l’image selon un angle de vue particulier. En biaisant l’image. L’inconnu. Cette fascination de l’inconnu. La découverte. L’invention comme on dit. La peur du linéaire. Du continu, du récit (il était une fois qui suppose un début, c’est bien, un milieu, pourquoi pas, et une fin, non, décidément, non. Dans le désordre des temps que l’espace ravive en nous. L’espace qu’on arpente dans un entre-deux entre réel et fiction. Ce serait vivre un film, une fiction, dans la réalité mais projeté dans un réel aux dimensions mentales, s’y déplacer sans voir le réel autour de nous mais la projection d’un réel en nous. Dans un lieu vide, la mémoire des autres. Le reflet de notre présence, ses traces infimes. Être là sans y être. Absent. Ailleurs. Distrait. Il y a quelque chose de l’ambivalence du mot curieux. Cette envie de découverte, d’insolite, d’aventure, d’enquête et ce que cela révèle de vous, de votre personnalité, cette curiosité pour les autres. La présence fantôme, c’est ainsi que j’appelle cet attrait pour l’absence, la disparition, le fait d’être là sans y être, celui qui observe sans rien dire, qu’on ne remarque même plus, qui se glisse dans une soirée ou traverse une pièce sans qu’on le voit ou se souvienne de lui. Présence à peine esquissée. En partance. Mort vivant. Ce désir inavouable d’assister à sa propre disparition. Ce serait comme être présent à son propre enterrement. Cette vanité. Le rapport à l’intimité de l’autre. Cette intrusion chez lui, en son absence, comme un regard déplacé, secret, dissimulé, tapi dans l’ombre, un regard de voyeur, sans rien à voir, mais qui justement trouve sa satisfaction dans ce manque, cet écart, ce creux-là, cette faille invisible. Tout ce qu’il reste à combler. Les cases vides à remplir. Et découvrir par hasard quelque chose qui nous appartient mais qui déplacé ne nous appartient plus, dont nous sommes soudain dépossédés. Pris au piège, savoir mais ne pas pouvoir le dire, devoir le garder pour soi, cette violente douleur du non-dit. Devoir se taire. Silence. Une bibliothèque est un endroit où se déplacer entre les mots, tout a déjà été écrit, l’écriture est une question de lecture. J’ai longtemps cru que c’était du vol. Les mots des autres. Maintenant je sais que les ouvrages qu’on y dépose après les avoir écrits ne nous appartiennent pas plus que tous les autres. Un livre c’est comme une amitié, nous pouvons toujours le relire, nous sentir relier à lui, nous souvenir des moments passés, nous les rappeler avec émotion, tendresse, nostalgie parfois, mais lorsque nous le terminons, une fois la dernière page lue, le livre refermé, même si nous pouvons toujours revenir en arrière et avoir l’impression de parcourir à nouveau le chemin avec lui, recommencer une nouvelle lecture, ce n’est plus jamais le même parcours, c’est un souvenir de celui-ci, son retour nostalgique, en boucle. Ce qui me fascinait tant à l’époque dans cette intrusion, que je commence enfin à percevoir en écrivant ce texte, est lié au regard, au temps, à la disparition, à l’ellipse, à l’origine, à la mémoire, à l’intimité, à tout ce qui nous fait écrire et vivre, entrer en contact avec les autres, les vivants et les morts, tout en essayant de comprendre qui nous sommes vraiment. Expliquer notre parcours, deviner son visage. Cet ami d’enfance, je lui ai emprunté son nom quand j’ai commencé à écrire sous pseudonyme. Ménard. Il est mort il y a quelques années. Stephan Ménard.

