15.04.24 | les vieux pneus font la bonne santé

usages imprévus et bénéfiques des pneus de récupération – source : Les Échos


1 _ COMPRESSION

Il y a bien longtemps qu’on n’utilisait plus le caoutchouc pour fabriquer les pneus. Rappelons que l’invention du pneu a été une formidable avancée, nous protégeant des irrégularités du sol, augmentant les vitesses de roulement. Longtemps avec chambre à air et puis sans. Quelle misère de n’en rien savoir faire : on les envoyait brûler dans les cimenteries du Maroc. Maintenant on sait que les opportunités sont multiples : dans les revêtements des parois des bâtiments neufs des villes, ils servent d’isolant acoustique. Ils servent aussi, c’est un paradoxe ou un renversement, pour les tapis ou les pistes de course des sportifs, ou bien à l’immobilité qu’on s’offre sur les gazons synthétiques : on ne ferait pourtant la sieste en bord de piscine sur une accumulation de vieux pneus. Incorporé dans le béton, les immeubles devenaient plus souples et « plus résistants aux séismes ». Un dernier paradoxe voulait qu’on puisse faire des routes elles-mêmes les cimetières de ces pneus qu’elles seules avaient poussé à inventer : incorporez du vieux pneu dans le bitume, la route vient d’elle-même au souple contact de ce qui y roule, en limite le bruit, en multiplie l’adhérence, en diminue efficacement l’énorme bruit dont nous souffrons tant. De nombreux pays, mais pas encore le nôtre, l’avaient déjà compris.

 

2 _ RENVERSE

Désormais cela semblait sans limite : tout avait commencé lorsque, au lieu de brûler ou de rechapper, on avait commencer à séparer l’armature en toile métallique des pneus modernes, de ces granulats qui avaient remplacé le caoutchouc initial. On les incorporait aux peintures, aux bétons, aux routes. On avait compris qu’en les réduisant à une impalpable poussière leurs propriétés pouvaient ainsi être incorporées à des surfaces planes, à des structures fixes, fournir des sols ou au contraire aider à la gigantesque élévation des villes. Un jour, un ouvrier sur de ces chantiers était tombé. Cela arrive. Mais on eut la surprise, des dizaines d’étages plus bas, de le voir rebondir et se relever. Depuis des mois ces hommes manipulaient ces nouvelles poussières. Alors par jeu on essaya : dans la joie de voir leur camarade indemne, des hommes sautèrent du premier étage, puis du second, puis du troisième. On mena une sérieuse enquête. Maintenant tout cela est bien connu, et a constitué pour l’homme une révolution presque équivalente à celle du remplacement par le pneu et sa chambre à air des anciennes roues en bois cerclé. On trouve de ce granulat dans les céréales, les pâtes, les produits à tartiner, et certaines boissons énergisantes. Un seul slogan : l’homme craint moins les chocs. Le granulat de pneu ingéré protège certes des heurts physiques et ce n’est pas négligeable (les performance sportives du type saut en hauteur avaient énormément progressé), mais protège surtout des chocs intérieurs – chagrins, deuils, déprimes, le granulat aidait à traverser la rue moderne. On disait même que les anciennes usines à pneus vides en retrouvaient progressivement une nouvelle santé.

 

3 _ SOURCE


 LES ÉCHOS


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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 avril 2015
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