la Terre est morte à Buffalo | compter et décompter l’activité des hommes

on avait bâti ces usines à statistiques


Les rues mêmes étaient géométriques, parallèles, bien trop longues pour qu’on s’interroge sur les distances parcourues. Au loin, les voies rapides permettaient d’ignorer tout. De près, sans doute, savait-on aussi identifier, reconnaître, attribuer une fonction. Moi, dans cette immensité humaine, je savais qu’ils avaient inséré des signes. Que ces signes résidaient dans les géométries fixes, si on voulait bien se donner la peine de les surprendre. Je comptais les lignes, je comptais les cercles. Y avait-il une loi à l’orientation des aiguilles de ce qui semblait, comme sur anciens manomètres ou compteurs, mesurer le dérèglement de la ville, la montée en puissance de la ville, quand la pression devenait dangereuse ? Et si on retournait ça plan sur plan, qu’on démontait le couvercle, il y avait quoi, dessous, qui reliait chacun des compteurs à tel bloc ou quartier ou immeuble, ou écluse, ou pont, ou autoroute ? Et si on enfonçait un des poussoirs dans le sol, changeait-il de couleurs comme dans ces jeux où gagne le premier qui a aligné cinq de ses jetons ? Il s’en ensuivait quoi, pour la ville. Enfin saurait-on comparer avec la même photo prise un an avant à même date, ou un mois plus tôt à même date, ou bien même d’une nuit à l’autre nuit ? Dans les plus anciens rituels, il n’y avait pas une organisation du cercle et des lignes qui n’ait été un témoignage de ce qui nous relie, pauvre humanité de surface, à des forces telluriques bien autres. La ville, ici, qu’elle avoue son mystère !

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 mai 2010
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