le roman d’Ema DuBotz

–> AUSSI DANS CETTE RUBRIQUE
Ema explore à la lisière des mots, du corps et du mouvement. Écrire c’est autant tracer que dire, façonner un contexte, occuper l’espace. Les mots comme des déclencheurs du mouvement, en lien, en réponse, en écho. Écrire le mouvement. Faire. Défaire. Varier. Créer des ruptures. Y revenir. Et faire silence. Publications dans Revu, 21Minutes, Traverser aux éditions de l’Aigrette, boXon, Cœur de Plumes, Région Centrale (Milagro éditions), Les caprices de la femme en rouge, Le Festival Permanent des Mots.

Suivre sa page Facebook.

15. De vagues échos


proposition de départ

Pia est de retour en France, son berceau. D’Angleterre elle garde la prononciation, l’ironie, ses longs cheveux noirs de la superbe qu’elle était et sa maison qu’elle continue à louer, au cas où.

Pia était l’aînée de neuf enfants qu’elle a élevés, issus de trois pères différents. Elle a vécu la seconde guerre mondiale, la débrouille, la faim, l’entraide, la solidarité entre gens de peu, les déménagements, les ré-emménagements, et puis, à dix huit ans, elle quitte son milieu ouvrier pour vivre son aventure. Elle sera fille au père à Londres. Elle se lance dans les études parallèlement et se propulse dans le monde du travail, le vrai. Elle s’affirme, prend sa place et s’installe comptable.

Pia s’est mariée. Elle a une fille. Le brin roux auburn, la peau laiteuse de la grand-mère, la mère de Pia, les traces d’une Italie en fuite, déjà.

Tout le monde a été surpris.
Il paraît.

Le fait que c’est un très beau brin, joli brin de fille.
Toujours fourrée chez sa tante.
Le fait que oui la p’tite a tissé des liens avec elle. Mais pas que.
J’ai entendu qu’elle avait eu un accident et que sa mère l’a confié à sa tante le temps qu’elle se remette.
Le fait que la pauvre ne peut pas faire autrement. Son mari licencié, elle travaille du matin au soir, du soir au matin. Faut bien nourrir la famille.
Le fait qu’on dit de lui qu’il a toujours eu un penchant pour les spiritueux. Mais pas que.
D’autant plus depuis qu’il a perdu son boulot.
Le fait qu’on peut le croiser de temps à autre au supermarché. Les yeux visqueux, le regard glissant.
Le fait que laisser sa gamine avec un père dépressif, de travers en travers, c’est pas tenable, je comprends qu’elle préfère la laisser dans un foyer plus joyeux.
Le fait que la tantine est une mère célibataire. Qu’elle a une fille plus âgée qu’elle. Daisy.
Le fait qu’elles s’entendent comme larrons en foire.
Le fait que c’est pour ça que la mère ne s’est pas méfiée.
Le fait que. On peut toujours causer épiloguer supposer affirmer ressasser. Personne ne sait vraiment.
Le fait qu’un soir, on a quand même aperçus les filles dans un bar du centre.
Que faisaient-elles là ? Comment peut-on laisser une jeune fille de quatorze ans sortir le soir ? Et en semaine de surcroît.
Le fait qu’elle doit forcément mentir sur son âge.
Le fait qu’apprendre à mentir elle savait déjà.
Le fait qu’apparemment la tantine mènerait une vie dissolue. Les fumées les vapeurs lourdes les odeurs épaisses et j’en passe.
La tournée des bars, à la recherche d’un homme bien.
Le fait qu’elle que dans les bars, elle trouve un homme différent chaque semaine.
Le fait que la mère ne savait pas.
Comment pourrait-elle savoir ?
Nous mêmes ne savions pas que. Avec cet exemple sous les yeux, pas étonnant que les jeunes filles portent des mini-jupes et montrent leur nombril.
Une incitation si vous voyez ce que je veux dire.
Le fait que. A vrai dire. Rien n’est sûr.
Le fait que personne ne sait vraiment ce qui est arrivé.
Le fait que ce qui est sûr c’est que le p’tit brin a suivi la pente sur laquelle elle s’est retrouvée, une fille facile à priori.
Le fait que des gens trop soucieux de la maman se sont tus.
Le fait qu’elle soit devenue une traînée qui côtoie des hommes âgés, tu y crois ?
Le fait que plusieurs ont dit qu’elle prenait des pilules pour dormir qu’elle se droguait. Le fait que, mon Dieu, elle en est à ce point. A vouloir dormir.
Le fait que des passants y passaient.
Le fait que. Qui sait ce qui se passait derrière cette porte ? Chez la tantine ? Et chez les parents ?
Le fait que toutes ces ombres se mettent en mouvement

Personne n’était là.
Pas de témoin.

Pia a affronté la maladie de son mari, son alcoolisme, son cancer, son décès et ce, bien après le vide, la disparition du beau brin. Lui, elle l’a accompagné jusqu’au bout. Une fois seule, elle a décidé de revenir près des siens, près d’une de ses sœurs. Ladite sœur s’est avérée isolée et acariâtre. Elle est morte depuis. Mais Pia, elle l’avait décidé, elle est restée là-bas, dans cette campagne bretonne, seule au milieu des vaches.

Pia traîne des cailloux derrière elle. Elle a jamais voulu vendre sa maison anglaise. Espérant sans cesse que le brin refasse surface. Elle a jamais su pourquoi elle était partie. Partie où ? La tantine a laissé entendre qu’elle serait partie aux États-Unis ou au Canada. Va savoir. Loin là-bas en tout cas, sur l’autre continent.

Pia n’a peut-être jamais voulu entendre pourquoi elle avait disparue du jour au lendemain. Pourquoi elle n’avait jamais plus eu de nouvelles de sa fille. Même pas un « je vais bien ».

Pia a maintenant 85 ans. Elle parle de son chat, de ses voisins trop curieux, trop envahissants, des prolos, des agriculteurs épandant les toxiques malgré tout, des vieux qui s’ennuient, des vieux qui ne bougent plus, qui ne savent pas vivre seuls, ou qui vivent pour se plaindre. De ses copines anglaises avec qui elle rigole. Ressasse les mêmes mots la Pia. Qu’elle est bien seule.

Codicille : construire un personnage secondaire sans affect, dans sa complexité humaine. Un secret de famille. Des échos de la vidéo de la #13 en chorale « le fait que » de perso secondaires à la Hélène Bessette. Fragments d’échos reconstituant une compréhension de l’histoire, une narration, vraie ou fausse, who knows ?

14. Traverse


proposition de départ

Tout est allé très vite. Trop. Le poison est entré. De phlyctènes humides en écumes cataractantes. Un film de quelques secondes. Chambre 327. J’attends là depuis quelques secondes. Je me suis vidée d’amour. Je n’ai pas eu le temps. Te toucher. Te serrer tout contre. Sentir ta peau, ton grain. T’entendre crier. Te dire que. Le silence a tout envahit. Et pourtant. Il ne se passe pas une minute sans que je regrette tout ce qui s’est passé.

J’attends depuis longtemps. J’attends depuis 15 ans. Traînant cette douleur lancinante. J’erre dans les rues lointaines le ventre creux. J’en trace les contours de mon ultime et éternel jour.

Le temps se fond en une lente chute et graduelle journée opalescente durant laquelle je m’évertue à te chercher. Je ne fais que marcher, marcher, marcher. Je tangue, je vacille, je m’écroule, et me relève. Et ce silence assourdissant. Un vide, une oppression tenace et pesante qui produit ce bruit fracturé si obsédant, dedans ma tête, bourdonnement dedans, bourdonne. Je me sens comme une étrangère perdue dans cette paranoïa futuriste. Un film muet où je serais le seul personnage. La superbe recouvrant l’insensé. L’animal acculé au suicide. Je parle, je crie, j’appelle en vain. A la recherche du moindre son, un quelconque signe qui prouverait ton existence. Mais rien. Juste le temps qui siffle en pluie finement poudrée perçant les pores de ma chair disparue.