Les images sont nettes dans notre esprit, celles d’une projection. Nous nous projetons dans un espace inconnu. Nous avançons sans rien voir, plongé dans le noir. Parfois une lumière filante, fuyante comme un flash, vient éclairer le lieu où nous sommes et nous en faire découvrir l’espace un temps réduit, vite disparu. Nous progressons ainsi dans l’inconnu. A tâtons. Un aveugle, nous imaginons-nous, doit ressentir ce que nous voyons dans ces moments-là, mais c’est une erreur. Nous ne pouvons pas deviner ce qui maintient le fil rouge, juste ces éclairs, ces sensations plus vives mais brèves à partir desquelles, petits points lumineux que nous relions dans le noir, nous parvenons à voir une image se profiler. Il faut repousser l’idée du noir. Du plan sans image avec une voix qui nous parle, nous envahit, nous enveloppe. Les mots de la bande son, cette voix chaude et grave qui les prononce en les articulant avec clarté et précision. Une voix intense qui nous entraîne dans le récit, qui nous permet de voir les images que, sans elle nous ne pourrions pas envisager. Elle nous guide dans l’obscurité. Elle nous plonge dans un état de confiance qui nous permet de la suivre. Pourtant les mots paraissent nous arriver dans le désordre, mais cette voix relie tout et tout fait sens avec elle car tout est musique. Les mots entre eux et les images. Elle fait lien. Elle ne met pas de l’ordre dans le désordre. Elle nous fait comprendre que l’ordre n’existe pas, c’est un leurre, une illusion, une histoire à dormir debout. La voix nous conduit dans un récit fait d’images et de sons, d’échos et de correspondances. Tout en rythme. Ce serait donc un film différent mais avec un assemblage d’images, une saturation d’images rythmées par les battements d’une musique proche de celle du cœur. Un rythme régulier plus rapide cependant que celui qui nous permet de voir. Un plan très court. Un flash lumineux. C’est dans l’accumulation de ces images que le regard devient possible, envisageable, que le secret se révèle.

proposition n° 3

Il existe de très nombreuses versions des derniers instants d’Orphée et Eurydice.
On raconte par exemple qu’Eurydice suivit Orphée dans la pénombre, mais lorsqu’il arriva près du but, pris de doutes, n’entendant plus de bruit dans son dos, il se retourna, Eurydice n’était malheureusement pas encore sortie, il la perdit ainsi dans un dernier souffle.

On prétend qu’Hadès et Perséphone ayant consentis à laisser partir Eurydice, ordonnèrent à Orphée de ne pas se retourner sur celle qu’il était venu chercher et tandis qu’il songeait au bonheur qui les attendait, oublia sa promesse et se retourna pour contempler sa bien-aimée, sans savoir qu’il venait de la voir pour la dernière fois.
D’autres racontent qu’Orphée s’apprêtant à sortir des Enfers et n’entendant plus les pas de sa bien-aimée, impatient de la voir et ayant peur que son amour lui échappe, se retourna, la perdant à jamais.

Mais on dit également qu’Hadès exigea que sur le chemin du retour Orphée ne parle pas à sa femme ni ne se retourne pour la voir, mais qu’Orphée, inquiet de ne plus entendre les pas d’Eurydice dans son dos, se retourna malgré l’interdiction, pour savoir si sa femme l’avait bien suivi et c’est ainsi qu’il vit disparaître celle qu’il avait aimé plus que tout.

On raconte aussi qu’Hadès donna la permission à Orphée de ramener sa femme dans le monde des vivants à une seule condition, ne pas se retourner, ni la regarder, ni parler à sa femme avant de revoir la lumière du soleil. Mais Orphée désobéit, et alors qu’il arrivait à la fin du sentier, il se retourna et perdit sa femme pour toujours.
On raconte enfin qu’Hadès dit à Orphée "J’exaucerai ton vœu, mais ne te retourne pas pour voir ta femme tant que tu n’auras pas quitté le royaume des ombres », et qu’en sortant des Enfers, dans le silence impressionnant du lieu, Orphée fut saisi de terreur en n’entendant plus les pas d’Eurydice, tourna la tête pour voir si elle le suivait encore. Elle s’évanouit à ses yeux. Une brise légère caressa le front d’Orphée comme un dernier baiser, le laissant pétrifié, et seul.

