Malt Olbren | Ils vivaient à deux...

en feuilleton sur Tiers Livre : "Maisons intérieures d’écriture", première traduction française des "Inside Houses" de Maltonius Olbren – 09


Ils vivaient à deux et le succès de l’un poussant le succès de l’une et réciproquement, ils s’étalaient fréquemment dans les magazines. Pensez : leurs rayons de bibliothèques se mêlaient, et hop la photo. Ou bien : l’un était le premier lecteur de l’une et réciproquement, l’un ou l’une debout feuillet à la main et l’autre un air évidemment concentré admiratif critique gladiateur avant le combat et hop, photo. Paraître leur était une fiancée commune, mais quoi de plus simple, quand on connaît une telle réussite – après tout, ils ne l’avaient pas spécifiquement cherchée, du moins plus que tant d’autres.Leur appartement, dans la période où avaient commencé les photos magazine, un genre de loft avec mezzanine, ce qui se passait là-haut les magazines n’y avaient pas accès, peut-être un plumitif qui leur fournissait à tous les deux, mais non, je suis mauvaise langue – ils auraient même pu s’amuser chacun à signer les textes de l’autre, leurs pages étaient limpides et pleines de références cultivées : ils le disaient aux magazines, si l’un trouvait dans l’autre telle référence aussitôt l’autre la glissait dans son texte d’un ou d’une, ils voyageaient ensemble en Europe, avaient leurs habitudes racontaient-ils (les magazines ne poussaient pas jusqu’à s’offrir le voyage) dans un hôtel pas loin de Naples surplombant la mer et passant là-bas leur temps à lire et écrire, puisque aussi bien se vantaient-ils de lire ensemble les livres. Puis vint une année sombre, nulle publication pour l’autre ni pour l’un ni pour l’une, et on disait que l’un passait beaucoup de son temps loin du loft à mezzanine, et puis on était passé à la phase trois du drame, l’histoire d’amour déçu avait fait un tabac et l’histoire vue par l’autre en était le complément parfait, les magazines étaient revenus. On les recevait cette fois dans une pièce nue avec vue de très haut sur l’horizon de la ville, ça collait parfaitement donc avec cette façon qu’ils avaient de vous en parler comme si elle-même, la ville, leur confiait les secrets de leurs livres et eux seuls, elle et lui, lui et elle. Dans cette pièce nul livre, une planche de bois sur deux tréteaux (mais attention, tout cela si joli), une plante verte qui était leur fétiche parce qu’offerte par évidemment tel ami si célèbre lui aussi etc., ils s’y rendaient à tour de rôle puisque bien sûr l’un était du matin et l’autre plutôt de l’après-midi, ou réciproquement, et photo. Ils venaient en vélo et se croisaient, photo. Tel était leur bonheur d’écriture, cette pièce nue : et que se taisent les mauvaises langues, on n’aurait pu y héberger un plumitif salarié pour les aider.


responsable publication traduction © François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 décembre 2011
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