
une lecture du texte-poème de Raymond Bozier sur "Paumée"
Paix, repos, n’y a rien à guetter...
Paix, repos, n’y a rien à guetter, sommes entrés dans des temps de paix, ne restent que conflits armés loin de nos murs, et ces petites sortes de guerres que l’on nomme paix, qui sont combats entre besoins essentiels de certains, désirs de beaucoup, possession de quelques uns, ou ces guerres que déclare aux uns, puis aux autres, au nom de valeurs excentriques (cette habileté à corrompre la langue, qu’ils ont !), celui à qui pouvoir a été donné, pouvoir fort limité pour la transformation, l’amélioration (ou il y faudrait une volonté, une intelligence du bien, une fermeté morale, une finesse que peu, et certes pas lui, possèdent), mais pouvoir consolant pour lui, pour qu’il puisse l’exercer, ce qui lui importe (et tant pis s’il prend conscience qu’il est là pour cela, programmé par ceux qui l’ont accepté comme des leurs), de destruction, de sape, ces guerres qu’il proclame et que reçoivent, en ricochet, ceux qui sont, de gré ou de force, parce qu’il est là, ses instruments, en notre nom. (et regardons cela avec honte navrée et grande impuissance).
Non, vous, vestiges d’autre temps (où les bandes qui venaient battre vos mur n’étaient plus que souvenirs, mais pas si anciens), si vous êtes là c’est parce que je vous ai remarqués, une fois encore, samedi, et parce que voulais parler de la lecture que j’ai faite dans la semaine, qui s’est poursuivie en moi, un temps, de « Abattoir 26 » de Raymond Bozier http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503489/abattoir-26, en reprenant, simplement, y ajoutant juste quelques mots, ce que j’ai noté en émergeant de cette lecture :
Ce n’est pas encore un livre sur la guerre, comme trop il y en a, c’est à mes yeux un grand livre.
Toutes les guerres, de tous les temps (et même, mais juste en allusion, nos petites tensions dans la vie ordinaire déshumanisante) -
un abécédaire du pire : de A comme A.battoir à Z comme Z.eppelin (et le R. comme R.aser est vide, petite gaminerie dans l’horreur) – et n’y manquent peut-être que ces guerres oubliées dans des coins du monde qui ne viennent à notre connaissance que lorsque les puissances le désirent, mais le javelot y est, et la bombe..
toutes les formes, des imprécations, de la scatologie, des élégies, des exposés froids (ou presque), un bal à la caserne et quelques citations incorporées au texte pour que soient présents les aztèques ou Agrippa d’Aubigné et la Saint Barthélémy.
J’ai été emportée dans les 84 pages de notre enfer humain.
et cela dit (passages choisis avec retenue, et quasi bénignité)
et vous aime à pleine bouche
et vous crache vos propres cendres à la figure
vous ne me voyez pas, vous ne m’entendez pas
je suis MORT (celui et celle) qui ne vous apprend
rien mais vous prend tout entier, je voyage au
milieu des bestiaux, dans les wagons du train
des guerres. Je suis le dieu tout puissant de vos
abattoirs, la forme extrême de vos délires.. »
ou
« et de tuer
et de hurler
hurlehurlahurlaithurlerahurleront
transformant changeant les
étiquetages
anthropophages MYSTIFICATEURS
tueurs à l’aveuglette
massacreurs à la machette,
bombardiers ronronnants »
ou
L’assassin tient à la vie.
L’assassin empeste l’humain.
L’assassin obéit à des lois qui ne sont pas celles du commun des mortels. »
ou
et depuis nous sommes dedans
notre mémoire est dedans
fœtus recroquevillé
épouvanté
par le monde tel
que nous l’avons fait. »
ou doctement
« Chaque conflit, pour autant qu’il provoque des dégâts conséquents chez l’ennemi, aide le progrès. La guerre est aussi utile à la paix qu’elle l’est à la science, elle s’y développe comme un ver dans le fruit. Suffit de savoir pondre au bon moment, quand les fleurs s’épanouissent. »
J’en reste là, avant de me sentir par trop pilleuse, navrée comme toujours, mais le serais de toute façon, de mon choix qui ne donne pas idée de la variété extrême de ces textes, et de leur violence hurlée ou sous-jacente.
© Brigitte Célérier | Paumée
1ère mise en ligne et dernière modification le 17 août 2010
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