L’espace a tissé sa toison étincelante, l’air invisible s’avère palpable, une matière, nitescence fluide que je peux étreindre à pleins métacarpes. Une envoûtante dimension se propage. Et il me semble que. Ah te voilà enfin. Un transfuge radieux illumine ma figure presque effacée. Je peux presque effleurer les traits de ta chevelure. Des vagueries, décompter les fils, rêches raclures filoches de mon pull ou de ma tête, couperets déments, fleurs apprêtées, revêches. Je ne sais plus. Cela fait combien d’heures que je t’observe, feuillage extraordinaire, combien de jours que je tresse ta couenne translucide, que je converse avec toi, continuum diaphane ? Quel jour sommes-nous ? Le jour résiste au temps. Aucune accalmie. J’ouvre les yeux, il fait jour. Je ferme les yeux, le jour. Je me réveille, le jour, encore et toujours ce putain de jour. Le temps n’est que jour. Durer n’est que jour. Combien de jours ? Le temps ici me ruine et résonne en éclats de gemme.

Te toucher. Me dirigeant, je m’aperçois qu’on m’a volé quelques phalanges

Codicille : j’avais envie d’écrire sur la perte. Elle est venue en écoutant Ghosteen de Nick Cave. Je ne sais si elle est morte, si c’est un fantôme, et dans ma tête, c’est aussi cette femme à la fétuque grise du 1er jour, du 1er texte sur l’omniscience. Ou si elle ne distingue plus la fiction de la réalité. A suivre.

13. Ouvrir


proposition de départ

Le fait que tout le monde pète les plombs enfermé entre quatre murs quand il fait si beau dehors moyen beau chez soi plutôt sombre plutôt vide plutôt rouge sang aussi pendant que les plantes croissent que les animaux reprennent leur place que nous nous sommes astreints à leur limiter vu et entendu sur les réseaux sociaux à la télé à la radio par la fenêtre ouverte que les oiseaux chantaient le drame qui nous affligeaient nous. Le fait que les vautours vivent en groupe tu le savais ? Le fait que quand tout s’arrête la vie reprend son cours elle continue ailleurs autrement elle a même une odeur la bonne odeur de l’air pur sans ces gaz d’échappement sans ce brouhaha quotidien des voitures vrombissantes de la ville. Le fait même que les insectes cultivent l’art de la joie et c’est pas la sapienza qui dira le contraire. Le fait. Le fait que mon cerveau pense trop de choses en simultané m’étourdit un peu du mal à me suivre du tac au tac les choses à faire les choses à penser quoi choisir en premier lister tout ce à quoi je pense ou essayer de les retenir et voir celles qui sont primordiales et que je n’oublierai pas une sorte de tri naturel par sédimentation. Pourquoi pas. D’autres idées ? J’en ai des feuilles remplies de mots. Il paraît que les mots sont des fenêtres. Alors le mieux c’est de me poser pour les ouvrir. Mon cul assis sur la chaise je vais l’ouvrir je pense. Ouvrir ma gueule. Ouvrir les mots. Des mois que j’y pense. Mais le fait est que j’aime pas penser sans agir. D’ailleurs est-ce vraiment possible ? Le fait est que je peux tourner en rond facilement comme ça. Penser quoi faire. Le fait est qu’il y a souvent trop de choses à penser, trop de choses à faire. Trier. Trouver un procédé relatif aux moyens utilisés. Et souvent, l’objectif fixé n’est pas celui qu’on attendait. Alors on recommence ou on laisse faire et puis on voit. Le fait est que les couches se déposent de manière anarchique, on peut le penser, mais peut-être qu’il y a un ordre qui te dépasse toi et qui se fait. La nature. Laisse la nature faire comme dirait l’autre. Le fait est que ce sentiment d’être dépassée est souvent violent aussi. Le fait est que je suis face à la nature et qu’elle me dépasse tant. Le fait qu’elle porte sur elle la vétusté avec panache grains du temps disséminés s’effilochant comme la laine de son pull, le fait qu’elle se déplace droite comme un roc, cette verticalité des êtres d’exception dans leur mouvement, cette folie traversante des paroles, des rires, ou du silence, le fait qu’elle soit femme, le fait qu’elle se déplace de manière incongrue, inhomogène, brutale ou tout en harmonie, légèreté et fluidité, le fait qu’elle est la peau brunie par le soleil, par la sagesse, par le temps, la poussière redevient poussière, la peau étoilée des êtres surnaturels, la présence d’un instant, et cette douce douce folie qui transpercent le regard. Le fait qu’elle m’est percutée comme ça dans l’iris. Tout naturellement. Le fait de se lever prendre sa douche aller chercher le pain partir travailler manger boire faire du sport ou pas. Jardiner. Écrire. Danser. Danser encore. Le fait qu’il y a de la légèreté dans le lourdingue. Du lourd dans la légère brise du matin des embruns du passé. Le fait que tout recommence. Le fait que j’ai envie de danser. Nager dans tes eaux. Encore.

Codicille : contrainte « le fait que ». simultanéité. le corps récepteur. mer de mots. l’intérieur est plus vaste que l’extérieur.

12. Aspic


proposition de départ

Dernier magma sorti de sa bouche ses lèvres asséchées sa bouche entrouverte un trou béant dans lequel on tombe pendant que nos mains s’accrochent aux parois s’écorchent rouge à sa gorge glissent le long du tissu œsophagien étendu plongent dans son acidité verdâtre les joues balancées contre les murs râpeux visqueux au gré des hurlements la chair qui s’effrite le ventre qui se dilate se distend en voie lactée clinquant d’un bruit fracturé par le glas d’une filante

Ses mains apposées sur sa plus belle robe le visage émacié penché dans la lumière froide accentuant l’absence des gestes flétrie la rapace.

Les ongles peints d’un vernis rosé rehausse la pâleur de l’ensemble ces ongles enfoncés si souvent dans nos chairs la même couleur aux lèvres annonçant la bienséance la bien-pensance la bienveillance craque vernis sur les actes vernis sur les mots vernis de ta peau rose démodé rose passé vieux rose enflé enflure

Sous les paupières closes plus de mouvement oculaire malgré tout émane une perçante qui me traverse reflux d’une sensation amère pousse régresse rejet je m’efface encore touchée alors que les sourcils la bouche le visage entier si finement redessinés les membres les mains les doigts graciles présente une femme élégante délicate et raffinée apprêtée pour sa plus belle occasion.

Codicille : choix d’une confrontation à corps immobile d’un.e autre : fiction d’une morte sur une table. Je crois avoir perdu l’énonciation du corps car exposé par le narrateur…aïe… Bon sinon, j’ai pensé bizarrement à Noeud de vipères de F. Mauriac. Bon bah voilà, c’est dit. D’où le titre.

