Stones, 8 | avec moi sans les autres, Mick fait son courrier

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


À Dartford, Dick Taylor est reconnu pour avoir été le véritable fondateur des Little Boy Blue. Premier mystère : alors que tous ces gamins ne rêvent que de guitare, pourquoi lui, Michael Philip, choisit d’être seulement le chanteur ? Le groupe, avec chanteur, s’appellera Little Boy Blue & The Blue Boys, ce qui est une fameuse compensation.

Dick Taylor a enlevé deux cordes aiguës à sa guitare et ça lui fait une basse, l’autre guitariste s’appelle Bob Beckwith – très important, Bob Beckwith, parce que c’est lui qui a le seul et unique ampli, un tout petit ampli Grundig, et on répète chez lui. Un autre copain, Alan Etherington, se contenteau début du tambourin et des maracas, plus tard d’un ensemble charley, caisse claire et batterie mais sans s’intituler batteur pour autant, par contre son père lui prête sa voiture et c’est un atout précieux pour les premières virées à Londres.

Quand Jagger a invité pour la première fois Keith Richards à se joindre à eux, les premiers temps ont été difficiles : il fallait longtemps à Richards pour apprendre les morceaux, paraît-il, mais Dick Taylor précise ceci : une fois qu’il avait compris le rythme, il pouvait le tenir trois heures sans bouger.

Maintenant, Richards fait officiellement partie du petit groupe, et les parents respectifs se cotisent de cinq livres chacun pour un enregistrement. On est aux premiers jours de l’année 1962, celle où tout s’amorce, les magnétophones sont un bien d’équipement qui reste l’apanage du monde professionnel.

Quand la bande magnétique émergera au grand jour, début des années 80, et se retrouvera vendue aux enchères chez Christie’s, un commissionnaire l’emporte pour quelques milliers de livres. On découvre vite qu’il agit pour le compte de Mick Jagger, maîtrise souhaitée des traces.

Fascinant d’entendre, sur cette bande qui circule depuis longtemps dans les circuits pirates, avec un batteur d’occasion, le Little Queenie qu’ils joueront toute leur vie. Même Mick, dans le Johnny Be Goode, n’est pas tout à fait au point.

Maintenant, l’extraordinaire. En avril, on commence les raids vers le Ealing Jazz Club de Londres, où on a appris qu’Alexis Korner consacrait les jeudis au blues électrique et au rythm’n blues, et tenait scène ouverte. C’est là qu’on entendra pour la première fois Elmo Lewis, pseudonyme d’un jeune de Cheltenham, Brian Jones, jouer son [Dust my broom au bottleneck si précisément que Richards croira qu’il s’agit Elmore James lui-même.

Korner est guitariste, joue assis sur un tabouret, inséparable d’un grand gabarit qui se plie dans son harmonica, Cyril Davies. Ils viennent du jazz, le chanteur est un personnage accessoire. Les places d’assistant-guitariste auprès d’Alexis Korner sont difficiles à prendre, et ils sont plusieurs comme Brian à tenter leur chance. Le chanteur en titre, Tony Donegan (bientôt Lonnie Donegan quand le skiffle en aura fait une célébrité) est souvent requis par d’autres engagements.

Mick Jagger envoie donc la bande à Alexis Korner, mais uniquement pour proposer ses services : ceux de Little Boy Blue, le chanteur, et adieu les copains, chacun pour soi.

Ça va marcher. Rapidement, Jagger est sur scène avec Alexis Korner, unique opportunité de formation. Même s’il s’agit de rester discrètement à sa place sur le côté gauche du tabouret, puisque la guitare a le premier rôle.

D’où la question : quand Brian Jones et Ian Stewart procèdent aux premières auditions pour leur groupe, le deuxième guitariste s’appelle Geoff Bradford, on n’a vraiment pas besoin d’un troisième. Viennent aussi répéter au Bricklayer’s Arms Andy Wren, pianiste (Ian Stewart trouvera sa place prise lors d’un retour de brèves vacances, il en subira bien d’autres), un harmoniciste ami de Bradford, Brian Knight, et un étudiant, Paul Pond, pour le chant (et futur fondateur des Manfred Man). Paul Pond est admis à Oxford et les aller-retours permanents à Londres ne lui conviennent plus. Brian devra bien se rabattre, dans le vivier Korner, sur Mick Jagger – qu’il a pourtant soigneusement tenu à distance jusqu’ici. Et quand Jagger vient, c’est à une condition : amener avec lui son bassiste, Dick Taylor, et son guitariste rythmique, spécialiste du Chuck Berry note à note, Keith Richards. Bradford fera ses malles, et finalement l’association Brian Jones - Keith Richards fonctionnera assez vite, d’ailleurs sur le même modèle qu’utilisera Keith plus tard : Bradford était l’alter ego de Brian, Keith simplement un débutant à son service.

Reste la question : lorsque Jagger envoie une copie de la bande magnétique de janvier 1962, payée par les parents, à Alexis Korner, c’est pour tenter sa chance sans ses copains. Lorsqu’il accepte la proposition de Brian pour son groupe inconnu, qui a vraiment besoin d’un chanteur, il impose ses copains, presque comme une séance de rattrapage.

Sans cette dureté égocentrique de Jagger, dès 1962, jamais les Rolling Stones n’auraient traversé la suite de chocs sismiques qui leur était réservée. Sans cette dureté égocentrique de Jagger, il n’y aurait jamais eu l’arrivée de Keith Richards dans le groupe en formation de Brian Jones.

Et le solo de Keith dans Little Queenie, le premier enregistrement qu’on ait de lui...

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 19 juillet 2012
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