dimanche des blogs

suite des balades et lectures : les permanents


Qualifier ce qui change : ça ne change pas tant que ça, et justement c’est peut-être le critère – maturité progressive d’une expérience de lecture seulement portée par le virtuel, mais trouvant progressivement son vocabulaire et ses formes, sa densité, sa façon d’arborifier l’intérieur d’un site. Alors d’autres questions : à suivre en continu des trajets d’écriture au long cours, un territoire qui n’est évidemment pas celui de la presse (elle est triste), ni celui des revues littéraires (sauf quand elles sont ici sur le web), ni de la quantification fermée du livre [1]

Donc, parmi les lectures continues, tant pis si vous les connaissez déjà :
 à part soi de Richard Gonzalez, beauté des images, arpentage du monde, réflexion dense du texte...
 chez Norwich, rejoindre Chateaubriand dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, ou découvrir comment Dubuffet perçoit plastiquement la forme des livres de Claude Simon, ou son annexe Dans la guerre, une des expériences les plus denses du web, par ses moyens même...
 comparer la façon dont Pierre Assouline, à un an de distance, laisse entrer dans ses billets une masse de liens hypertextes en remplacement du système critique devenu muet dans la dégringolade papier : la folie Verhaegen, ou ce Murdhoch/Queneau ;
 paysage infiniment stable aussi, mais sachant chaque fois capter l’inflexion du présent, les carnets de Jean-Louis Kuffer et ses Ceux qui ;
 l’avantage du travail collectif (et la santé par la lettre), sur remue.net de la semaine lire Laurent Grisel, Sereine Berlottier, ou le Général Instin (rencontre avec l’équipe le vendredi 7 mai, rue Montorgueil), le J’entends des fous— de Marco Erolani traduit par Sylvie Durbec, ou les chroniques livres (Anne Portugal par Catherine Pomparat, Pierre Autin-Grenier par Jacques Josse), 10 ans en septembre, 3650 articles, et jamais une aide genre CNL...

Et bien sûr ceux qui tirent leur fil en amont :
 Arnaud Maïsetti
 Eric Chevillard
 Dominique Pifarély
 Philippe De Jonckheere
 la vigie théâtre et les ouvertures de Martine Silber ;
 Thierry Beinstingel et ses étonnements ;

Plus particulièrement en ce moment :
 Daniel Bourrion et sa série New York ;
 le feuilleton Kill that marquise de Michel Brosseau, deuxième série ;
 les Compléments d’objets de Cécile Portier ;
 les Hublots de Philippe Annocque ;
 tendu, mais important, la série Villejuif de Sarah Cillaire ;
 le convoi des glossolalies d’Anthony Poiraudeau ;

Côté Québec :
 au 7ème étage de l’université Laval (qui m’a déjà demandé remise de ma clé), bureau où oeuvrent de façon strictement indépendante 3 blogueuses : Marge, Le monde écrit (dont l’originalité, ces temps-ci, c’est de prendre ses propres amis blogueurs comme personnages de fiction), Kaosopolis ;
 les analyses de Nicolas Dickner entre vie d’écrivain et numérique ;
 mention spéciale à la langue sous acide sulfurique de Benoît Mélençon, mais attention : parce que ce qu’il explore, à la frontière où le français prend le risque du bilingue américain, ce n’est pas le Québec que ça concerne, mais les enjeux de ville et de signes de notre histoire la plus solidaire et commune.

Ça ira pour aujourd’hui. Photo : édition, marketing et art de la couleur, rayon Romance de la librairie Borders de Providence (Rhode Island).

[1

Ainsi, acheté et lu le Pierre Senges qui parait ce mois chez Verticales : idée très séduisante de prendre ces phrases orphelines du Journal de Kafka, si mystérieuses, toutes ouvertes, et de les prolonger par un récit (non parce que, selon la IV de couv, elles ne demandaient qu’à être développées plus avant, ça c’est les mots croisés, mais justement parce qu’elles ne le demandaient pas) – pour l’essentiel, ces phrases nous les connaissons tous, et elles nous hantent pareillement. Le critère : que justement Kafka les ait stoppées sur un ouvert, Senges le respecte avec un vrai art et un vrai respect. Mais pas pu m’empêcher de penser que tout du long de l’écriture ça aurait fait un site formidable, et qu’on aurait même pu, les lecteurs, contribuer à l’expérience... On lui souhaite bon succès pour ces magnifiques Études de silhouettes, mais quel dommage pour le web : j’arrive de moins à moins en penser comment des écrivains d’une génération (nettement) après la mienne (Senges n’est pas le seul) puisse non seulement rester à côté de ce qu’on travaille ici, mais sembler dresser le livre comme une vieille forteresse noble qui en soit soigneusement isolée – à leurs risques. Par exemple, la IV de couv du livre qui proclame l’esprit de sérieux et l’humour iconoclaste s’entremêlent, déjouant les tentations faciles du pastiche, vous croyez que ce genre de verbiage va l’aider, son livre, par rapport à ce qu’on aurait pu faire sur le Net ? Entrer dans les phrases interrompues d’un mort, et remonter par la tension de l’écriture vers ce qui nous attrape chez Kafka, ce mystère même de la littérature, l’ambition de Pierre Senges a dû le contraindre à d’étranges paysages intérieurs, et nécessaire rigueur – mais trouvez m’en, une IV de couv du monde papier qui ne se sente pas obligée de faire référence à l’humour de l’auteur.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 2 mai 2010
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