fiction dans un paysage | une Atlantide neuve

une explication de ces traces tout au long de la mer vide et brutale


Ce pays n’était pas né de la mer, non, bien au contraire. Il était né de là-bas, des migrations à travers le sable et les montagnes. Et ici, où tout était vert et l’eau à fleur du sol, les peuplements étaient si anciens : qu’auraient-ils eu besoin, comme nous dans notre sèche misère, de s’embarquer sur des éléments bien moins favorables, et sans rien à l’horizon ?

Parfois, où elles s’étaient plantées devant la mer, les villes y tournaient le dos et y mettaient leurs morts. Les tombeaux sacrés protégeaient de dieux qui, probablement, ressemblaient à ces éléments même.

Elle te surprenait, la mer, tout du long : ici infinie, ici brutale. Dans ce pays, le même océan, et pourtant nulle part cette frange qu’il te semblait, toi, avoir toujours habitée : espace intermédiaire entre mer et terre, espace nourricier, espace qui compensait la pauvreté des terres et du sol, et le vent défavorable.

Et puis, longtemps, tu avais longé cette côte. Une côte droite et infinie, une côte sans jonction définissable de la terre et de la mer. La terre s’en allait droit où les vagues recouvraient, et les vagues montaient et descendaient sur des étendues que rien ne défendait : ç’aurait été défendre quoi ?

On disait pourtant – mais où ne le disait-on pas, tout au long du même océan, qu’elle était proche, la vieille Atlantide submergée.

On disait pourtant – mais ne le disait-on pas, partout ailleurs, de toute forme rocheuse en énigmatique surplomb des rives, que les traces de la vieille Atlantide ici étaient manifestes : que ce n’était pas eux, les hommes, qui avaient installé là cette station-service, ces murs, ces maisons, où ces bâtiments gris qui piquaient si droit sur les vagues qu’on ne savait pas s’ils s’y prolongeaient en plongeant, ou bien sortaient lentement, avançant progressivement sur la terre.

Et longtemps, longtemps, tu suivais la rive droite avec la mer aux vagues brutales et tandis que là-bas, au loin, les villes lui tournaient le dos, tu lisais comme dans le livre d’une mémoire commune et hors du temps ces traces arrachées du fond ancien de la mer et jetées sur la rive.

Tu avais vu l’Atlantide, ce qu’il en restait.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne 12 avril 2013 et dernière modification le 14 avril 2013
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