proposition 1 | quatre variations lieu

un été pour écrire, première proposition à partir de "L’été 80" de Marguerite Duras


L’idée serait de partir sur un texte en prose, qui grandirait lentement, prendrait son temps entre lieux, paysages, visages, sans chercher à jouer au roman, plutôt dans une méditation sur la réalité proche.

En se laissant dériver : j’ai une idée précise des premières propositions, parce que j’ai le pressentiment de ces voix que je cherche, que je sais identifier dans quelques ouvrages qui me sont plus particulièrement proches (La Presqu’île de Julien Gracq, L’été 80 de Marguerite Duras, C’était nous de Pierre Bergounioux) et que cette dimension-là de la prose est toujours trop minorée par rapport à la grosse armada normalisée, voir ce qui s’annonce à nouveau en septembre. Alors, à mesure que nous assembleront notre paysage de textes (un arbre de textes à cinquante voix, je n’en reviens pas que nous soyons si nombreux à tenter le chemin ensemble), partir de cette accumulation même pour ouvrir les nouvelles pistes.

C’est pour cela que, résolument, je souhaite que nous commencions – vieille leçon balzacienne – simplement par la présence d’un lieu. Pas seulement décrire un lieu, micro-assemblage d’un coin de réel, mais l’amener à la présence, le faire vivre dans la peau d’un premier texte.

Et pour cela, proposition très simple (en général, on me demande de résumer la consigne à la fin, je préfère la donner au début) : un narrateur fixe pour ce premier texte, assis, debout, dehors à regarder, ou simple point d’énonciation sans sujet, et juste ce qui tient dans son champ visuel, que ce soit l’intérieur d’une pièce, la vue d’une fenêtre, une terrasse, un coin précis du dehors, un lieu de passage dans une ville ou une chambre d’hôtel. Le principe : ce lieu une fois déterminé, le décrire à quatre moments différents du temps. Savoir à l’avance la fréquence et l’espacement : le temps d’une journée, selon les saisons d’une année, ou au retour à chaque été, peu importe, mais il faut le décider. Et ne pas se tromper de lieu : nous travaillerons dans un espace de fiction, rien ne sera dit de vous-même qui puisse être interprété pour tel, mais pour que ce lieu vive, vous devez le connaître. J’ai parlé ces jours-ci de ce vague parking sous entrepôt qui, une période donnée de son enfance, a été le terrain de jeu de Stephen King, puis est devenu lieu récurrent présent subrepticement dans chacun de ses romans, et devenu la scène centrale de tout un livre (11/22/63).

Comme point de départ, je vous propose donc L’été 80 de Marguerite Duras. Elle en raconte l’origine dans la brève introduction : une demande de Serge July, directeur de Libération, qui souhaitait qu’elle tienne une libre chronique quotidienne dans le journal. Ils tenteront l’expérience sur dix chroniques hedomadaires, chacune d’environ 12 000 signes, et le paradoxe de ce livre, qui s’écrit en filigrane dans le magnifique et savant premier texte, c’est que Duras sait d’emblée qu’elle en fera un livre. Et que ce livre ne sera pas la compilation de ces chroniques, mais que pour autoriser son récit à parler de l’écume des jours, la politique, les guerres, et cette qualité impalpable du présent, il lui faut écrire comme on jette, écrire pour l’immédiatement périssable qu’est le journal.

Mais, dix fois de suite, pour les dix samedis successifs de publication, ce dont elle part c’est de sa chambre aux Roches Noires de Trouville, pièce avec vue sur plage et mer, cargos qui passent au loin, passants et bruits qu’elle reconnaît (le groupe d’enfants de la colonie de vacances qui deviendra récit à part entière imbriqué dans le livre), et dans la chambre même le téléphone, la télévision, les insomnies et les lumières. Pour elle, séquencement précis : une fois par semaine, tout au long d’un été, même jour même heure.

Le prncipe de variations est souvent décisif en atelier. Je vous en propose quatre pour vous contraindre à penser dès l’amont votre texte comme se présentant sous la forme de quatre paragraphes d’importance égale, dès l’amont pensés dans leur pluralité et leur équilibre. Ne pas tout dire dans le premier et plus rien pour les autres.

Ne pas avoir beaucoup à dire sur ce lieu n’est pas le critère le plus important. Une marche d’escalier peut suffire. Le premier texte, avec ses quatre paragraphes, peut être bref, on va construire progressivement et nourrir. C’est l’espace de la fiction, de la recomposition, qui lui donnera son ampleur. Le point important, c’est la façon dont ce lieu compte pour chacun de nous au départ, et qu’on puisse y revenir avec le même intérêt, la même énigme.

Ne pas avoir beaucoup à dire sur ce lieu n’est pas le critère le plus important. Une marche d’escalier peut suffire. Le premier texte, avec ses quatre paragraphes, peut être bref, on va construire progressivement et nourrir. C’est l’espace de la fiction, de la recomposition, qui lui donnera son ampleur. Le point important, c’est la façon dont ce lieu compte pour chacun de nous au départ, et qu’on puisse y revenir avec le même intérêt, la même énigme.

Toujours penser qu’il n’y a pas de hiérarchie quant à la longueur : quatre paragraphes de cinq lignes peuvent installer un magnifique travail de variation. Si votre premier paragraphe fait vingt lignes, il faudra que les trois suivants en fassent autant...

Et puis n’hésitez pas à repartir directement de comment s’y prend Marguerite Duras pour ce même exercice qu’elle s’impose : elle part du rien, du temps qu’il fait, de la météo. Le lieu se répète ? Bien évidemment, cela fait partie du jeu, il se répète donc dans le texte...

Et bien sûr, avant tout, lire l’extrait de L’été 80 proposé en téléchargement dans les ressources abonnés.

Et bonnes écritures...


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 juin 2013
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