Mais quel que soit les versions de cette histoire, chaque fois qu’on se retourne sur elle, elle nous échappe, nous ne pouvons qu’en reprendre le récit encore et encore, pour tenter de ne pas l’oublier.

proposition n° 2

…l’absence de ton père parti sans un mot, sans adieu. Sorti un matin acheter des cigarettes, jamais revenu. Tout s’est construit autour de cette disparition. Ce manque. Un père absent que tu n’as plus voulu nommer, que tu as cherché comme un double toute ta vie, tout au long de ton parcours. Un père disparu. Un vide à combler. Un motif récurrent, celui de la mosaïque, cet assemblage décoratif de petites pièces rapportées multicolores dont la combinaison figure un dessin.

Au fond de tes poches toujours quelques tessons de verre, des morceaux de pierre aux formes étranges, de faïence brisée que tu ramasses par terre, au fil de tes promenades. Tu joues avec comme un chapelet, les fais sonner dans le secret de ta poche, leur bruit sourd te rassure, à la manière d’une prière païenne. L’inventaire du passé ne délivre que le désordre et la perte. Tu as l’âme d’un bâtisseur. Le souvenir lointain d’une architecture inspirée par la nature ne te quittera jamais. Un parc avec des pergolas poussant des rochers, des sentiers de randonnée intégrés dans le paysage et des mosaïques ondoyantes et colorées. Un très long banc ondulant en forme de salamandre constitué d’une quantité innombrable de pièces de mosaïque aux couleurs variées.

Dans chacun de tes textes, tu le convoques avec ce mystère, ce trouble initial que tu sais rendre sensible. À chaque fois que j’ouvre un de tes livres au hasard, je m’y perds avec délice. Je commence à lire quelques lignes : immédiatement, la fascination opère. Avec toi, l’incertain est un art de vivre. L’improvisation une manière de voir le monde. La lecture une aventure. Le double est une constante dans tout ce que tu écris. J’aime tout particulièrement cette histoire que tu m’as racontée, je l’ai lue en fait mais avec toi la lecture se transforme en voix qui nous charme et nous ensorcelle, une conversation, une improvisation, ou une promenade qui nous donne l’impression que ce que tu racontes s’invente à chaque phrase. C’est une échappée à laquelle tu nous convies. L’histoire que tu me racontes est donc celle de cet homme qui part en voyage, qui traverse différents pays d’Amérique centrale et prend de très nombreuses photographies lors de son séjour, notamment celles de peintures naïves, populaires. À son retour chez lui, à Paris, il fait développer ses pellicules, et se projette les images. Il s’aperçoit alors que les images de peintures naïves ont disparu, à la place s’y sont substituées des scènes de violence, de répression policière. Le laboratoire peut-il avoir, par erreur, interverti deux rouleaux de pellicule ? S’agit-il d’un phénomène beaucoup plus mystérieux, comme si c’était la violence même de l’histoire qui l’interpellait, en lui imposant, magiquement, le spectacle de ce qu’il n’a pas su ou voulu voir ? Saisi d’une angoisse, d’un malaise, il va vomir dans sa salle de bains tandis que sa femme, qui vient d’arriver, regarde à son tour le diaporama. Lorsqu’il revient auprès de sa femme, elle lui dit qu’elle les trouve magnifiques ces photos de peintures populaires.

Dans le couloir un peu sombre de notre appartement, un ensemble de cadres, pêle-mêle d’images, de photographies anciennes, de peintures, les portraits de nos aïeux, parents, grands-parents, auxquels se mêlent ceux de mes auteurs préférés, portraits d’écrivains qui m’ont accompagnés depuis mon enfance vers l’écriture, les visages de Julio Cortázar (posant devant l’entrée du métro Louvre et de son plan), de Guillaume Apollinaire (sur son lit d’hôpital, de retour du front, un épais bandage lui couvrant la tête), de James Joyce (un bandeau noir sur l’œil), de Marcel Proust (un cattleya à la boutonnière). Je les ai toujours considérés faisant partie de ma famille. C’est peut-être parce que je parle régulièrement d’eux en les nommant par leur prénom que mes filles ont elles aussi toujours considéré ces visages comme ceux de membres de notre famille.

