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écrire


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1

(é-kri-r’), j’écris, nous écrivons ; j’écrivais ; j’écrivis ; j’écrirai ; j’écrirais ; écris, écrivons ; que j’écrive ; que j’écrivisse ; écrivant, écrit, v. a.1° Exprimer avec des lettres les sons de la parole et le sens du discours. J’ai écrit quelques mots sur ce papier. Écrire ses sentiments. Écrire ses idées. Écrire un calcul.

Il [Dieu] écrit de sa propre main, sur deux tables qu’il donne à Moïse au haut du mont Sinaï, le fondement de cette loi, c’est-à-dire le décalogue ou les dix commandements, qui contiennent les premiers principes du culte de Dieu et de la société humaine, BOSSUET, Hist. I, 4.

Je crois qu’on fit des vers longtemps avant de les savoir écrire ; mais, l’alphabet une fois connu, sans doute on écrivit autre chose que des vers, P. L. COUR., Préface d’Hérodote.. On dit dans un sens analogue, en parlant de la musique, écrire un morceau, un air. De même, en parlant d’arithmétique ou d’algèbre, écrire une addition, une opération, une intégrale. Écrire une page, remplir une page de lettres et de mots. Cet enfant a écrit ses deux pages.

Absolument. Savoir lire et écrire.

Je voudrais, disiez-vous, ne savoir pas écrire, RAC., Brit. IV, 3.

Il tira ensuite de sa poche une petite lame d’ivoire, écrivit sur cette lame avec une aiguille d’or, attacha la tablette d’ivoire à l’arc...., VOLT., Babylone, 1. Voilà une bonne voix pour écrire, et une bonne main pour chanter, se dit de qualités qui ne conviennent aucunement à la chose dont il s’agit.

2° Inscrire.
Ô mon Dieu ! .... vous l’aviez écrit sur le livre éternel, MASS., Or. fun. Louis XIV. Fig. Dieu a écrit sa loi dans nos consciences.

3° Orthographier. Comment écrivez-vous votre nom ? Comment écrivez-vous tel mot ?

4° Adresser et envoyer une lettre à quelqu’un. Je vous ai écrit deux lettres, vous ne m’avez pas répondu. Écrire un volume, c’est-à-dire écrire une très longue lettre.

Je me croirai la plus aimée, la mieux traitée, la plus tendrement ménagée, quand vous prendrez sur moi et que vous ôterez du nombre de vos fatigues le volume que vous m’écrivez, SÉV., 395. Informer par lettre ou par correspondance. Je lui ai écrit la mort de son père. Absolument. Il m’écrivit qu’il fallait se hâter. Je vous écrirai, et je vous donnerai mon adresse.
J’écrivis en Argos pour hâter ce voyage, RAC., Iphig. I, 1. Ces deux personnes s’écrivent, elles ont entre elles un commerce de lettres. Écrire de bonne encre, de la bonne encre à quelqu’un, lui faire des remontrances sévères, lui intimer sérieusement un ordre.

5° Rédiger, composer un ouvrage
. Écrire un traité, une histoire. Il a écrit ses mémoires.

Un saint abbé dont la doctrine et la vie sont un ornement de notre siècle, ravi d’une conversion aussi admirable et aussi parfaite que celle de notre princesse, lui ordonna de l’écrire pour l’édification de l’Église, BOSSUET, Anne de Gonz..
Quoi que vous écriviez, évitez la bassesse ; Le style le moins noble a pourtant sa noblesse, BOILEAU, Art p. I. Absolument. Écrire en prose, en vers. Cet auteur a beaucoup écrit. Ceux qui ont écrit sur cette matière.

Il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire, MOL., Mis. I, 2.

Il se tue à rimer ; que n’écrit-il en prose ?, BOILEAU, Sat. IX..

Écrive qui voudra ; chacun à ce métier Peut perdre impunément de l’encre et du papier, BOILEAU, ib. IX..

