#photofictions #02 | Mario Giacomelli, poésie de l’extrême proche

un cycle où s’appuyer sur les grands photographes pour des explorations narratives inédites


 

 

#photofictions #02 | Mario Giacomelli, poésie de l’extrême proche


Pour faire connaissance avec Mario Giacomelli, cette vidéo où on visite même son atelier :

Se souvenir du premier confinement, même si ce n’est pas un détour obligé, et de périmètre d’un kilomètre de rayon dessiné autour de son domicile : vous pouviez être photographe, filmeur, ou simplement avec livres, carnet et crayon, c’est l’extrême proche qui devenait la seule relation visuelle à la vie matérielle, hors la sphère privée et les écrans de la relation au monde. Notre rapport esthétique aux formes, couleurs, cinétiques, dans le beau silence général institué, valait-il celui de la découverte des villes, des langues et visages qui ne sont pas les nôtres, ou de la contemplation humble des faits de nature ?

Mario Giacomelli est entré dans l’histoire de la photographie, et il y tient une place majeure, en relevant d’avance ce défi. Sa petite ville italienne de Senagallia, le travail par séries, un protocole photographique (avec l’appareil Kobell qu’on découvre dans la vidéo ci-dessus) constamment appliqué quasiment sans variation (sinon la présentation par diptyque, ou une série dans son village natal de Scanno, et une autre lors d’un voyage à Lourdes, une série enfin via vue aérienne ?).

C’est ce défi dont nous allons nous-mêmes nous saisir pour écrire, et c’est un défi de fiction. Comme annoncé pour ce cycle, on écrit à deux voix, on écrit deux textes distincts, même si ensuite les deux textes se mêlent (ou non, restent séparés, joints, encadrés...) dans une même unité via des italiques ou un décrochement typographique.

Premier texte : on n’a pas à bouger de son fauteuil. Mais, simplement, des listes d’instructions : dans cet extrême proche, quoi photographier, un inventaire. Pas seulement : ce qu’on désigne comme étant un possible sujet/objet de la photographie, comment le rejoindre et comment s’y prendre.

Deuxième texte : la photographie elle-même, si l’inventaire ci-dessus nous en propose une dizaine (oui, pensez dix, quitte à ce que soit une série d’indications brèves, mais attention : sans jamais tomber dans la seule liste), on en choisit trois et trois brefs paragraphes nous décrivent cette image, nous la décrivent indépendamment de sa présentation spatiale dans l’inventaire, et des instructions préalables qui s’y sont inscrits.

Mario Giacomelli parce que, quelle que soit la série, la qualité abstraite, la distance focale au sujet, l’esthétique absolue de l’image, la démarche artistique et l’autonomie de l’image n’en sont pas affectées. On a affaire au même tranchant de la beauté, et surtout des surtout sa même intensité humaine : c’est en pensant à la main des paysans de son environnement immédiat que Giacomelli s’en va avec son copain aviateur photographier les sillons des champs qu’ils cultivent.

Photographie ? On enlève ce manteau, on le laisse aux photographes. C’est bien d’image textuelle, du statut de l’image dans le récit qu’on traite.

Ce qu’on prend résolument à Mario Giacomelli, c’est la contrainte, c’est le protocole, c’est la règle de ne se saisir, pour sujet/objet, que de l’extrême proche. Mais lui se qualifie bien (et nul pour le lui dénier) de poète. On ouvre le visible, ou bien — mais dans l’extrême proche — on fait accéder le réel au visible, par la hauteur même du geste esthétique.

Deux post-scriptum :

 1, « l’extrême proche » : bien sûr, c’est à vous d’en déterminer le périmètre. Extérieur, intérieur (ou les deux merci). Mais à quelle distance spatiale : l’extrême proche qui était le mien la semaine dernière lors de ce workshop ? ou quelle distance temporelle : la petite ville qui était celle des années collège et lycée, est-elle moins précise dans la convocation mentale que ce qui m’entoure là à l’instant ?

- 2, et bien sûr vous n’avez pas attendu cette proposition d’écriture pour comprendre tout cela, Mario Giacomelli ou pas. Votre compte Instagram est déjà peut-être tout bâti sur ce principe (non non, je ne vise personne). Alors, comment suspendre le geste photographique (on fera bientôt détour obligé par Vilèm Flusser) pour lui substituer le geste littéraire ?

Alors bonnes écritures !

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 septembre 2022
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