Tu sais créer cette ambiance fantastique si particulière à partir d’un fait banal, d’un détail du quotidien. Dans le renversement des situations, les perspectives inversées. Dans toutes tes histoires je vois défiler les rues et les jardins de Buenos Aires, je ne m’y suis pourtant jamais rendu, tableaux nocturnes et fulgurants éclairs, en écho aux souvenirs de ta jeunesse que tu ne raconteras jamais directement : les mosaïques du parc de ton enfance. Tu écris : « Ne pas accepter un autre ordre que celui des affinités, une autre chronologie que celle du cœur, un autre horaire que celui des rencontres à contretemps, les véritables. » C’est ce qui arrive à ce sud-américain qui ressemble étrangement à Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, l’auteur des Chants de Maldoror, que tu installes en double de toi-même. Il traverse les galeries couvertes de Paris, comme autrefois le Pasaje Güemes de Buenos Aires ou les Galeries Saint-Hubert du Bruxelles de ton enfance, et finit par se perdre dans une correspondance souterraine. Ces lieux infinis viennent se fondre en un seul, ta ville c’est la mienne : Paris, je m’y retrouve et je m’y perds.

Le recueil de nouvelles est un ensemble de textes hétéroclites, une mosaïque dont l’unité paradoxale réside dans son intense liberté. La forme qui te convient le mieux.

Un homme va être opéré à la suite d’un accident. Tu as toujours tenté de donner un sens univoque à ton mystère personnel, à tes absences fondamentales. Au début de l’anesthésie, il rêve qu’il est un Indien de l’époque précolombienne, poursuivi et capturé par les Aztèques. Progressivement, le rêve devient de plus en plus précis, jusqu’au moment où les choses s’inversent.

Quand je suis seul dans mon appartement il m’arrive souvent de rester de longues minutes à regarder les portraits de ma famille, les dévisager en espérant qu’ils me racontent leur histoire, me décrivent leurs parcours, m’expliquent leurs liens secrets et je reste là à les regarder fixement dans un dialogue silencieux. À force de les regarder avec insistance, dans le bourdonnant silence qui susurre à mes oreilles, dans la lumière déclinante du jour, j’ai parfois l’impression que ce sont eux qui me regardent et attendent que je leur raconte enfin mon histoire, et je perçois dans les traits de leur visage une constellation de points lumineux à peine visibles qui dessinent dans la pénombre, une figure souriante, apaisante, deux yeux et une bouche, celle d’un enfant qui n’a jamais voulu grandir et qui s’est vu entraîné, sans le vouloir, dans le tourbillon d’exaltation d’un monde trop réel, plus incompréhensible qu’un récit fantastique.

Je me souviens alors que l’homme, l’Indien, avant d’être tué, est envahi par un étrange rêve situé dans le futur, où il se retrouve allongé sur une table d’opération, tandis qu’un chirurgien brandit un scalpel. Je sens la coupure froide et métallique de ce scalpel contre ma peau et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il me devient enfin possible de tenter de comprendre une infime parcelle de l’énigme…

proposition n° 1

Entrer dans un appartement, une maison sans y avoir été autorisé, rarement par effraction, question de caractère, domicile abandonné, porte ouverte, entrebâillée, ou tout simplement parce qu’on nous a donné la clé pour la garder, la surveiller, nourrir le chat ou bien arroser les plantes, mais l’investir avec une approche différente, décalée, un rien mal intentionnée, s’y promener à sa guise, s’y sentir chez soi, le prétendre sans vraiment y croire, pas dupe de l’éphémère et de la vanité de la situation, en intrus, en visiter chaque pièce scrupuleusement, avec un regard aiguisé, curieux, une approche déplacée, sans savoir précisément ce qu’on y cherche, juste cette intention, cette tension, le corps qui furète, le regard à l’affût, affûté, pour ne rien rater, ne manquer aucun détail, enquête sans but, non pour se donner une constance mais d’une certaine manière pour habiter ce lieu, nous l’approprier l’espace d’un instant, en essayant de n’y laisser aucune trace de notre passage délictueux, présence illicite, et sans être vu de l’extérieur, pris sur le fait.

