13 | self sur passerelle d’autoroute, Saint-Avold

tags : routes & autoroutes, Saint-Avold, 2019


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et devenu assez massif, mais non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

13 | self sur passerelle d’autoroute, Saint-Avold


Et puis une carte du temps aussi : mais il ne s’agit pas ici de rien révéler de qui a été mêlé à ton chemin maigre, ce sont des éclats, si tu ne te souviens pas des visages il y a facilement pourtant le contexte, le visage se détache en gros plan comme saisi avec la distorsion d’un grand-angle, la mémoire des bruits, musiques, voix est précise aussi, et quelle a été la courbe d’approche ou au contraire l’attente du serveur ou de la serveuse puisque c’est ce qui qualifie les bars, bistrots et restos, quand bien même la caissière dans cette aire d’autoroute au bout du long ruban du self et la nuit tout autour, ces plats qu’on choisit selon le critère du non-nuisible mais les autoroutes aussi tu pourrais les pointer sur la carte et partir du plan pour définir sur chacune, comme en maths on le faisait à l’équerre et le compas, les aires d’arrêt habituelles ou là où on la quitte, l’autoroute, pour un chinois de périphérie ou la cafétéria d’une zone commerciale, cette nuit tu n’en dormais pas, de l’avalanche des fractions d’images ainsi retrouvées mais les différencier comment, et les isoler des visages en gros plan, comme sur un logiciel son enlever la voix et ce dont tu te souviens des mots ou pourquoi tu t’en souviens, des mots, et ne garder que l’ambiance, ce sont des lieux qui semblent ne pas tolérer le silence, une avalanche donc et plus flottante pourtant la seule image que tu garderais au devant, à cause justement du visage en gros plan même si la musique d’ambiance est vulgaire ou trop forte, on la fera, la carte des autoroutes mais là tu te souviens de cette camionnette de location et d’être parti le samedi matin pour arriver au soir en Allemagne c’était pour un déménagement, dix heures au volant du bahut bringuebalant tu t’en promettais et puis, sur ces autoroutes transversales, en gros trois arrêts, le premier pour un café tu ne t’en souviens pas vraiment, imaginons pris au comptoir plutôt qu’à la machine, sur ces alignements de viennoiseries de synthèse et puis t’asseoir à une table banale avant de repartir assez vite, vers 14 heures sortir de l’autoroute pour un gros supermarché mais dans la galerie tout fermé sauf une boutique de plats asiatiques tout prêts à réchauffer, ça se dissoudrait dans ta bouteille de Coca-Cola et l’ensemble t’aurait coûté moins de dix euros, une dame avait amené deux enfants à l’autre bout de la rangée de tables que tu occupais, tu lisais tes mails et réseaux sur ton téléphone et avait photographié ces lumières bleues au-dessus d’une de ces images d’Asie stéréotypée encadrée de dorures, pipi et reparti, c’est seulement ensuite au soir tombant, peu avant la frontière donc Saint-Avold par là, que tu te souviens d’un sandwich un peu caoutchouc et double café sur vieille passerelle déglinguée posée en travers de l’autoroute, des tables et chaises plus ou moins assorties bleues et toi contre la vitre en courbe voyant dessous passer les camions mais te dire que peut-être le rêve était fini, que c’était bien au-delà et plus loin, les voyages, le GPS de ton téléphone t’annonçait à mille kilomètres ton arrivée à la minute près puis décomptait tes pauses, ç’aurait été parfait pour penser ou écrire mais justement, rien à penser ni rien plus à écrire, tu repartais, il fallait lutter dès l’Allemagne contre la vitesse qui grimpait, l’assaut des phares blancs, les travaux parce que les autoroutes là-bas ne sont plus ce qu’elles étaient et voilà et voilà.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2022
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