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corps


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Une fois le corps installé dans un lieu d’écriture — et partout il faut même position, pour écrire c’est obligatoirement dans du mou avec jambes allongées et que le sommeil retienne l’autre loin de lui, il faut une autre pièce absolument, mais protégé aussi de ce que son absence creuserait d’excavations inexplorées fantasmées redoutées, loin et proche à la fois le corps de l’autre il faut.

Avec à portée de main pour garder au corps immobilité il faut à portée de main tout le matériau de mise en route : livres, vidéo Youtube et pour cela il faut le téléphone et carnet, stylo, cahier, ordinateur pour impression de ce qui se présentera à parler dans la tête. Café brûlant il faut pour chasser l’inaction des doigts de la nuit. Peignoir blanc d’une douceur impérative. Leur présence animale il faut. Sentir contre moi leur corps de bienheureux proches et chauds il faut, entendre leurs soupirs d’aise dans leur respiration régulière et bruyante tandis qu’ils se rendorment il faut. De ce contact avec leur abandon et leur confiance en moi quelque chose se dénoue et l’écriture passe.

Bientôt il y aura changer de lieu et tout ce qui a été gagné de la routine réinstallée dans la luminosité colorée du Sud dans les mauves des canapés avec les fenêtres que le soleil ouvre chaque matin à même le mur blanc opaque de part et d’autre de mon bureau de travail où je n’écris jamais ou je ne m’assieds que pour amusement de peinture (et quand je lève la tête de mon carnet longtemps à fixer ses fenêtres comme promesse d’échappée), tout cet équilibre sera à construire ailleurs, sera à rechercher là-bas, plus haut, à 1200 kilomètres d’ici, dans le gris du petit matin dans un autre mou d’un autre canapé avec pour table basse la peinture de Xavier Hortala toute recouverte de mon matériau d’écriture qui aura voyagé avec moi. Toujours l’angoisse de n’y pas parvenir et du temps que cela prendra : réinstaller mon espace d’écriture ailleurs tous les deux mois. Ce que ça dit de moi, ce besoin de deux lieux, la mise en place de ce saut instauré qui ramène le dessin de l’école primaire dans le cahier avec sur l’étiquette « Étude du milieu » avec les crayons de couleur que l’institutrice avait autorisés et pour l’eau celui de la couleur préférée, pour la rivière coulant dans la vallée et de part et d’autre d’elle bleue, du marron pour les versants séparés et abrupts et moi vivant d’un côté de la Meuse quand mes cousins étaient restés dans ou à côté de la maison des grands-parents, là où je désirais être toute la semaine à attendre le dimanche pour les rejoindre, eux à porter le nom aimé de ma mère, tandis que comme une étrangère je portais celui de mon père. Le projet de ce livre, ce serait cela. Il faudrait m’attaquer vraiment à ce fossé instauré même entre mes lieux d’écriture, de m’y être tant blessée et tant d’énergie dépensée à vouloir le combler, réunir, rassembler mes parents et ce qui les opposait : féminin-masculin, famille riche-famille pauvre, diplômée ou pas, catholique pratiquant ou ne pas croire en Dieu, voter PSC ou être socialiste, royaliste ou anti, avec grand corridor derrière la porte ou entrer directement dans la salle à manger, trop dire merci ou à peine besoin de le dire, humilité contre assurance en toutes circonstances et les fautes d’orthographe y auraient leur place aussi, de ce qu’elle avait dit Madame Jérôme, mon institutrice de primaire, avec ses cheveux noirs trop courts et ses colliers bariolés comme seul indice de féminité, un jour à mes parents bien d’accord avec elle - et ma mère à répéter souvent l’anecdote - elle avait dit, Madame Jérôme, qu’on ne lui ferait pas croire à elle, institutrice depuis des années, parlant des psys qui trouvaient des raisons des excuses donnaient des avis qu’on ne leur demandait pas, qu’on ne lui ferait pas croire à elle que c’était parce que ses parents étaient divorcés que l’enfant ne savait pas que 2 et 2 font 4 ! Et moi, des années à pousser loin l’apprentissage des mathématiques, avec l’histoire de mes fautes d’orthographe dans ce dernier livre — et celui à écrire semble être toujours le dernier, celui qu’il est impératif d’écrire, qui rassemblera tout, expliquera vraiment, et après lui rien d’autre ne sera plus vital à écrire, sauf s’il est raté bien sûr — je montrerai que si toujours à hésiter sur le « an » de maman ou l’autre « en », c’est le choix entre père et mère qui est inscrit derrière depuis mon corps toujours à hésiter, balancer d’un pied sur l’autre, se demander dans la tête lequel des deux il faut avec au-dedans la peur de se tromper de n’avoir pas choisi le bon et d’avoir fait une faute et finalement écrire au hasard le « en » d’enfermement ou le bon de « versant ». Et pour « parent » alors ? Où est la logique vraiment ?

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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 avril 2021.
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