Dans l’action, le mouvement, attraper à la hâte l’appareil photo que je porte toujours sur moi, au fond de ma poche et viser le sujet que je veux saisir, mais au moment d’appuyer sur le déclencheur, le bouton ne répond pas, il se bloque, se fige, se coince, ce dysfonctionnement passager m’agace, m’énerve, je m’emporte, hausse la voix, ce n’est pas possible, j’insiste, m’entête, je veux capter cet instant que j’ai sous les yeux, le transformer en image — comment manquer ce paysage incroyable, cet événement inédit, ce regard, ce sourire, cette lumière si particulière, ce geste insaisissable ? — mais l’appareil s’y refuse techniquement, impossible de prendre la photographie, de capturer ce que j’avais sous les yeux qui s’éloigne déjà, s’efface peu à peu, avant de disparaître. Sentiment d’impuissance tenace qui renforce à chaque fois l’impression de ma regrettable incapacité à vivre l’instant présent, à regarder sans but, sans en garder la trace, un souvenir, et peut-être tout simplement de laisser passer le temps sans l’arrêter.

Je n’ai aucune raison de surveiller des inconnus dans la rue, pourtant j’aime les observer de loin et les suivre au hasard des rencontres, libre de les observer à ma guise, la filature m’installant malgré moi dans la position instable et pernicieuse du suspect aux intentions douteuses. J’aperçois la silhouette d’un homme ou d’une femme et sans raison apparente, sans idée préconçue, je m’engage à leur poursuite, glissant mes pas dans les leurs. Je ne sais pas où ils vont — comment pourrais-je le savoir ? je marchais sans but quelques instants plus tôt et ne savais même pas où j’allais avant de les croiser et de me décider à les suivre, de traverser toute la ville à leur suite, sans savoir à quoi accorder plus d’attention —cela m’incite à ouvrir les yeux pour voir cette ville sous un angle inédit. Me laisser porter c’est l’idée de départ, mais je dois rester très concentré pour ne pas perdre de vue cette personne au fil de son périple, qu’elle ne me sème pas, volontairement ou non, qu’elle ne me repère pas, et ne se rende pas compte de ma filature. Aujourd’hui, c’est un homme que je suis depuis plusieurs heures. Je n’ai pas de préférence. Avec la fatigue, ma vigilance s’amenuise, je ne parviens plus à deviner son itinéraire pour mieux l’anticiper, à prévoir ses gestes ou déceler ses moindres réactions, lire en lui comme dans une carte, je risque de le perdre de vue à tout instant, mais il pourrait également me prendre à revers, me démasquer, j’imagine un instant la scène, mais je me ressaisis et reviens aussi vite à moi : Il a disparu. Je ne le vois plus, il a suffi d’un instant pour qu’il sorte entièrement de mon champ de vision. Je presse le pas pour rejoindre l’angle de la rue où il a dû s’engouffrer et tenter de le rejoindre avant qu’il ne soit trop tard, trop loin, mon cœur s’emballe, le souffle court, les joues rouges, je parviens au bout de la rue — je le suis — il surgit sans crier gare, là juste devant moi, me fait face. Et c’est moi que je vois, je me tiens droit, bras sur les hanches, menaçant, faisant barrage avec mon corps pour empêcher son passage ou sa fuite, les traits du visage sévère et réprobateur — Je suis lui — les yeux noirs.

Je ne me souviens plus d’un passage d’un livre que je cite souvent, une phrase que j’aime rappeler, qui résume mon parcours, mais là, sans doute est-ce dû à la fatigue, je ne parviens pas à m’en souvenir, il faut que je relise le texte pour retrouver la citation en question. Je cherche ce livre dans les rayonnages de ma bibliothèque pendant un long moment, je sais qu’il est là, avec les autres, je ne l’ai jamais prêté, bien trop précieux, je ne m’en sépare jamais, mais impossible de remettre la main dessus, où ai-je bien pu le ranger ? J’inspecte un à un tous les ouvrages de la bibliothèque. Au moment d’abandonner, découragé, je finis par le retrouver presque miraculeusement. Il était là, bien en évidence, et je ne le voyais pas. Je l’ouvre pour relire le passage recherché, feuillette à la hâte les pages qui défilent sous mes yeux, relis en diagonale quelques lignes, les phrases s’associent étrangement entre elles dans cette lecture rapide, je déchiffre rapidement certains passages, tourne les pages sans le retrouver, je commence à douter qu’il figure bien dans cet ouvrage, j’étais sûr pourtant de moi, je ne sais pas ce qui se passe, je tourne les pages encore plus vite, crispé, impatient, jusqu’au moment où je me rends compte que certaines parties du livre semblent s’effacer sous mes yeux. Je reviens au début du livre, les premières pages en sont désormais complètement blanches, et les pages suivantes s’effacent lentement, je vois l’encre se diluer dans la trame du papier de la page, les lettres disparaître les unes après les autres, leur noir libérer inexorablement l’espace de la page blanche. L’angoisse me saisit, me paralyse. Je ferme le livre de peur de disparaître avec lui.