Avant donc que d’écrire, apprenez à penser, BOILEAU, Art p. I.

Mais dans l’art dangereux de rimer ou d’écrire, Il n’est point de degré du médiocre au pire, BOILEAU, ib. IV.

La plupart, comme ceux qui depuis ont écrit sur cette journée, ignoraient les souffrances physiques d’un chef qui...., SÉGUR, Hist. de Nap. IV, 6. On dit aussi : écrire d’une chose.

Prétendre en écrivant de quelque art échapper à la critique, LA BRUY., Disc. sur Théophr.. Il se dit du genre de style. Cet homme parle bien, mais ne sait pas écrire.

Donnons-lui donc [à Calvin], puisqu’il le veut tant, cette gloire d’avoir aussi bien écrit qu’homme de son siècle ; mettons-le même, si l’on veut, au-dessus de Luther...., BOSSUET, Variations, 9.

Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire, BOILEAU, Art p. I.

Il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement, LA BRUY., I.

Un esprit médiocre croit écrire divinement, un bon esprit croit écrire raisonnablement, LA BRUY., ib..

Tout auteur qu’on est obligé de lire deux fois pour l’entendre écrit mal, ST-FOIX, Ess. Paris, t. IV, p. 221, dans POUGENS.

[La Motte-Houdard] prouva que dans l’art d’écrire on peut encore être quelque chose au second rang, VOLT., LOUIS XIV, 32. Écrire au courant de la plume, écrire rapidement, sans mettre beaucoup de réflexion. Avancer, exposer, enseigner. Aristote a écrit que les animaux.... Il se dit aussi des compositions musicales. Écrire un opéra. Ce musicien a beaucoup écrit.

6° Terme de pratique. Exposer ses moyens dans un mémoire, dans une requête. Ils furent appointés à écrire et produire. À mal exploiter bien écrire, se dit de celui qui, ayant fait des fautes et manqué aux formalités, y remédie par des écritures arrangées. Rédiger un procès-verbal, un interrogatoire, une déposition.

Tiens, voilà ton paiement - Un soufflet ! écrivons, RAC., Plaid. II, 4.
....Vous riez ? Écrivez qu’elle a ri, RAC., ib. II, 6. S’engager par écrit. Il ne suffit pas de promesses, il faut écrire.

Quiconque écrit s’engage, TH. CORN., l’Amour à la mode, I, 2.

7° Marquer, indiquer.

Son sang sur la poussière écrivait mon devoir, CORN., Cid, II, 9.

8° S’écrire, v. réfl. Être écrit. Tout ce qui se dit ne s’écrit pas.

Tout ce qui est bon à écrire, c’est une maxime de Vaugelas, est bon à dire ; mais tout ce qui peut se dire ne se doit pas écrire, D’OLIVET, Rem. sur Racine, § 94. Être orthographié. Ce mot ne s’écrit pas ainsi.

9° S’écrire chez quelqu’un, inscrire son nom chez quelqu’un à qui l’on fait visite. Se faire écrire chez quelqu’un, à la porte de quelqu’un, faire mettre son nom sur un papier chez le portier.

Je n’avais pas changé [de conduite froide avec Villeroy] depuis, hors de me faire écrire aux occasions chez le maréchal, ce qui ne s’omet qu’en brouillerie ouverte, SAINT-SIMON, 392, 59.

On sait quand il faut se faire écrire, c’est-à-dire faire une visite qu’on ne fait pas, J. J. ROUSS., Héloïse, II, 7.

REMARQUE

Racine a dit écrire en Argos, c’est-à-dire dans le pays d’Argos ; c’est une licence poétique, ou, si l’on veut, Racine a pris Argos dans le sens de pays d’Argos. Mais, dans la règle, en ou dans ne peut se dire qu’avec un pays : j’ai écrit dans ce pays-là ; mais j’ai écrit à Londres, à Berlin.

