proposition 7 – amplification étoile

un fabuleux outils pris au "W" de Perec pour faire entrer les textes dans la zone de retravail qui va permettre de les assembler


Temps de rentrée pour pas mal d’entre nous, mais les textes des propositions 6/6 bis continuent d’arriver, chacun marche à son rythme, et peu importe si on déborde pour arriver à la 10.

J’insiste donc sur la proposition 6, une bonne proportion d’entre vous s’y sont collé et m’ont envoyé leur texte, mais pour les autres ça peut être une porte d’entrée directe, ou de reprise et d’assemblage du travail fait, même si vous avez loupé des épisodes en route !

Maintenant, et une fois cette proposition 6, dont l’enjeu était de contourner l’obstacle du plan en faisant du plan lui-même un enjeu de fiction (c’est tout l’intérêt de ce geste surprenant de Nathalie Quintane, insérant un dossier de demande de bourse d’écriture dans le corps même de son livre Saint-Tropez), ce qu’on doit avoir progressivement en tête c’est le récit complet, large nouvelle, micro-roman, fiction continue ou construction fragmentaire, l’objet final sera pour chacun singulier, imprévisible même à l’étape actuelle. Une des plus hautes difficultés de l’écriture, et c’est permanent dans toute séance d’atelier, pour tous les animateurs, c’est de faire reconnaître aux participants (et pour cela les aider, leur suggérer les lectures qui le leur rendra possible) l’arbitraire du texte qui vient de naître comme leur forme esthétique singulière et affirmée.

On a tout ça, mais dans les limbes. Je ne sais pas, pour chacun d’entre vous, si vous avec constitué un fichier texte avec chacune des propositions ou bien les avez rassemblé dans un seul fichier d’ensemble, mais c’est l’étape indispensable : non plus, dans ce fichier qui rassemble les propositions successives, les intituler d’après la proposition, ou les faire suivre selon l’ordre de rédaction chronologique, mais les disposer comme une suite d’ébauches sur la même toile, et peu importe les blancs, les écarts ou les manques. D’une part, cette logique de la polyphonie narrative (excusez-moi, il doit y avoir des mots savants mieux appropriés) a toujours fait partie de l’histoire de la peinture, mais nous connaissons tous des travaux majeurs dans lesquels ces zones d’isolement ou d’écart entre des éléments fait partie intégrante de l’esthétique d’ensemble.

Mais, là encore, pas se précipiter. L’idée : cheminer lentement, pragmatiquement, pour que l’ensemble des pistes suivies nous amène chacun progressivement devant ce qu’elles désignent, et que nous ne connaissons pas encore. Ne pas régler tout de suite les problèmes, incohérences, manques ou absences (à commencer par la logique de construction, qui ne peut être que rétrospective).

Le texte que je vous suggèrerais de lire à cette étape, toujours en cheminant vers Marguerite Duras, c’est La mort du jeune aviateur anglais dans Écrire (ou l’écouter ici). Cet arbitraire, ce composite de la construction, l’abandon à obtenir de soi-même elle en parle au même plan que l’histoire elle-même.

Une fois ces masses disposées dans le fichier global, on va les laisser cheminer les unes vers les autres, se transformer chacune par l’effet de cette mise en présence.

C’est là qu’intervient cette proposition ° 7. Choisir un fragment parmi les 6 (plus 6bis !) déjà rédigés. À votre convenance, au feeling. Pas forcément besoin qu’il soit long. La force de l’exercice sera d’ailleurs beaucoup mieux mesurable si on l’applique à un extrait court qu’à un extrait long.

Concrètement ? Voici deux textes joints cette lettre.

Le premier : un extrait de W de Georges Perec (chapitre VIII, p 45-63 du poche coll. Imaginaire), ce sera la mode d’emploi. Dans une première approche de ce travail autobiographique, il écrit un premier texte de 3 pages (dans l’édition de poche) tout ce qu’il sait de sa mère, disparue à Auschwitz. Le lendemain ou les jours à suivre, il découvre n’avoir pas su orthographier avec justesse le nom révéré, Cyrla Szulewicz. Bousculé, il insère dans le premier texte 26 appels de notes, lesquelles notes couvrent 8 pages de l’édition de poche, texte donc plus long en lui-même que le texte initial. Le génie de Perec dans W, c’est de laisser dans le livre définitif la juxtaposition des 2 étapes (les 6 pages dans leur état initial, puis les 8 pages de notes numérotées) plutôt que les fondre en un seul texte. Sur le fragment que vous aurez choisi, je vous appelle donc à multiplier ces appels de notes, jusqu’à saturation ou exhaustivité, sans chercher à les intégrer, et les considérer comme un texte autonome.

Le second : un extrait de L’Amour de Marguerite Duras (1971) pour définir l’intentionnalité ou le territoire de ces notes. Lire les fragments successifs recopiés et isolés : cadrage et lumière (le même lieu vu d’une focale autre, distante ou grossie), heures (le même lieu vu la nuit), bande-son (même si dans le texte sont évoqués des bruits ou des sons, on en fait k’écriture exclusive d’une note), panoramique (si on se retourne, on voit quoi, si on va à la fenêtre latérale, on voit quoi), précision d’objet (on a mentionné tel objet : le décrire au plus exhaustif), bribes de paroles ou dialogues (le texte n’avait pas à mentionner tout ce que disent les personnages, ici oui, même s’il s’agit de la pluie et du beau temps, retour à L’été 80), et encore, par exemple, notes qui sont comme de journal intérieur, réflexion sur l’écriture même, ou bien sur ce qui vous rattache à cet instant ou à ce lieu, ou anecdote relative à ce lieu en autre période.

Donc tout cela très libre. Mais une consigne très précise : isoler un fragment, de 10 à 25 lignes par exemple, dans tout ce qui a été écrit depuis début juillet, puis lui appliquer le système Perec de l’appel de notes. Et s’appuyer sur le territoire Duras pour déceler, secouer, atteindre ou agripper, tout ce qu’on a à écrire sur ce fragment.

Bonne route, bonne rentrée !

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 août 2013
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