Dans un parc où je viens me promener régulièrement, après une longue marche en ville, je suis fatigué, je décide d’aller m’asseoir un instant sur le banc est un peu isolé, dans un coin surplombant la ville, à l’ombre d’un vieux platane. J’aime cet endroit car il permet d’avoir un large panorama de la ville sans être gêné par les passants. Personne ne vient s’asseoir sur ce banc car il est situé sur une colline pentue, à l’écart des principaux chemins et axes de circulation. En m’approchant du banc, je m’aperçois qu’il est jonché de vêtements et d’objets incongrus jetés pêle-mêle en désordre. Je suis un peu déçu, pour une fois que je venais m’y asseoir, il est encombré d’un fatras mystérieux. Je fais encore quelques pas avant de commencer à voir plus clairement ce qui a été abandonné là. Mon cœur se met à battre en reconnaissant plusieurs de mes vêtements, un vieux pantalon de toile blanc que je n’ai pas quitté cet été, deux chemises en lin bleu que j’ai longtemps portées, des chaussettes dont je reconnais le motif très particulier, des sapins blancs sur fond noir, un présent de ma femme, un pull-over gris en laine posé en vrac sur le dossier en bois, ainsi qu’un sac en toile avec le portrait de David Bowie imprimé dessus à la main par un artiste à qui je l’avais acheté l’année dernière, au Mauerpark, dans le quartier de Prenzlauerberg à Berlin. Aucun doute, toutes ces affaires en désordre sur ce banc m’appartiennent. Mais je ne me souviens pas les avoir jetées ou les avoir données. Je pensais qu’elles se trouvaient encore chez moi, dans mes placards, je suis désemparé, je ne comprends pas ce qui se passe. Je me sens dépossédé, perdu, honteux. J’ai l’impression de ne plus savoir qui je suis, où je suis. L’impression qu’on m’observe en silence et qu’on se moque de moi. Nu, mis à nu.

J’avance dans un lieu inconnu, j’ouvre des portes au hasard, à chaque fois celles-ci s’ouvrent sur un lieu différent, lointain, troublant. Je ferme la porte et si je l’ouvre à nouveau, jamais sûr de retrouver le même lieu, le même paysage. La porte qui claque, le bruit extraordinaire qui fait vibrer le mur entier, que la maison tremble. Mais c’est surtout cet appel d’air ainsi provoqué qui me surprend, me déstabilise, le vide qu’il provoque en moi, comme un soufflé inversé sous son aspiration suspendue. Pendant longtemps c’est ce bruit qui résonne dans mes oreilles, emplit ma boîte crânienne, m’assourdit de sa violence inouïe. Mais l’air de rien, la douleur vient plutôt de ce manque d’air qui m’empêche de respirer, m’inscrit en porte à faux, suite à ce départ qui me laisse démuni, perdu, sans voix. J’avance, j’avance toujours dans ce long couloir, ouvre encore les portes qui se présentent à moi, cherche l’issue tant espérée, le moyen de m’échapper de ce lieu où je me trouve enfermé, coincé, poursuivant le chemin vaille que vaille, en ouvrant encore d’autres portes. Dans la répétition infinie de ce geste mécanique. Ouvrir, fermer, ouvrir, fermer. Et derrière ces portes d’autres encore comme autant de souvenirs ouvrant les uns sur les autres, et communiquant ensemble tout en écho et correspondance intimes.