HISTORIQUE

XIe s.

Il est escrit en la geste francor, , Ch. de Rol. CX. XIIe s.
.... Faites faire erraument [aussitôt] Vos chartres et vos briés [brefs] à clerz bien escrivanz, , Sax. XXI.
Demain iront partout no brief qui sont escrit, , ib. XXIV.
Davit li reis, qui out en sei saint esperit, Quant il out Salomun sun fil à rei escrit...., , Th. le mart. 27.
Solunc [selon] ses paroles [il] escrit [écrivit] par tot son regne, e establi princes qui ço feissent faire par force, , Machab. I, 1. XIIIe s.
Car bien estoit letrée et bien savoit escrire, , Berte, XIV.
Et des nombres [il] devoit escripre, , la Rose, 6720.
Lesquiex enseignemens le roy escript [écrivit] de sa sainte main, JOINV., 300. XIVe s.
Comme l’en doit former ou escripre les livres, ORESME, Eth. 67.
Li dras [étoffe] qui fu escris de painture dorée, , Beaud. de Seb. II, 954. XVe s.
Ces deux [Philippe d’Artevelle et Piètre du Bois] se nommoient et escrisoient souverains capitaines de tous, FROISS., II, II, 160.
Et escripst [écrivit] le pape au roi Charles, que il renvoyast sa soeur Isabelle en Angleterre, FROISS., I, I, 11.
[Le duc d’Anjou] escripsit devers messire Jean d’Armignac que à ce besoin il ne lui voulsist faillir, FROISS., II, II, 1.
Le duc d’Anjou qui se faisoit escrire roy de Cecile et de Hierusalem, FROISS., liv. II, p. 160, dans LACURNE. XVIe s.
Xercès escrivit un cartel au mont Athos, MONT., I, 22.
Escrit il en vers ou en prose ?, MONT., I, 142.
Caton, qui luy assistoit à sa brigue, s’advisa que les tables où s’escrivoient les voix estoient toutes escrittes d’une main, MONT., Cat. d’Utiq. 62.
Il est fort difficile d’escrire bien en nostre langue, si elle n’est enrichie autrement qu’elle n’est pour le present, de mots et de diverses manieres de parler ; ceux qui escrivent journellement en elle savent bien à quoi s’en tenir ; car c’est une extreme gene de se servir tousjours d’un mot, RONS., 589.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, skrîre ; provenç. escriure ; espagn. escribir ; portug. escrever ; ital. scrivere ; du latin scribere, le même que le grec, par la prosthèse d’une s. Comparez graver ; le goth. graban, creuser ; allem. graben. Le sens du radical grab ou scrib est creuser.

entrée proposée par Émile Littré

2

Pour écrire, il faut déjà écrire.
Maurice Blanchot.

entrée proposée par FB

3

L’écriture est un ridoir. À la différence des machineries à crémaillère ou à vis permettant de tendre un cordage, l’appareillage qui se met en œuvre dans l’écrire a cette complexe et subtile capacité de faire vibrer et de tendre toutes les cordes, toutes les fibres, toutes les chaînes de celui qui, se ridant en passant à l’acte, devient scripteur. Que le résultat de ces tensions retiennent ou méritent attention est une toute autre histoire. Seul le ridement compte ici : le ridement et ses étranges déclencheurs.

entrée proposée par Ugo Pandolfi

4

Créative : Tiens, c’est le même mot qu’en anglais avec l’accent en plus. Un adjectif au féminin, qui s’improvise, qui s’invente, qui se décale, qui sort de l’ordinaire, qui se délivre de l’attendu, qui propose une écriture.