11. Ubique


proposition de départ

On peut penser qu’il y a un temps de préparation. On ne sait pas ce qui est en train d’être préparé. Si on observe rapidement, on peut penser qu’il n’y a pas d’intention. Pas de qualité particulière, et puis. Il n’en fut rien. Approchez. Juste un peu plus. Contemplez ce silence. Son espace, sa profondeur et ce flou fibreux, ce trouble, presque son odeur. Rôde l’imminence du toucher déliquescent. Tout en elle est à l’écoute. En contact. L’immobilité comme un premier mouvement. Il n’y a pas à séparer l’acte et soi. Ne faisons pas de détours. On ne peut pas être sans lien à ce qui est entre. S’aventurer dans l’action de rendre réelle la métamorphose. L’une avec l’autre. L’une contre l’autre. Amorcer sa virtuosité dans le doigté pour s’ouvrir se fermer, affleurer l’enveloppe, frôler les membres, s’appuyer frotter frictionner gratter courir le long accélérer ralentir se désynchroniser ou s’harmoniser et, y rester un temps, puis, contraindre, écorcher, insister répéter se rapprocher serrer palper pétrir pressuriser assiéger jusqu’à étrangler ou s’éloigner survoler. Elles glissent le long, au bord, elles dessinent longuement en direction des jambes, des coudes, effleurent les épaules pour s’y accrocher. S’étreignent. Amènent tout le tronc d’un côté. Sortent du plan. Spirale haute. Le triangle que forment les bras avec la ceinture scapulaire allongent un échange de chaleur. S’étendent à nouveau, quittent la peau et se rattrapent. D’un coup. Assonance. Elles explorent et taillent les bordures. Le cours des périphéries ratissent la nuque du bas vers le haut ou tombent au front pour s’ouvrir à la racine, tête empaumée, les nervures ensevelies dans le feuillage noir. Éclate la veille soudaine du soin extrême au fol espoir à te donner tout mon élan vital. Palpitants. Glace. Pâle figure qui disparut alors qu’elle frappe. Nous caressons la possibilité d’une fiction que déjà une autre presse le présent et s’ouvre. Sur le point de refléter notre subjectivité, notre humanité. L’extraordinaire langage du corps. Il nous saisit là, directement. Les artères battantes cognent notre aisselle et nous embarque vers d’autres rives où résonne le spectre de ces parleuses. Là où converge l’histoire de nos chairs, de nos entrailles entremêlées. L’infini dans soi. L’infini dans l’autre.

Juste elles ne diront pas leur nom.

9. L’appel


D’argent au lion de gueules armé et lampassé d’or. Sautillant. Sautant. Derrière ces trois béances. Fovea sur les rivages à découvert. Les reflets chromatiques influent oscillent sur les arêtes montantes et inondent les hauteurs de l’enceinte de toute vibration. Soudain, l’appel d’une disparition envahissante. Ascensionnelle.

De l’enceinte, rien à signaler. Tout est calme. Poste d’observation sur les environs. Pratique. Au dessus de l’âtre, de vagues armoiries anciennes instaurait autorité. Une ruine. Reste ce fascinant escalier en colimaçon à double sens. Et ce passage dissimulé dans la roche qui rallie l’extérieur.

De la salle, trois arches ouvrent le regard sur les bras sablonneux s’étirant jusqu’à la mer, lointains rivages. Une respiration haute court le long des arcades qui convergent plus haut encore vers la voûte. L’escalier en torsade s’enroule autour de lui-même. L’illusion des deux entrées à une seule rampe. Vertigineux.

Codicille : choix du texte qui m’est le plus lointain, puis recherche comment chaque personnage pourrait « voir » le même endroit en fonction de ce qui le préoccupe + resserrer, ne pas trop en dire, garder cette porosité, La promenade au phare de Virginia Woolf, Je te regarde d’Alexandra Badea, Gabrielle Wittkop + Les oiseaux & Fenêtre sur cour d’Hitchcock.

8. l’appel


intérieur

La liberté est dans la rue. Punchline d’une affiche contestataire de mai 1968 dans un coin de la pièce. De nombreuses lithographies publicitaires d’art contemporain. Les artistes témoins de leur temps. Une grande bibliothèque emplie de livres, beaucoup d’américain.es, la plupart contemporain.es. Des trente-trois tours. Du jazz. Pas seulement. Dans les couloirs immenses, des estampes du 19è siècle. Arrière-plan. De derrière le jardin.

Des contours informes mouvants. Les ondes colorées filtrent à travers les persiennes. Par le volet entrouvert, les paysages imaginaires diffus se dessinent sur le mur. Piqué. A moins que l’extérieur rencontre l’intérieur, ou l’inverse, ce qui est possible aussi. De la porosité. A quel endroit exactement ? A un moment donné, en tous cas, le flou fut là. Et ça, c’est sûr. Parce qu’au début l’intérieur pouvait être l’intime, voire à l’intérieur du corps, et d’ailleurs, c’était une première pensée. Et puis, l’extérieur, ce qui environne. A proximité comme au lointain. Diverses échelles existent. A l’inverse, le lointain pourra être intime, comme un souvenir lointain, et donc évalué comme intérieur, car surgissant de la mémoire alors que le lointain méconnu ou l’inconnu sera dévoilé plus tard et cela, bien qu’il prenne racine assez tôt mais ça, c’est une autre histoire.

De l’aula, une vue imprenable à travers trois grandes baies. Pour accéder aux niveaux supérieurs, des hautes arcades à la voûte d’arêtes, un escalier à double hélice fut inséré marquant ainsi le passage à un espace sacré ouvert dans la muraille. Possibilité de se voir. Jamais de se croiser.

L’horizon houleux. Les tables sont dressées, ajustées. Les colonnes grecques s’érigent aux quatre coins. Autour, des petits salons aux tables de jeux, aux canapés et fauteuils en forme corbeille, surplombent les hautes fresques. L’histoire des constellations tapissent les cloisons de toutes leurs superbes. Un magnifique dôme en verre vient s’appuyer sur l’architecture en fer forgé. Il suffit de lever les yeux pour perdre pied.

extérieur

La piste commence là. Et s’enfonce profondément dans l’enfilade resserrée de saillies, sommités florales et autres arborescences bruissantes. Les mélèzes frissonnent sous les intempéries. Plus loin. Plus sombre. La concurrence de l’abondance. Terre étalonnée aux méats acides. L’odeur humide d’une multitude de jeunes plantes. Continuer jusqu’à la rivière en contrebas. Le temps ici se ruine et résonne en éclats dans la gemme. De petits grains colorés forment son lit. Litanie. Mais déjà la nuit se retire de ses flans verdoyants. La piste s’élève brusquement sur de grandes roches aux reflets des ravines qui s’agrandissent et s’étendent de plus en plus jusqu’à disparaître sous l’ivraie rayonnante. De l’autre côté il y a des jours qui naissent. Le bleu durci des lacs gronde ou est-ce l’orage qui vient gémir son souffle rance ?

Prendre le chemin de ronde. Passer sous un clocher-porche. Se profile la courtine flanquée de deux tours. Merlon percé par une archère. Autour de laquelle une enceinte épouse la forme d’un rocher. La puissance menaçante, le rocher domine l’estuaire du Payré et un important port, le plus grand entre Nantes et Bordeaux. Bordé par la Sauvagère et le Payré, il est totalement isolé deux fois par jour lors des marées hautes. La mer vient en lécher le pied.

Des jetées rectilignes qui se prolongent par deux phares sur ma gauche et par la ligne courbe des quais de la ville à ma droite. Et cette immense tache bleu-noir indélébile qui envahit et absorbe la silhouette céladon du cargo. Contraste net avec l’architecture cristalline des docks. Tonne. Diffracte les sons.

Le versatile pend de l’office au passage du passage à l’alcôve. Tapi dans l’ombre, le jeune Acer envoûte par ses rêveries découpées. Sous ses palmes marginées de sang, le désespoir du peintre se terre. Vaporeux. De sa profondeur marbrée de pourpre aux hampes fines gouttelant d’une multitude de clochettes blanc rosé qui timbrent au gré du vent. L’orient déjà, des épis neigeux formant touffe élégante et douce, le nuage s’agitant. Ensuite viennent les savoureuses aromatiques assaisonnant les chairs puis les rampantes, les folia en cœur, en pois. Voyez plutôt. Maintenant Aphis pique et suce les jeunes à l’ombilic, corollaire de l’éphémère. Plus loin, Rospico et son air méditerranéen somnole. Le duveteux de ses bras chatoyant. La gracile Gaura se manifeste. Pas si sensible, pas si généreuse, étonnamment. Attendre les premières étoilées. Patience encensée. Suintante. Une délicieuse odeur suave grimpe sur le mur et plus haut. Ether gagnant le jardin du dessus.

