Stones, 10 | les Rolling Stones à Aberystwyth

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Dans mon exemplaire du livre Stone alone de Bill Wyman, les pages les plus usées c’est cet index de la fin, où, du 12 juillet 1962 au 21 décembre 1969, Altamont aurait pu clore cette série, mais les Stones ont deux concerts en Angleterre au retour), il note la date et le lieu (non seulement la ville, mais le comté, tant il s’agit de petites villes souvent homonymes et que leur paraît grande, cet hiver-là, la conquête de l’Angleterre) de chaque concert, avec quelques renseignements, absence de Brian, Charlie en vacances. Pour ces dix-huit mois de concerts au quotidien, qui seront l’essor et la gloire des Rolling Stones, Eric Easton les programme dans la moindre ville anglaise. Et qu’on ne fait pas de beurre sans baratte.

Ce sont encore, cet automne 1963, des shows dits (package avec les Everly Brothers, les Ronettes de Phil Spector (longue histoire qui commence pour Keith), et parfois Bo Diddley ou autre légende. Tu connais tous les solos d’harmonica de ce type sur les disques, dit Bill, et tout d’un coup il est devant toi qui te demandes si tu sais où sont les toilettes.

Ian Stewart a changé son minuscule van de camping Bedford, qui lui servait à ses équipées de randonneur en Écosse, pour un vrai combi Commer 1500[[Merci à François Garnier de la précision, il ne s’agissait pas d’un Volkswagen comme je l’ai imprudemment cru...ØØqu’ils useront à la moelle (si une mécanique a de la moelle), trois places devant, trois places derrière et le matériel, plus le moteur dans le compartiment arrière.

C’est la seule fois de leur histoire où ils joueront à Aberytswyth. Ils s’en souviennent, parce que pour les Anglais Aberystwyth est comme un bout du monde à proportion de son orthographe. Et que la veille ils ont joué dans une ville diamétralement opposée, Lowestoft. Puis, quand ils rentreront dans la nuit, ayant une télé le matin, ils obtiendront du veilleur de nuit de la BBC de s’installer dans la salle de banlieue où doit avoir lieu l’enregistrement et de dormir par terre.

Alors tout ce qui concerne le petit Volkswagen de Stu, tout gribouillé (je ne sais pas si on disait déjà tagué, ce serait à voir) par les fans, est un des morceaux de l’histoire des Rolling Stones les plus documentés par l’ensemble des membres du groupe, à part Brian auquel on n’a rien demandé et qui le plus souvent les rejoignait avec sa propre voiture, une Humber.

Ainsi saura-ton les pannes, les coins de trottoir pris dans le brouillard, les zones en périphérie où on tourne une heure avant de trouver la salle, ou l’histoire de la boîte de vitesse cassée qui les contraint à rejoindre le lieu du concert bloqué en première à trente à l’heures (J’espère que tu nous feras pas rentrer à Londres en marche arrière, dira Charlie Watts dans une grand élan expansif).

Ainsi saura-ton que parfois les étuis à guitare s’écroulent et qu’on les prend sur la figure. Que les amplis sont posés par terre et qu’ils dorment là au milieu (avec le coin de cette boot en cuir pointue de Keith tout le temps sur la figure, dira aussi Charlie Watts. Qu’on est toujours en retard, il n’y a pas d’autoroute, on fonce sous la pluie de la ville de la veille à la ville du lendemain, pas d’hôtel prévu, on dormira dans les loges et on repartira après le concert. Alors, pour pisser, raconte Keith, on rampe sur le compartiment moteur, entre les tambours de Charlie, on va jusqu’à la petite grille d’aération et pendant quelques centaines de mètres le van Volkswagen s’agrémente d’un panache clair.

Devant, Stu conduit (pour conduire à gauche, il est à droite), Mick à la place passager parce que c’est lui qui a les cartes routières, les lieux et les horaires. Bill Wyman est devant au milieu, tous trois coincés contre le pare-brise, d’abord pour veiller à ce que Stu ne s’endorme pas (ce serait une catastrophe), ensuite parce qu’il n’a pas définitivement planté son travail de magasinier (il dort au travail, avec la complicité de quelques collègues), et surtout – parce que c’est plus confortable –, il leur a clairement dit qu’il avait le mal de mer, et que s’il était à l’arrière ce serait des vomissements permanents, ce qui était totalement faux.

Bien sûr, à vingt-deux ans (Mick et Keith), vingt-quatre ans (Brian et Charlie), vingt-huit ans (Bill), on endure tout cela sans trop de misère. Ils apprendront aussi une autre discipline physique, tenir six semaines, et s’aménager cinq jours de récupération complète, progressivement plus luxueuse.

La scène ? Ils en retiendront chacun ce qui les concerne. Rien, pour Charlie, tel bassiste ou tel guitariste (ou l’harmoniciste de Bo Diddley), pour Bill et Brian, la façon de se tenir sur scène et de danser devant le micro, pour Mick – dans les loges aussi, à Aberystwyth ou Lowestoft que TIna Turner lui montre ses premières astuces de glisser-marcher. Le reste viendra de Wilson Pickett.

L’université du rock’n roll, dira Keith : mais il n’a jamais précisé si ça concernait Veronica Yvonne Bennett, dite Ronnie Bennett dans les Ronettes), la façon de jouer et de répéter de Bo Diddley, de la condescendance des Everly Brothers à leur égard, ou des heures de Volkswagen et de ce qui s’en induit pour le sommeil, la scène et la vie.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 juillet 2012
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