L’écriture non linéaire, non dominante, malhabile.
L’écriture qui utilise les mots comme des formes, des couleurs.
L’écriture qui mêle des griffonnages, des gribouillis, des dessins.
L’écriture les yeux fermés, en position tête en bas ou sur les coudes, ou en marchant.
L’écriture avec le stylo dans la bouche, le stylo entre les doigts de pieds, le stylo scotché au genou.
Écrire avec les oreilles ce qu’on entend, avec le nez ce qu’on sent, avec les papilles ce qu’on goûte.
Écrire ce qu’on touche, ce qu’on voit, ce qu’on a sous les yeux : un drap rouge, une feuille blanche à petits carreaux, une spirale blanche au bord du cahier, un stylo argenté, des ongles rouges-orangés, une main blanche-neige, un tableau avec des fleurs en papier Kraft, un piano noir avec des touches blanches, … une fenêtre.

entrée proposée par Cécile Bouillot

5

Écrire ça vous prend comme une envie de pisser. Une envie de vous soulager, de vous libérer d’un poids, de quelque chose qui vous gêne. Une pression déplaisante qui vous appuie en bas du ventre.

Écrire ça vous prend comme une envie d’aimer, une envie de libérer votre cœur. Votre cœur qui déborde, qui prend trop de place dans votre corps. Mettre des mots sur ce tiraillement, ce trouble, cette peur. Cette envie d’avoir en retour un peu de tendresse et plus si affinité.

Écrire ça vous prend comme une envie de jouer. Oublier l’adulte que vous êtes, avec son gros sac sur le dos, plein de responsabilités, d’obligations, de sérieux. Poser le sac au sol, s’asseoir par terre et imaginer un autre monde, un autre soi, partir.

Écrire ça vous prend comme une envie de manger. Un appétit de mots, de phrase, d’histoire. Une envie qui suit souvent les bonnes lectures. Des lettres à se mettre en bouche, des mots à dévorer.

Écrire ça vous prend comme une envie de vivre, d’exister. Ça vous anime, ça vous bouge. On hurle au monde : je suis comme ça ; et vous devrez faire avec. Moi je fais bien avec.

entrée proposée par Laurent Stratos

6

Quelquefois écrire aussi est bon. Ecrire d’un trait, comme une lettre. Savoir à qui l’on écrit, même si c’est soi, juste soi. Quelquefois écrire est tellement bon et tellement fort : écrire fait accélérer le temps. On lève les yeux, l’heure a tourné, c’est une surprise, un tour de magie sur soi-même. Alors, ce qu’il y a de plus fort c’est l’oubli — oubli qu’on est. Douce absoption, et l’on est déposé sur une nouvelle rive : nouvelle heure ou nouvelle minute d’après l’écrit. On a traversé une mer intérieure, on est passé par voie d’eau et non par voie de tere, compréhensible et laborieuse. Douce navigation où l’on n’a pas senti ses pas, ni les mots se poser car ils sont venus facilement, portés sur l’eau, perdus dans l’étendue. Et cela n’est pas terrifiant, pense l’auteur, d’accélérer le temps dans ces conditions, cela ne rapproche pas de la mort, cela semble l’éloigner au contraire. Le temps pourrait accélérer toujours ainsi et l’on serait comme immortel. Et l’on n’écrirait que des lettres, ou des poèmes pleins d’inspiration, toute une oeuvre sans queue ni tête.

Car c’est aussi tout l’inverse : écrire ralentit. Ceux qui n’écrivent pas, ceux qui ne forment pas un lac pour que les jours s’y reflètent, jouissant du reflet, comment font-ils ? Comment font-ils pour que ça semble durer plus longtemps ? Autrement qu’en écrivant ? Comment sentent-ils la capacité d’un moment — aussi bref qu’une pensée ; une étincelle — à se déployer plus largement, plus généreusement que l’infime place qu’il occupe dans la continuité des minutes et secondes ? Car écrire, c’est aider le temps à se défaire de lui-même.

Alice Roland, Au secret de chacun, POL, 2021.

entrée proposée par FB

 



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1ère mise en ligne 5 avril 2021 et dernière modification le 3 juin 2021.
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