PS : Fragmentation, 4 textes extérieurs qui répondent aux 4 textes intérieurs mais pas dans l’ordre, décors, appel à la fiction, scènes, ruines, abandon, porosité, mélange des époques

7. peaux


Elle s’est blottie tout contre. Tout ce qui lui reste. Tout contre le temps qui passe. Elle le laisse s’égréner. Sans regret. Elle plonge les doigts dedans. Dedans chaque grain action qui se réalise, chaque agrume sensation la rapproche du point de non retour autant qu’il l’éloigne. Avant sera absence. Un chemin effacé, une île lointaine. De vagueries, décompter les fils en rêches raclures filoches, couperets déments, fleurs apprêtées, revêches. Elle naquit à l’angle. Au triage. Depuis, elle file à contre-courant. Vagabondant. Elle saisit l’élan vital. Et toutes les forces en présence. La légèreté du trait ainsi que la gravité de ce qu’elle porte malgré elle. Une gerbe de plumes en en-tête. Et cet espace vide qu’elle traîne derrière elle. Isadora. Fruit d’art brusque et sauvage. Elle dort dans une remise, mange peu, travaille en recluse pour trouver sa vraisemblance. Elle joue avec toutes sortes de matériaux, des ailes de papillon, du carton au corps, des objets trouvés au langage sans aucune limite. L’innommable barbare. Ces matières négligées ou jetées se voient offrir une seconde vie. Les trouver est une véritable chasse au trésor. Joie de l’aventure. Elle explore. Elle cherche l’intérieur dans l’extérieur, l’extérieur dans l’intérieur. Elle sculpte matière éphémère. De cette danse émerge de drôles de paysages. Tour à tour, sensuel, agave, fragile, coloré, reflets nacrés ou poussières. S’agit-il de vestiges d’un autre monde, d’un autre temps ? D’un champ de ruines ? L’objectif ne l’intéresse pas. Elle joue avec les possibilités du moment. Rester dans l’instant. Son visage sans expression, son apparence négligée et pourtant une force de tout son être, une présence soudaine, à la houppe, qui se dissout sous nos yeux. Elle ne veut pas plaire et après, ça n’a plus d’importance. Après ne sera plus. On pourra dire d’elle ce qu’on veut. Des mots en vol envolés volés. Ca et là. Dans la rue. Elle, elle aime la fragilité des choses, le presque rien, l’inutilisable car c’est peut-être quand elle est sur le point de perdre la chose qu’elle s’illumine. Elle assemble ses souvenirs en morceaux, les combine, les superpose, intègre des fragments, découpe à nouveau et recrée le théâtre de sa mémoire en fond totalement bigarré. Labyrinthique. Elle aime ce télescopage qu’elle compare aux pensées qui jaillissent dans nos têtes et sautent du coq à l’âne. Elle creuse l’écorce et découvre une nouvelle trace qu’elle suit, nuée en fuite, y grave la dureté des ronces et invente ses gestes en précipité, d’une anxiété inséparable de l’état d’humanité.

PS : Passé simple=tension du présent, opposer passé simple au présent (repérage de contenu), distension non chronologique sur biographie d’un perso que l’on connaît très peu, illusion du perso, comment vous vous y êtes pris, à quoi ça vous fait penser (livres, films)

