la Terre est morte à Buffalo | toujours savoir par où sortir

si seulement on avait pu s’arrêter ou avoir une vision un peu globale de la carte


Toujours savoir par où sortir. Et qu’ils n’étaient pas perdus, eux, qui semblaient s’en sortir, quand toi tellement tu peinais, tu hésitais : on n’a pas le temps d’avoir peur, quand on roule, on décide et si on se trompe est-ce si grave. Oui, c’était grave. Tu t’arrêtais là, tu t’arrêtais parce que perdu. La direction : elles se valaient toutes. On pouvait tourner en rond, ici. Des cimetières, on en trouvait. Des bâtiments pour que les vieux meurent, on en trouvait. Des haltes aux sempiternelles enseignes, et regards indifférents tandis que tu mets tes sous pour un café, on en trouvait. C’était l’écrasement du labyrinthe à la surface de la terre, qui effrayait. Qu’une main là aurait poussé les routes, creusé du pouce les embranchements. À peine savais-tu ce qui t’avait fait arriver là, parmi toutes destinations possibles. À peine savais-tu ce qu’à cet instant même il te fallait, à quoi cela ressemblerait : une maison, une rue, des visages, un travail à faire ? Tu avais repris ta voiture. Le cimetière même était rond comme un oeil. La totalité de ce qui t’entoure parfois comme un seul signe indescriptible. On t’avait prévenu que ce serait tellement mieux d’en faire un film, tellement mieux d’y placer un personnage et le définir. Que les images mêmes (et celle-ci donc) ne t’appartenaient pas, ou appartenaient à tout le monde tant qu’on se contentait d’y glisser, et pas de l’épingler. T’épingler toi-même dans la ville, cette ville, tu avais pensé. Toujours savoir par où sortir : mais c’est justement en cela même que tu avais le plus de mal.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 mai 2010
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