Un homme est venu pour obtenir des renseignements, il cherche ma collègue, elle n’est pas dans notre bureau, mais elle va revenir. Je lui dis de patienter, elle arrive peu de temps après. Lorsqu’elle revient de son entrevue avec lui elle me fait un point rapide sur ce qu’ils se sont dit. Je remarque que pour parler de cet homme, ma collègue évoque un vieil homme, sans être péjorative ou condescendante, je détecte même dans sa manière de parler à son sujet une intonation attendrie à la fois charmante et délicate, une douceur complice, enfantine, tout dans ce qu’elle me rapporte fige cet homme dans l’image d’un vieillard que je ne reconnais pas, que j’ai pourtant croisé quelques minutes plus tôt. Et plus je l’écoute parler plus je trouve que cet homme me ressemble et qu’elle pourrait bien parler de moi de la même façon. Quand je m’en inquiète, prétextant qu’il n’est pas si âgé, elle me répond qu’elle le trouve attendrissant et mignon. Plus elle s’explique en souriant, se justifie, plus je me sens visé, vieux.

Dans une soirée arrosée, ambiance tamisée mais musique à faire trembler les murs, bruits de conversation à peine audible, quelqu’un s’adresse à toi, tu ne sais pas si c’est le bruit dans la pièce ou la fatigue, peut-être l’alcool, mais tu as l’impression qu’il te parle dans une langue que tu ne comprends pas. Dans la malère volude aux palisses nirées, ses longs calices sambres et soricés, braque au pipare papé déchiffré que la peulade somère clematurément. Une langue étrangère que tu ne connais pas. Tu lui fais répéter les premiers mots pour être bien sûr, mais cela ne s’arrange pas, il continue à te raconter l’histoire telle qu’il l’a commencé. Leurs lavules salivemment sédinées par la murèle chiffre des pademlaires dans la lire matrique, les mérules mysturantes qu’elles pustilent au carefond, lubares assomatiques qui se filèchent et culbarent lorsque les cariboles, aux pharises rubicondes, fouichent en niolames, et s’y probutent. Et tu l’écoutes sans comprendre son récit, faisant semblant d’en saisir le sens en hochant vaguement la tête, souriant dans le vague, épuisé, espérant que l’histoire se termine vite et que tu puisses t’échapper sans avoir à t’expliquer. Comme si c’était la délifèle farine, à l’embarouge d’un verso persilère, ou si, par gamme, on y déambulait les clos penauds, en tentant de bargoudir l’amérule à l’envai, à l’avenure.

Deux fillettes se chamaillent, elles se courent l’une après l’autre dans la cour de récréation, cela ressemble à un jeu au début de leur course, mais la violence de leurs gestes surprend, inquiète, la vivacité de leur course-poursuite, leurs coups ne sont pas feints, elles n’arrêtent plus de tourner au milieu des autres enfants qui restent immobiles à discuter tranquillement comme s’ils ne voyaient pas la violence de ce qui est en train de se dérouler juste à côté d’eux. À plusieurs reprises, en essayant d’échapper aux coups de l’autre, le risque de tomber, de se faire mal, l’une glisse, perd un instant l’équilibre, sa tête heurte un recoin de table, le choc est rude, le dos de l’autre se cogne violemment contre une barrière en bois. La fillette blonde se relève au courage, à la rage aussi, cela se voit sur son visage, la brune tente de lui échapper en gardant le sourire pour sauver la face, mais les coups persistent, souvent dans le vide, heureusement, mais la volonté est là de tirer les cheveux, de cogner, de griffer, de gifler, d’arracher les vêtements, de faire saigner, de faire mal. On ne saura pas pourquoi. Ni ce qui a provoqué cette violence. Personne pour consoler la jeune fille en pleurs. On ne sait pas pourquoi. Ce qui blesse c’est l’indifférence et la violence de ces enfants qui laissent faire, regardent sans se mêler ou tenter d’arrêter le combat avant qu’il ne soit trop tard.



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1ère mise en ligne 19 décembre 2018 et dernière modification le 17 février 2019.
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