6. sphénisciformes


Vitalia voudrait échapper au continuum. Eviter la routine, l’étouffement, la mort. Repartir de zéro. Avant le mythe de Babel. Et en fait, ce qui est extraordinaire, ce qui est cadavériquement exquis c’est de pouvoir faire des boutures, c’est-à-dire des autres "soi". Des pseudonymes avatars. Pour produire quelque chose à partir d’un même matériau. Des plaines de langages synchrones. Alors elle décide de les regarder pousser et entrer en concurrence ou en symbiose. Mater se pose comme la plus grande conservatrice du monde. Elle a vécu, s’expose, est publiée très régulièrement et diffusée largement. La petite mère de toutes et tous. Elle dévore tout. Un véritable esprit encyclopédique. Intellectuelle, artistique et scientifique. Elle valorise plus de 15 millions d’iconographies de types très variés. Des millions de livres, de revues, mais aussi de manuscrits, monnaies, médailles, titres d’œuvres lyriques, cinématographiques, marques publicitaires, documents sonores, vidéos, multimédias, décors, costumes etc. Elle gloutonne. N’en finit pas d’absorber de la nourriture. Elle est énorme. De son côté, la dynamique Merka réorganise la politique de création artistique en recherchant le consensus entre culture et divertissement, elle s’impose démocratique, plutôt qu’élitiste. Pour un public plus large. Elle voit loin. C’était sans compter sur Virgus, particule microscopique qui infeste l’être humain. Elle se présente sur nos mains, sur les poignées de porte. Dans le verbe. L’émau. Elle dissémine par voie aérienne orale salivaire par contact elle transite elle parasite c’est sa nature elle germe elle mitose elle homosapienphage. Elle se dilue silencieusement. Elle disparait en omniprésence. Elle infecte aussi objets inertes animaux et végétaux selon l’occasion. Elle change de l’un à l’autre. Mutante. Elle se propage de mosaïque vérolée isolée via usines virales en fléau elle sève toxines lytiques transmissibles à ses réplicants. Elle s’invente elle se transforme elle se métamorphose elle se déplace elle voyage elle se ré-invente elle épidémise. Elle diversifie sa gamme exponentielle complexe et amène de nouvelles fonctions langagières. Par dessus l’épaule, Morgua prend par surprise. Elle attire. Plâne au-delà de nos respirations. Elle danse dans l’obscurité. Jour après jour, elle suit nos mouvements. De nos coeurs, ralentit les battements. Choie les nuances méditerrannéennes. A son tour, elle se dit que les beaux jours finissent toujours par arriver. Pendant ce temps, Smog bourdonne que les chiffres sont mauvais le chômage est malade pas de fatalisme l’heure est à l’action. Et c’est la responsabilité de tous. Elle se félicite d’ailleurs de la mobilisation de la majorité et de l’esprit de responsabilité qui s’impose à tous, le pacte de responsabilité et de solidarité libère des marges pour les entreprises pour investir et embaucher. Il n’est plus possible d’attendre. Chacun doit pleinement s’engager. Hors du consensus, point de salut. Et elle compte sur les entreprises, avec la baisse du coût de travail, avec la baisse de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Sur 3 ans elle précisera la fiscalité. Les entreprises, aujourd’hui, vont avoir les moyens d’investir et de créer de l’emploi. Parce que c’est le potentiel de croissance de notre pays qui doit se libérer pour que la confiance revienne et vers elle l’activité de l’emploi. Et nous devons libérer ce qui entrave rassemblons-nous dialoguons ensemble et nous venons d’en faire la démonstration l’heure est à l’action, il n’est plus possible d’attendre, chacun doit donner quelques jours de travail pour muscler l’économie, les entreprises vont créer de la croissance, s’engager c’est faire le choix du coeur libérer l’esprit, le chômage s’impose pour chacun et nous ne pouvons que déplorer les fractures sociales elle compte sur la baisse des tempêtes monétaires et notamment aujourd’hui elle dit croire en la dérèglementation de l’emploi avec les moyens de restructuration c’est la responsabilité dans cette situation pleinement de solidarité qui pèse vers l’action et c’est une pure logique économique... Smooghie smoog relayé par Actinga. Elle exagère les intonations marquées, articule de manière excessive. Elle ponctue par fantaisie ou liasse des phrases en suspens, crée quelques reprises par souffle artificiel, module l’angoisse. Sa voix est grave, son rythme hâché, sa respiration saccadée et elle scande les mots comme s’ils portaient en eux toute la misère du monde. A croire qu’elle parle toujours de catastrophes. Et c’est vrai. Nous venons de traverser un séisme. Et ce n’est pas terminé. Ce n’était que le premier épisode. Elle attend les rechutes avec avidité. Elle rajoute une densité dans son scénario ordinaire. Une gravité. Des saynètes tragiques. Sème une opacité informe de mots et, sans émotion aucune, elle passe froidement d’une chose à une autre. Pas de lien entre les sujets. Des formules toutes faites s’insinuent. C’est comme si elle n’y prêtait plus attention. Digit nécoute pas. Elle a été piratée. Impossible de dire s’exprimer poster faire suivre quoi que ce soit. Entravée dans ses déplacements. Elle se sent impuissante, pire, inexistante. Elle attend toujours que son opérateur fasse quelque chose d’autre que rien, malgré ses demandes réitérées. Pour le moment son tél, sa carte de payement et ses autres adresses fonctionnent. Faites gaffe, les amis. 11 Like Show more reactions Comment Share Malgré ce bouleversement, Styla continue, quant à elle, à traîner dans les rues, dans les bouches et siffle mots. Elle pointe son irrévérence. Elle nous respire. Elle ne se targue pas d’être moderne, contemporaine, toute puissante, érotisée, dans la séduction, volontairement provocatrice, connectée, twittée, justifiée, introduite, adulée, communiquée. Elle traîne entre les choses entre les êtres entre les mots entre les sons. Elle navigue entre les marchandises les asservissements le sensationnel les déchets. Elle a rencontré Migran un soir. Une nuit. Riche d’échanges. Il avait faim. Elle lui a acheté à manger. La reconnaissance illuminant son visage, son sourire franc dévoilant deux larges rangées de dents. Ils ont parlé de tout. De rien. Et se sont quittés comme ils se sont rencontrés. Une occurence. Migran est passé par là. Une aventure sans fin. Jamais sans espoir. Traverser les frontières. Puis habiter le campement. Provisoirement. Camper. Du provisoire définitivement. Au petit matin, en rentrant au campement, il a aperçu quelque chose sur les bords de Seine. Il a pris son courage à deux mains et tiré avec précaution le corps de l’eau. Du plastique dans la bouche. Il lui a fermé les yeux et recouvert le corps de son gilet. Et puis, il est parti. Echouée en bord de Seine, la gigantesque décharge flotte en elle. Vortex. Elle s’empêtre dans des cordes et filets. Emprisonnée. Le tout jetable au dedans d’elle. Sirena a échoué en Seine. C’est alors que Koral prend à nouveau place suivi de son aura. Déferlante. Vous savez le bruit que ça fait ? Aigü ? Etouffé. Ils ont tout entendu. Savez-vous comment ça s’est produit ? On ne sait pas comment. Comment ne pourrait-on pas savoir... Personne ne peut dire avec exactitude. Eh bien non, personne ne sait comment c’est arrivé. Personne n’était là. Elle était seule. Sans témoin. Je ne sais pas pourquoi, je le pressentais. Je l’ai vu sur les réseaux sociaux. La vidéo piratée a été postée par je ne sais quel hasard. Non, ce n’est pas un hasard. C’est voulu. Mais qui ? L’enquête est en cours. Et pendant ce temps, la vidéo, elle, crée le buzz sur le net. Partagée des millions de fois. Une vidéo post-mortem ? Parce qu’elle est morte ? Tout le monde en parle. Il s’agit d’une inconnue parmi d’autres. Non, ce n’est pas une anonyme. Mais a-t-elle vraiment absorbé du plastique ? Oui dans un éclat de rire. Un rire surprenant. Énigmatique. Elle riait ou elle criait ? Pourquoi y a-t-il une enquête ? Vous l’avez vu ? 29kg retrouvé dans son abdomen. C’est étrange. C’est forcément un suicide. Il faut bien vouloir mourir pour avaler 29 kilos de plastique.

Codicille : essai fictionnel très flou et fou et si les noms, prénoms étaient des pseudonymes de la langue vivante comme divers personnages ? Les noms sont donc des contractions de mots choisis pour chaque langue que je suis venue renommer par la suite.

5. façons de


1

Elle s’assoit face à la fenêtre, sur le côté du long canapé gris taupe. Le visage dégagé d’une natte disparaissant à l’arrière du crâne. La tête vaguement inclinée. Un pull au col largement ouvert. Le dos arrondi, les jambes croisées, les mains serrées qu’elle frotte l’une contre l’autre énergiquement et repose sur ses cuisses. Le regard oscillant dans l’air. Cherchant. Fuyant ? Puis se gratte l’aile du nez à gauche à l’aide de sa main droite. Machinalement. Sa griffe droite sur son poignet retombant. Poignet enserré. Avant-bras gauche roulant dans griffe. Éloignement ouverture croisement paumes retour ensembles l’une sur l’autre. Regarde droit devant. Rapace.

2

Elle s’assoit face à la fenêtre, cadrée par 2 lignes de fuite qui la jette quelque part au dehors dans l’épaisseur des voix des passants. Un fourmillement de baigneurs, de tentes et de parasols, des pêcheurs au haveneau et des promeneurs sous leur parapluie. Se faufiler sur le fil. Elle va. Contemple observe. Explore. Inspecte. Décortique cette toile. Au premier plan, une plage fauve peinte à marée haute, ou bien peut-être est-ce à marée basse ? Le vent se lève. Les harmattans caresse les auvents. Et voilà qu’elle foule ce sable, s’égrène dans ces méandres. Elle saute à pieds joints parmi les couleurs vives délimitées arbitrairement. De là, elle chemine jusqu’aux pulpes décoratives minutieusement dessinés d’un juste trait et converse sous les voiles.

3

Elle s’assoit face à la fenêtre. Ne regrette rien.

4

Elle s’assoit face à la fenêtre. Elle choisit toujours avec grande précision sa place dans le restaurant. Seule, elle aime regarder les gens, leur inventer des vies, ce qu’ils font avant, ce qu’ils font après cet instant précis où elle les aperçoit dans le cadre. Leur marche, leur façon de. La vitesse. Leur rythme. Sur sa chaise, elle les imite. L’engagement de parties ou de l’ensemble du corps ou pas. Elle inhale leurs traits de visage, respire le tanin grain de peau, s’abreuve de leurs petits gestes. Avale diversité des êtres et des comportements. Aspire humanité.

