40 | Vitry Port-à-l’Anglais, commencement de tout

tags : Vitry, usines, 1977


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

40 | Vitry Port-à-l’Anglais, commencement de tout


Et autre comptoir parce que le même jour où tu écris ça, une dépanneuse vient récupérer ta voiture immobilisée suite gros choc taule — pas d’autres dégâts, mais ce type probablement téléphone au volant qui a fait une embardée et franchi la bande blanche, percuté l’avant-droit et ça aurait été un cycliste au lieu de ta brave charrette ç’aurait été bien pire — donc assis sur la banquette de la dépanneuse qui en a vu bien d’autres, envoyés par l’assistance dans un garage qui se révèle dans l’impossibilité de faire les travaux, retour au dépôt de la dépanneuse où il n’y aurait eu aucune raison sinon de se rendre, un hangar au mur lesté de ces bras bleus qui soutiennent sur trois niveaux des carcasses en attente, des carcasses incendiées brûlées et toi qui récupères ce que tu as à reprendre, dont le calepin même où tu notes ce qui te vient pour ce livre, et que tu laisses désormais dans le petit vide-poche en permanence, mais quand tu avais vu la destination : Vitry-sur-Seine, Port-à-l’Anglais, quai Jules-Guesde c’est là exactement qu’était l’usine Sciaky où douze cents personnes travaillaient en novembre 1977 la première fois que tu t’y présentes, déjà plus que neuf cents en mai 1980 quand tu décides de rompre : à Austerlitz on prenait la ligne C et en descendant à Vitry dans l’angle des deux rues il y a toujours sous le tunnel du RER une brasserie en angle qui s’appelle le Départ, tu regardes sur Street View, rien à voir avec cette agitation serrée, cette proximité rapide, ceux qui tournaient au petit blanc ou l’expresso qu’on te servait d’office ta pièce de 1 franc laissée et puis au revoir il restait douze minutes de marches et c’est précisément la scène d’ouverture du livre qui certainement n’était pas dans ta tête à l’époque même comme envisagé même comme possible, même si tu traînais dans ta sacoche (oh ces réflexions prises parce que les hommes avaient droit à une « pochette » à peine plus grande que leur portefeuille et c’était mal vu le sac en bandoulière avec assez de place pour le cahier et le livre, rien que ça suffisait à classer son bonhomme), revenir à pied gare de Vitry et ah, au fait, ça m’est arrivé il y a quatre ou cinq ans, revenant du MacVal j’étais descendu à pied, étais allé jusqu’à l’ancien portail de l’usine je l’avais photographié fermé abandonné, retour Street View tout ça démoli maintenant petites résidences neuves, les noms de rue dans le quartier : Charles-Fourrier, Saint-Simon (mais pas le duc) ça ne t’aurait pas préoccupé et quand tu cherches sur Wikipedia à quel numéro précis était l’usine, au coin de la petite rue du Port-à-l’Anglais et du quai Jules-Guesde, entrant Sciaky Vitry c’est ton livre qui est cité comme référence, attestant donc d’une réalité qui est celle-là même, disparue, que tu cherchais à rouvrir — un taxi quelques vingt minutes plus tard, affrété par l’assurance, nous avait convoyé retour à Montparnasse, rien vu d’autre que Vitry mais sûr qu’en revenant du MacVal, descendu du bus à la gare RER puis continuant à pied, si la brasserie le Départ t’avait fait un clin d’œil tu serais rentré, tu l’aurais au moins photographiée et puis non, close sur elle-même comme à Pompéi on désenfouit des échoppes saisies dans l’instant même de leurs tâches du jour.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2022
merci aux 326 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page