on first page, (or other components) on second page.


se connecter
le tiers livre




dictionnaire | fenêtre.s

–> AUSSI DANS CETTE RUBRIQUE

 

fenêtre.s


1 _ 2 _ 3 _ 4 _ 5

1

Il m’est arrivé seulement une fois, dans une des maisons où on a habité, d’investir pour bureau une pièce de parpaing nu, sans fenêtres (ni portes d’ailleurs, deux ouvertures à angle droit, l’une sur l’escalier remontant au niveau principal, l’autre sur l’espace sous-sol avec soupirail. Dans l’imaginaire, ça ne me gêne Souterrains, un autre qui était une pré-version de ce qui est devenu Parking, et je pourrais citer des tas de livres dont c’est le fonctionnement. Une table à tréteaux, l’ordinateur Atari (mais longtemps avant que l’idée même d’Internet me soit parvenue), une ou deux étagères pour les livres usuels, j’ai tenu quelques mois avant de réoccuper, au niveau principal, un recoin du séjour mais avec fenêtre. À deux autres reprises, j’ai occupé pour mon espace de travail une pièce à vocation de « garage » (les voitures désormais restant dehors), mais chacune disposant soit d’un vasistas soit d’un genre porte-fenêtre. La petite pièce que j’occupe depuis plusieurs années, la première que je puisse consacrer uniquement à un usage de bureau, ouvre par une porte-fenêtre sur le portail et le coin de rue, mais orientée côté nord, comme les ateliers de peintre, donc sans avoir à vue cette horloge essentielle que sont le lever et le coucher de soleil. Il m’arrive souvent de travailler de nuit, mais la présence ou pas de fenêtre, dans la projection intérieure de l’espace, est indépendante des questions de jour et de nuit. Il y a dans cette maison, un demi-niveau plus bas, une chambre plus vaste que j’aurais pu mobiliser à mon usage, mais j’y perdrais cette vue sur le coin de rue pourtant sans jamais d’événement aucun (quartier calme). J’ai souvent utilisé en atelier d’écriture le livre de Raymond Bozier Fenêtres sur le monde (voir extrait dans les fiches des ressources Patreon), combinant typologie des fenêtres, y compris mobiles (pare-brise de véhicule), espaces provisoires (chambres d’hôtel) ou publics (salle de classe, cafétéria de supermarché) — quand je l’utilise en atelier, cet extrait que je mets à disposition des participants inclut un fragment de la table des matières. Je le relie à l’étrange et significative absence d’un chapitre Fenêtres dans Espèces d’espaces de Georges Perec, alors qu’il y a un chapitre Portes et une page Escaliers. Sur Internet, le blog Fenêtres Open Space d’Anne Savelli est une balise quasi historique (le concept si déclencheur d’oloé y est né). Dans son livre, Raymond Bozier inclut dans ses fenêtres le mur qui fait face à sa table de travail, avec objets-souvenirs et photographies : la fenêtre c’est le mur qu’on aménage comme image. De mon côté, je n’ai pas souvenir d’avoir jamais placé ma table à écrire devant un mur, je crois même, tout simplement, que la position dos au mur m’était longtemps nécessaire contre les peurs à quoi ouvre écrire. Depuis de longs mois, ici, avec les contraintes d’organisation dans un espace exigu, l’accès aux prises électriques aussi, et le cadrage de mes vidéos, ma table est face à la porte-fenêtre, et perpendiculaire au mur, à ma droite. Voir ce que dit de tout ça Marguerite Duras dans Écrire, et comment ce dispositif migre dans ses films et fictions (L’homme Atlantique, L’été 80). Cette entrée aussi est un appel.

entrée proposée par FB

2

Trois souvenirs de mes fenêtres.

C’est le premier lieu de fiction dont je me souviens, la fenêtre, celle de la chambre de l’appartement parisien de ma grand-mère, il n’y a pas de volets, seulement des rideaux en lainage verts dont la trame épaisse laisse pénétrer les rayons lumineux de phares de voitures qui passent en contrebas dans la rue, dans les halos des ombres ouvrent la nuit.

Enfant, il m’arrivait de me mettre en scène dans le cadre de la fenêtre, du dedans vers le dehors, de m’inventer une autre vie à donner en spectacle aux hypothétiques passants, ce qui comptait c’était évidemment le hors champs, le décor que j’y projetais, et les personnages convoqués, auxquels je m’adressais à voix haute pour leur donner corps.

Guetteuse depuis la lucarne de ma chambre sous les toits, avant de m’endormir je contemplais longuement les fenêtres éclairées des villas alentour, elles étaient trop lointaines ou encore opacifiées par un voilage pour donner à voir la vie derrière, je ne pouvais qu’imaginer, mais c’était bien là toute leur magie.

entrée proposée par Caroline Diaz

3

Rarement j’ai écrit face au dehors, la lumière m’a toujours parue trop violente. Mon premier ordinateur était calé dans un angle de vieille table en Formica calée contre le mur. Sur la gauche, la fenêtre était d’un format peu commun, environ deux mètres cinquante de largeur, et équipée de volets verts déglingués qui s’étaient fâcheusement gondolés avec les hivers. J’ai souvent décrit les bananiers qui revenaient chaque saison dans le jardin d’en face.
Dans le même genre de format, celle de ma chambre universitaire en rez-de-chaussée, coulissante sur toute sa largeur. Régulièrement quelque voyeur dissimulé dans les fourrés en train de traquer les filles qui avaient oublié de descendre leur volet.

Je revois aussi le large pan vitré sans rideau d’une chambre d’hôpital qui donnait sur un parc. Nuit affreuse meublée par les lumières clignotantes et les sirènes d’ambulance.

entrée proposée par Françoise Renaud


Tiers Livre Éditeur, la revue – mentions légales.
Droits & copyrights réservés à l'auteur du texte, qui reste libre en permanence de son éventuel retrait.
1ère mise en ligne et dernière modification le 9 avril 2021.
Cette page a reçu 92 visites hors robots et flux (compteur à 1 minute).