5

Elle s’assoit face à la fenêtre et boit un verre de vin d’une traite. Une journée pleine à brûler. Sensations dans sa chair. Feu qui lui dévore les veines. Cette nuit, elle a volé plané au-dessus de la montagne remontant les vallées jusqu’aux étendues enneigées. Elle arrive à hauteur d’un appartement de station de sport d’hiver. Elle enjambe le balcon et traverse les buées les vitres attirée par la chaleur amicale l’odeur des patates chaudes du fromage aigre des discussions enlevées et rires de ses ami(e)s. Toujours ce moteur tournoyant dehors. Autour de la tour. Soudain, quelque chose a pris feu dans l’air et chute le long du bâtiment. Elle se dirige à la cuisine pour aller chercher de l’eau. Le feu a surgi par le robinet. L’eau s’est enflammée. Le feu. Elle a mis le feu. Le feu s’est propagé. La flamme dans ses yeux. Feu. Le feu attisé dans ses veines. Le feu. Elle brûle encore

6

Elle s’assoit face à la fenêtre et écoute. Cet artiste est très en vue. On le voit partout. Il est BANKABLE comme on dit. C’est pas Monsieur tout le monde qui vaut son pesant d’or. Il paraît que cette oeuvre a déjà été achetée près d’un million d’euros. C’est immoral. Ce n’est pas tant l’effet, et/ou l’objet, mais c’est aussi un processus de création. Y’a de la technique et surtout beaucoup BEAUCOUP de génie. Moi je trouve ça troublant. On a presque envie de toucher. Il faut quand même que l’oeuvre soit esthétique, sinon... Le rôle d’un artiste c’est aussi de donner des images à des choses qui n’en ont pas. De là à dire que c’est beau ou que c’est de l’art y’a un gouffre. L’artiste est plus connu pour ses frasques, son image sulfureuse. Son nom, c’est sa marque de fabrique. L’art, c’est subversif. Ce qui est subversif c’est de l’Art. Forcément. Le critère pour moi c’est l’émotion que ça me procure. Y’a quelque chose qui se passe au 2nd degré, hein ? Il y a souvent divers niveaux de compréhension. Une interrogation, un questionnement. Au 3ème ?

7

Elle s’assoit face à la fenêtre et sort un DVD intitulé “Ramasser un objet lourd” qu’elle vient d’acheter vantant les bons gestes pour préserver le dos. Elle lit. Trois étapes nécessaires. Premièrement : faire un pas en avant. Positionnez-vous à 50cm de l’objet. Faîtes un grand pas vers l’avant et placez votre pied à 10cm de l’objet. Relevez le talon de la jambe arrière et répartissez le poids de votre corps sur les deux jambes. Veillez à respecter l’écart des deux jambes d’au moins la largeur du bassin pour assurer un meilleur équilibre. Deuxièmement : fléchir les jambes. Venez chercher l’objet en pliant les jambes et en prenant appui avec votre main sur la jambe située à l’avant. Ne penchez pas le dos en avant et maintenez-le droit à la verticale pour le préserver de toute tension. Pour celà contractez vos abdominaux et serrez les fessiers à la descente. Troisièmement : remonter l’objet. Ramassez l’objet avec la main libre et puis relevez-vous en prenant appui avec votre main sur la jambe avant. Afin de protéger votre dos et éviter les chutes en ramassant un objet léger, pensez toujours à faire un pas en avant, avant de fléchir les jambes. A vous de jouer ! Elle imagine une vingtaine d’hommes et de femmes seniors regroupés autour d’elle partant à la recherche des objets les plus lourds qu’ils trouvent sous la main dans un supermarché et mettant en scène la manière dont ils pourraient les soulever à tour de rôle devant elle. Et c’est la course à celle ou celui qui trouvera l’objet le plus lourd. Des packs d’eau. Des appareils ménagers. Des caisses de maintenance. Remplies. Des chariots. Rêve qu’une supermamie lui divulgue son secret : continuer à arroser toutes les fleurs de son jardin, l’arrosoir d’une main, tout en levant les poids de l’autre. Elle se lève et la suit. Et merde. Une pluie torrentielle.

8

Elle s’assoit face à la fenêtre. Le temps rythme ses jours ses jours flairés ses jours individuels ses jours de rien ses jours de flemme ses jours d’ennui ses jours de passe. Ecrire. Pourquoi pas. Une nouvelle ? Une passe épicée. Un peu de nouveau au roman ? Du piment à consommer. Elle s’y essaie. Une tentative. Un essai potable jusqu’à ce que. Il lui pousse une boursouflure comme promontoire à ce qui vient. Jusqu’à ce que. Fungique. Le temps chique ses jours.

9

Elle s’assoit face à la fenêtre. Elle imagine sa rentrée. L’odyssée 2020. Direct le grand feu. Une vraie révolution. Le mini kif. Une suspension toute l’année. Souriez. Le bonheur vous va si bien. Va y’avoir du sport. En illimité. Même après minuit. Pour une collaboration inédite. Craquez. Nous baissons les prix pour votre santé. La vraie vie. Nous aimons nous participons. Savourez l’instant. Nous sommes l’entraide le partage l’envie. Au signal téléchargez l’appli. Remboursez vos courses. Place aux nouveautés. Attentifs ensemble. A ce qui change. Laissez-vous griser. Le bon plan du jour. FIN de la PLAGE PUBLICITAIRE.

10

Elle s’assoit face à la fenêtre. Attaque in fact us en fait un fait Fa in us Fract i-fract diffracté impacté acté En fa un phare une force tue sans fard Une farce éparse Effaré Rictus en sus en plaque infâme infini Tracs en flaque Seins arqués parqués Et patatatrac Arc infra usé Crack. Et craque .

Codicille : petit jeu de répétition en cherchant des variations, « Un jour sans fin » de Harold Ramis, « Je voudrais pas crever » Boris Vian.

3. départ


version longue

Blême, il s’est réveillé en sursaut. Il allume une cigarette qu’il consume au lit. Il attrape l’enveloppe, jette un coup d’œil aux photographies. Tant de prières reposent au creux de ses bras. Aujourd’hui arrive trop vite. Envie de toucher sa peau, ses fraîches cicatrices dans le dos. Aujourd’hui signifie être seul. Entre l’obscurité et l’aube, il meurt encore un peu plus. Un murmure tourne lentement en un cri sourd, ténu. Dans chaque apnée. Dans chaque respiration qu’il prend. Certains jours n’ont pas de début et certains jours n’ont pas de fin. Certaines routes sont droites et étroites. Et certaines routes ne plient. Au-dessus de l’autel, il s’agenouille. Si vous entendiez les mots qu’il dérive intérieurement. Juste un remède temporaire. Dans ses veines coule un autre monde. Tout ce qui reste est en cours d’exécution. On ne peut faire demi-tour. Il marche dans la lumière. Juste un moment de silence. Il en a besoin. Il lui suffit de fermer les yeux pour que le monde disparaisse.

Mais déjà le matin étend ses ailes alors que la lune pend dans le ciel. ça le rend nerveux. Il est le premier à y être arrivé. Toujours le dernier à repartir. Le dernier à faire son deuil. Le monde prend sa raclée quotidienne. Alors lui, il essaie de garder les choses en ordre. Tant que possible. Si difficile à faire. Une nouvelle rencontre bon marché. Encore perdu la tête. Des bras qui vous tiennent près sont les bras qui vous retiennent. Sa thérapie lui coûte cher. Maintenant, il est inévitablement pris entre deux feux. Ce qu’il ne peut pas laisser derrière lui et ce qu’il ne trouvera peut-être plus. Il touche ses lèvres du doigt. Son désir sombre brûle encore. Tant d’années silencieuses. La grande ville dévore. Les règles tacites de la solitude blessent sans laisser de trace.
Poussé hors du lit par la sonnerie du téléphone, il ne répond pas et s’active. Réveil en cavale. Un nouveau jour, une nouvelle chance de bien faire les choses. Si facile à dire. Une vie rêvée roule sur son visage. Il fouille dans la cuisine, se prépare un café serré. Inquiet, il parle au mur. Tout ce qu’il ne peut pas dire est tout ce qu’il a besoin d’entendre. Il se dit qu’il sont tombés en grâce, qu’ils ont manqué de destin en quelque sorte, qu’il peut fuir la maison mais pas sa douleur. Il reste assis seul à manger et se dit que, finalement, il y a toujours quelqu’un d’autre à blâmer. Oui, il a déjà tout entendu. Ne pas sous-estimer la complexité d’une vie simple. Et puis, ne pas penser, arrêter de penser, ne pas parler d’homicides pendant les moments inopportuns, il déjeune.

