terre des hauts, terre des bas

moins facile parfois qu’on voudrait le croire


Il se passe assez de choses intenses et belles pour qu’on ait confiance. Ce sera réussi.

Dans les obstacles : comment les enfants pourraient se rendre compte de ce qu’on entrevoit, les maisons colorées, émaillées, scénarisées dans le jardin où elles resteront jusqu’à l’hiver ?

Dans les obstacles : quand ils sont concentrés sur la magie des formes qui naissent de la terre, comment leur demander de me rejoindre un instant pour se concentrer sur un texte ? Pourtant, ni Claude ni Armelle ni moi ne mettons en cause cette logique de travailler ensemble, l’oeuvre de Claude comme ce qui nous rassemble, et ma présence pour interroger plus spécifiquement les mots… Ou tout simplement comment chaque forme est en elle-même un story-telling : d’ailleurs ils s’y sont habitués, ont compris que je photographie les étapes, et qu’eux ensuite feront les photos de la maison terminée.

Dans les obstacles : alors qu’on reparle de la séance d’écriture par quoi on avait fait connaissance, en février, à partir d’une série de « pourquoi » venus des Questions d’importance de Claude, une petite voix de huit ans qui dit, comme une révélation :

Pourquoi mes parents me battent ?

La difficulté, cet après-midi, dans le groupe des collégiens et ados, de deux qui se refusent à tout dialogue ou exercice.

j’ai rien à dire moi
j’ai rien à dire
je veux rien dire et je veux rien faire
je sais pas quoi faire
et ça m’énerve

Le problème dans ce cas-là, c’est que les 2 ou 3 autour des 2 en refus vont se contenter pendant une moitié de l’atelier d’aplatir un bout de terre, et que des 2 en refus il y aura quelques atteintes au travail des semaines précédentes, cheminée qui vole…

D’habitude, 2 éducateurs, là 1 seule, tout d’un coup ça frôle. Et de notre côté, quelle légitimité à leur faire reproche ? On entrevoit le réel derrière, et la souffrance dont ils n’auraient pas dû écoper. Notre refuseur principal joue la provoc, vanne sur le prénom d’un éducateur, sachant pertinemment que c’est le genre de choses qu’on ne peut pas laisser passer. Notre refuseuse en second a commencé à faire des boulettes de terre qu’elle lance sur les copains.

Là c’est la grosse voix de Claude qui se lance. Il est debout, dans son tablier noir, et en colère : « Si vous avez décidé de rester bêtes, c’est votre problème… Mais la terre, il y a des gens qui l’ont ramassée, préparée, fabriquée… »

Le refuseur principal se fera gréviste. Il s’étonne de mes photos : pour lui, « vous photographiez n’importe quoi, monsieur ». Je lui propose de venir jusqu’à mon ordinateur pour visiter ensemble le n’importe quoi (et ce blog). Cela supposerait quitter la table où il est vissé parmi les autres, et me suivre. Il hésite, et n’ose pas. Un peu plus tard, il me demandera « pourquoi vous avez toujours les yeux fermés, monsieur, même quand vous regardez ? »

On finit toujours par une petite incise de dialogue possible.

Quant à Mme la danseuse-refuseuse, qui est une habituée du groupe, elle, et qui s’y remarque, sans avoir rien fait de la séance, elle prend les 5 dernières minutes pour aller coller sur l’étrange animal que termine Claude Ponti une crinière qui n’était pas prévue dans son geste d’artiste. Cette bestiole figurera dans l’expo, elle résultera donc d’une création collective. Et Mme Danseuse-Refuseuse, qui ne se contente pas des exercices d’atelier, a brusqué dans cette séance même une de ses plus proches camarades aura joué sa carte directement en s’insérant dans le monde de Claude.

Là aussi, petite leçon à prendre : mais l’insolence (qui peut être nécessaire comme réponse à la condition qui vous est faite) va bien à l’art et peut-être, que Claude accepte ainsi son geste, qui n’appartenait pas à la grammaire collective, c’était ce que nous avions à lui dire.

Mais, en cette 3ème séance, le premier qui quittera l’atelier sans avoir rien produit. Ni même nous avoir dit au revoir. Quelque part, on en est plus atteint que de toute la réussite du reste.

Photo du haut, les bas : tension, terre, écritures : je vole parmi les photos d’Emmanuel. A ma gauche, Mathias, au fond, Wesley.

Photo du bas, les hauts : étapes sur le chemin de la création, la maison-univers de Sacha.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 22 mars 2012
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