mangez avec Albanel

je vous donne ma place, j’ai pas le costard


Rien que la facture qu’il a fallu payer pour le carton d’invitation grand format, calque transparent avec nom des généreux donateurs de leur comité d’honneur avec comtes (Brantes) et princesse (de Broglie – remarquez qu’elle je la connais) et même un baron (baron de chez baron, le Rothschild de service, plus un tout petit : baron et baronne Ernest-Antoine de Seillière), quelques noms qu’on a repéré dans les rubriques économie (M & Mme Amaury Mulliez – propriétaires Auchan Decathlon Leroy-Merlin Kiabi Flunch Norauto Boulanger St-Maclou j’oublie quoi, M & Mme Robert Peugeot, Mme Serge Dassault avec M & Mme Laurent Dassault oh c’est de bonne compagnie tout ça – tiens, manque le cher Pinault – l’a pas pardonné ? –, et pas de Bouygues dans le tas : là ça ferait quand même trop art moderne pour la culture Coca-Cola).

On croit pas que ça existe et puis si, et c’est à la botte du Sarkozy sous le haut patronage de, il leur renverra bien l’ascenseur. Mais qu’est-ce qui leur a pris d’aller rémunérer un lampiste pour calligraphier mon nom à l’encre bleue, ça non plus je l’avais jamais vu ? Ça dit bien que je suis invité mais apparemment ça ne dispense pas de payer. Oh, pas grand-chose, juste pour le casse-croûte, c’est à peu près comme moi au Bal perdu à Bagnolet le vendredi 14h entre mes ateliers d’écriture : 900 euros la place, mais si vous invitez 12 copains, on vous le fait à 8 500 au lieu de 11 000, moi je vais fêter la 1ère année de publie.net avec les copains qui m’y ont aidé.

Bon, ils s’amusent comme ils veulent. Ça a toujours été le monde clos des puissants, des possédants, des riches que Sarkozy rendra toujours encore plus riche. Ils peuvent se permettre d’aller dîner à 900 euros : c’est défalqué de leurs impôts, le formulaire pour défalquer est joint à l’invitation : défiscalisation des dons.

Simplement, ce qui m’énerve, à voir leurs têtes en imagination, c’est pas qu’ils s’empiffrent et jouent du rince-doigts, ni leur déluge de fric – on pourra toujours se relire le Dîner de têtes de Prévert à leur santé. C’est qu’ils fassent ça là, en plein musée. Sous les toiles, les sculptures.

Qu’il y aura tout près d’eux un Dubuffet qui les avalerait tous, et en riant. Et les affiches décollées lacérées de Villeglé, et les harengs que Hélion, alors qu’il commençait de perdre la vue, peignait directement sur ce marché de Bretagne, à l’intérieur d’une Estafette Renault prêtée par le légumier. Ou les actions de Gina Pane, qui trempait ses bras dans du chocolat porté à ébullition dans son Hommage à un jeune drogué.

Voyez-vous, même en les habillant, comme demandé, de Costume sombre, robe de cocktail, et même en présence d’Albanel, ça fait sale. Ça dit bien cette vieille société condamnée mais qui, en attendant, se repaît de ses avantages.

Il y a une Société des amis du musée, on devrait faire une Société de l’hygiène des artistes. Et aller les saluer, tous ceux-là, à la sortie, on leur ferait juste un petit applaudissement – rien que pour les aider à passer le dessert.

La France ne va pas si mal, c’est sûr. Mais qu’est-ce que j’ai fait pour qu’ils me fichent sur leur liste ?


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 février 2009
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