Il descend deux étages, appuie sur l’interrupteur, pousse une porte, deux portes, ouvre la grille. Un autre jour sans toi, mon ami. Il balaie l’horizon du regard, identifie les guetteurs devant la cité et autres camés venant chercher leurs doses. Il prend la 1ère à droite, marche 36 mètres le long du square, contourne puis reste debout une dizaine de minutes. Si difficile à faire. Si facile à dire. Il reprend son chemin. Monte dans le 83, puis le 27. Temps d’attente, 9minutes exactement, pendant lequel il fume une cigarette, deux cigarettes, l’une après l’autre, sans reprendre son souffle. Il regarde sa montre quatorze fois. Savoir combien de temps dure le trajet. En être sûr. Et puis vérifier. A la seconde près. Faire disparaître mes lendemains d’angoisses. S’éloigner. Se trouver près de la porte quand elle ouvrira, respirer l’air du dehors, plus frais. Vite. Et puis il continue tout droit, s’engouffre dans le souterrain, descend tous les niveaux et monte dans une trame. La main sur son colt. C’est fait. Tout est en ordre. 47 secondes. Les stations défilent. Il presse le pas dans la même direction et atteint la plateforme. C’est l’appel. Il halète.

version courte

Il descend deux étages, appuie sur l’interrupteur, pousse une porte, deux portes, ouvre la grille. Un autre jour sans toi, mon ami. Il balaie l’horizon du regard, identifie les guetteurs devant la cité et autres camés venant chercher leurs doses. Il prend la 1ère à droite, marche 36 mètres le long du square, contourne puis reste debout une dizaine de minutes. Si difficile à faire. Si facile à dire. Il reprend son chemin. Monte dans le 83, puis le 27. Temps d’attente, 9minutes exactement, pendant lequel il fume une cigarette, deux cigarettes, l’une après l’autre, sans reprendre son souffle. Il regarde sa montre quatorze fois. Savoir combien de temps dure le trajet. En être sûr. Et puis vérifier. A la seconde près. Faire disparaître mes lendemains d’angoisses. S’éloigner. Se trouver près de la porte quand elle ouvrira, respirer l’air du dehors, plus frais. Vite. Et puis il continue tout droit, s’engouffre dans le souterrain, descend tous les niveaux et monte dans une trame. La main sur son colt. C’est fait. Tout est en ordre. 47 secondes. Les stations défilent. Il presse le pas dans la même direction et atteint la plateforme. C’est l’appel. Il halète

PS : Quitter la ville, Début, Départ, Narrateur objectif, ne pas rentrer dans l’histoire, mode de relation aux autres, reprendre le même texte, le traiter comme un roman et comme une nouvelle, comment vous vous y êtes pris, à quoi ça vous fait penser (livres, films).

Version longue — structure roman qui ouvre, qui installe # version courte — nouvelle avec économie de ton, temps, distance aux personnages
Écriture de la version courte puis longue ou j’ai rajouté le contexte
Musique : Blues.

4. fugue


fugue#1

Le creux de sa main gauche retenue en dôme, l’auriculaire étalé comme pour bénéficier de la chaleur dégagée par son trop vieil ordinateur, les doigts légèrement apposés sur le clavier, elle touche souligne chaque lettre, joue, tapote, pianote sans consistance, glissant, maintenant son intention, revenant en arrière, effaçant un mot, des énoncés par moitié ou entiers. Elle se demande quoi écrire devant ce mur ocre qui lui fait face. A-t-elle quelque chose à dire et faut-il avoir quelque chose à dire pour prendre la parole d’ailleurs ? Ne peut-on pas prendre la parole, commencer à émettre du son tel un enfant qui ne sait rien, articuler quelques lettres informes élaborant des mots puis des phrases pour voir si cela a quelque sens sans pour autant être la proie de jugements extérieurs ? Ou peut-on en rire ensemble ? Si l’on veut donner du sens à ce que l’on dit, ne passe-t-on pas à côté du vrai sens ? Faut-il obligatoirement, d’ailleurs le verbe falloir dénote d’un certain ordre, d’une certaine règle à suivre, d’une normalité dont elle aimerait s’affranchir, alors énoncer un sujet intéressant, narrer une histoire captivante, elle inspire devant cette étendue à la recherche de ces mots qui ne viennent pas. Aucune matière ne se soumet à son entendement. Elle fait silence et attend, observe, prend le temps de son agréable continuum entre absences et futilités. Qu’il est doux d’être inconsistant. Partir de rien, du rien, de cette chaleur peut-être, de ce bruit infernal. Ce n’est pas bien déterminé. Rien n’est encore sûr. Et puis son regard longe la pierre, topaze, par un autre point de vue. Peut-être pénètre-t-elle cet espace, grené par endroit, éclatant, lisse, chair épaisse qui reflue sur ses contours à elle, là, assise, cambrée, comme au plus près de son intention d’écrire, la vibration sous ce talon de main maladroite, immobile, une attention vagabonde au dehors au dedans. Est-ce qu’elle se trouve à l’intérieur de cet espace ? Est-ce que l’espace est au dedans d’elle ? Elle s’interroge. A quelle distance doit-on se trouver pour être toucher ? Est-ce que la pierre peut être en elle ? Est-ce que la chrysolite peut s’insérer en elle, plonger dans ses yeux ? Est-ce qu’elle est en elle, déjà ? Et si oui, comment habiter en minéral ? Comment y cultiver le confort, la joie, le plaisir, tant de sensations, de sentiments qu’elle a du mal à conserver, qui sont en partance ? En marge, ses yeux soulignent un Calathea magnifiquement érigé devant ce fossé safrané. Elle pense subitement à sa toute récente passion pour les plantes, fleurs, vivaces ou annuelles, les arbustes, les arbres, dont elle absorbe, avec vivacité et un certain engouement, les noms latins. L’espèce zebrina est une plante très voluptueuse. Elle présente une multitude de tiges desservant ces grandes feuilles à revers pourpres. Les nervures présentent un vert plus clair à fines rayures blanches ou roses ce qui lui confère une belle prestance sur ce fond jaune orangé. Cette paroi qu’elle regarde depuis qu’elle est assise à sa table comme tous les jours depuis que les hautes instances du gouvernement ont décidé de lutter contre la propagation du coronavirus en demandant à la population de rester chez elle. Ce geste répétitif s’est installé comme une ritournelle et ne l’a plus quitté. Elle n’a jamais vécu ça. Cette privation de libertés. De la crainte pour ses proches qu’elle voyait très souvent. Et puis, voir le monde à travers des écrans, à la télévision, sur tablette, sur son téléphone, ou sur l’ordinateur. Voir le monde à travers l’œil médiatique n’a jamais été plus présent. Autant d’images pixelisées, d’impressions sur son cerveau. Que sont devenus nos liens dans la distance ? Il lui semble que tous se distendent comme des tissus trop lâches. Le contact de la peau, de mains affectueuses lui manque terriblement. Alors de temps à autre, elle imagine que quelqu’un l’a prend dans ses bras, l’enlace et l’étreint tendrement. Regardant l’ensoleillement traverser la vitre entrouverte, elle se demande pourquoi elle se retrouve encore devant cet écran. Quel choix étrange, automatique, elle qui rêve de vivre en pleine nature et d’oublier la modernité, pour un temps. Une grande fragilité s’est installée. Elle s’isole, elle perd ses mots, son langage et n’ose plus parler, elle perd sa langue, elle restreint ses déplacements. Sa cheville gonflée lui rappelle son inertie tous les deux jours.

