Rien qu’à lire ces trois syllabes, s’amorce un souffle, une vibration dans un endroit du corps, gorge poitrine ventre — exactement ce que j’attends quand je lis.
Écrire serait donc susciter ce frisson chez l’autre qui a le livre entre les mains, cette envie à poursuivre. Écrire serait d’abord traverser ses propres prairies piquetées de fleurs, ses propres déserts, emprunter ses propres sentiers de plaine et de forêt, lâcher ses larmes à plein devant un paysage, un ciel de feu, un fleuve tumultueux. Écrire serait d’abord fabriquer ses propres circulations à travers le monde, éprouver au plus profond de soi des désirs, des élans devant la beauté, des colères devant l’injustice, des rages d’abandon ou d’impuissance, des envies de massacre, des folies douces et passagères, des douleurs dans les os et au secret des veines, des pulsions inexprimées, des espaces d’inquiétude et de mélancolie. Des contentements immenses aussi face à la mer blanche et si calme quand elle s’est retirée loin. Écrire serait dormir avec la fenêtre ouverte, sentir le matin, porter loin le regard, ne plus penser, frôler l’autre, jouir de l’état de vivant. Reste à farcir les mots avec tout cela comme des petits choux, des petits sacs de poudre dont on choisirait la couleur et le parfum selon le voyage souhaité.
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 mai 2021.
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émotion
Rien qu’à lire ces trois syllabes, s’amorce un souffle, une vibration dans un endroit du corps, gorge poitrine ventre — exactement ce que j’attends quand je lis.
Écrire serait donc susciter ce frisson chez l’autre qui a le livre entre les mains, cette envie à poursuivre. Écrire serait d’abord traverser ses propres prairies piquetées de fleurs, ses propres déserts, emprunter ses propres sentiers de plaine et de forêt, lâcher ses larmes à plein devant un paysage, un ciel de feu, un fleuve tumultueux. Écrire serait d’abord fabriquer ses propres circulations à travers le monde, éprouver au plus profond de soi des désirs, des élans devant la beauté, des colères devant l’injustice, des rages d’abandon ou d’impuissance, des envies de massacre, des folies douces et passagères, des douleurs dans les os et au secret des veines, des pulsions inexprimées, des espaces d’inquiétude et de mélancolie. Des contentements immenses aussi face à la mer blanche et si calme quand elle s’est retirée loin. Écrire serait dormir avec la fenêtre ouverte, sentir le matin, porter loin le regard, ne plus penser, frôler l’autre, jouir de l’état de vivant. Reste à farcir les mots avec tout cela comme des petits choux, des petits sacs de poudre dont on choisirait la couleur et le parfum selon le voyage souhaité.
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