fugue#2

Paume en dôme, l’auriculaire étalé sur la chaleur dégagée par son trop vieil ordinateur, les doigts apposés sur le clavier, elle touche chaque lettre, glissant, appuyant son intention, revenant en arrière, effaçant une partie, une phrase ou des paragraphes entiers. Se demande quoi écrire devant ce mur ocre qui lui fait face. A-t-elle quelque chose à dire ? Comment prendre la parole ? Commencer à émettre du son. Articuler quelques lettres, des mots puis des phrases. Voir si cela prend son sens. Si l’on donne du sens à ce que l’on dit, ne passe-t-on pas à côté ? Elle aimerait s’affranchir du verbe falloir. Elle inspire devant cette étendue de mots qui ne viennent pas. Aucune matière. Elle fait silence et attend. Prend le temps. Continuum. Qu’il est doux d’être inconsistant. Partir de rien, de cette chaleur, du bruit, d’autre chose. Non, ce n‘est pas déterminé. Rien n’est encore sûr. Longer le mur du regard. Topaze. Par un autre point de vue, pénétrer cet espace. Peau épaisse qui reflue sur ses contours à elle. Comme au plus près de son intention d’écrire. La vibration sous la main maladroite, immobile, une attention vagabonde au dehors au dedans. Est-elle à l’intérieur de cet espace ou est-ce l’inverse, l’espace à l’intérieur d’elle même ? Elle s’interroge. A quelle distance se situer pour être touchée ? Est-ce que la pierre est entrée en elle ? Est-ce que la chrysolite peut s’insérer en elle, plonger dans ses yeux ? Est-ce qu’elle est en elle, déjà ? Et si oui, comment habiter en pierre et continuer à cultiver des sensations, des sentiments qui sont en partance ? En marge, un Calathea dressé devant ce fossé safrané. Elle pense subitement à sa toute récente passion pour les plantes. Des vivaces aux annuelles, des arbustes aux arbres. Chaque nom latin répertorié et appris. Voluptueuse zebrina. Une multitude de tiges. De grandes feuilles à revers pourpres. Des nervures au vert plus clair à fines rayures blanches ou roses. Une belle prestance sur ce fond jaune orangé. Cette paroi qu’elle regarde tous les jours depuis le confinement. Ritournelle. Hauts. Bas. Oscille. Et puis, voir le monde à travers des écrans. A travers l’œil médiatique. Il n’a jamais été aussi présent. Impressions sur le cerveau. Quid de nos liens ? Distendus. Trop lâches. Le contact de la peau, des mains affectueuses qui manque terriblement. Alors, de temps à autre, quelqu’un l’a prend dans ses bras, l’enlace et l’étreint tendrement. En imagination. Pourquoi se retrouver encore et encore devant cet écran. Quel choix étrange, automatique. Une grande fragilité s’installe. Elle s’isole, perd ses mots, son langage et n’ose plus parler, elle perd sa langue et restreint ses déplacements. Inertie.

Codicille : lieu, Figure seule, contexte et « non-action » : 1 page tonalité douce, longues phrases, soutenues, rajouter, atténuer mots à consonnes trop fortes // 1 page tonalité dure, question de rythme, phrases courtes, aller à l’essentiel, ton direct, enlever –- Histoire de grain, de peau.

Musique : Bach, Goldberg / Livre : La marque sur le mur, Virginia Woolf / Expo : Les Nabis, le décor

1. omniscience


Dans une lumineuse perspective bétonnante, elle se tient en filature, aux aguets. Tourne, pivote, retourne sur elle-même, regarde, droite gauche droite. Girouette dans ce temps alourdi. Cogné par le soleil. L’expectative de la minute indéfinie. Ether. Elle trépigne. Elle sait. A chaque fois c’est la même chose. Toujours en retard quand elle est pressée. Toujours en stagnance quand elle doit être en mouvement. Elle n’y arrivera jamais à temps. Tout en parcourant la rue de ces pensées, ses yeux se posent sur l’échange entre deux hommes, là-bas. De l’autre côté. Il n’arrive pas à savoir pourquoi il les fixe. Il ne les connaît pas. Un certain goût pour l’âcreté du mystère. A demi répréhensible. De dos, leurs corps halés et docilement voûtés sous le vent, balaient l’espace entre eux. Un chatoiement. Dystonie étrange comme une ponctuation d’une longue conversation alcoolisée. Une danse. Avec tous ses enchantements. Ses réclusions incompréhensibles. Le murmure délicat de la rumeur qui s’offre aux passants. Et comme elle pourrait clinker de scandale, elle vient de l’autre rive. Au lointain, sonne le cor d’une éclatante irruption dans l’espace urbain. De hors de, entre puis traverse. Pas en ligne droite. Franchit avec précaution la chaussée. Avec précaution mais sans assurance semble-t-il. La traversée fut longue. Et lente. Contrainte. A se demander comment. Quel pied ? Quelle direction ? Ou mettre le pied ? Comment se propulser ? Trop de choix. Puis, décision prise, avance. Un pas, deux pas. Deux pas de côté. Avance de nouveau. Lentement. L’air boucané. Les cheveux hagards. Grisaille. Laine distendue et velours épais aux teintes passées. Une sorte de camaïeu violet marronné surplombé d’une fétuque grise. Une verticalité,un port qui se déplace étonnamment vite maintenant. Elle se plante devant un homme et puis change de trajectoire. Subitement. Elle secoue la tête, parle à voix haute, va s’asseoir, et puis non elle toise la femme qui poireaute et repart d’où elle vient sous le regard benêt de cet homme au pantalon en lin blanc. Et lui, il a cru qu’elle voulait une cigarette. L’habitude sans doute. A peine lui demande-t-il ce qu’elle veut, qu’elle a déjà pris le large. Il s’étonne. Un petit sourire apparaît et tournaille. Il recule gêné quand elle repasse devant lui. Exactement dans le même sillon que l’aller. Elle glisse et disparaît. L’oubliée fascinante. On ne sait comment. D’ailleurs, la grue s’est retournée pour la suivre du regard, qu’elle repartait déjà. Sa voix se perdant dans son sillage, elle n’a pas pu la rattraper. Ah, de toutes façons, voilà le 62. Elle sort son masque de sa poche et l’ajuste sur son nez.

Codicille : écrire suite à la vidéo #ATELIERS | ROMANCIER OMNISCIENT, SAIT TOUT VOIT TOUT, instinctivement en écoutant la musique, pas simple, pas sûre d’avoir compris l’omniscience, partie d’une scène vécue en essayant de me rappeler tous les détails, en inventant une partie. Relire, réécrire. Revisiter la vidéo une 2è fois. Ok je crois que j’ai compris ce que signifie faire sentir l’omniscience. Différence entre décrire ce que je vois et se mettre à la place de, décrire les pensées de chaque personnage. Réécrire.

Bon je suis pas sûre que ce soit tout à fait ça.

Rajouter notes pour moi : directions, ou se place l’auteur (haut, bas, côté, dessous- divers étages), matière de corps, mouvement, voix intérieur des personnages, continuité, fatiguer le texte, peser dessus, fatiguer la longueur, hors-champ, sens (son, odorat, vue, toucher, goût) etc

A quoi ça vous fait penser (livres, films) : Peter Handke, L’Heure où nous ne savions rien l’un de l’autre.

 



Tiers Livre Éditeur, la revue – mentions légales.
Droits & copyrights réservés à l'auteur du texte, qui reste libre en permanence de son éventuel retrait.
1ère mise en ligne 13 juillet 2020 et dernière modification le 3 octobre 2020.
Cette page a reçu 444 visites hors robots et flux (compteur à 1 minute).