#été2024 #33 | Samuel Beckett, le mot phrase

le cycle été 2024 de Tiers Livre



 sommaire général et présentation du cycle été 2024 (plus inscriptions) ;

 la page unique Patreon avec récap des consignes écrites et téléchargements fiches d’appui (ou via lettre mail dédiée pour les participant·e·s non abonné·e·s) ;

 l’ensemble des participant·e·s à ce cycle reçoit directement par lettre mail dédiée les nouvelles propositions, le journal de bord, et les fiches d’appui ;

 problème d’accès WordPress ou réception lettre mail : nous écrire !

 

#33 | Samuel Beckett, le mot phrase


Mystère de nos bibliothèques d’outils, si différentes de nos bibliothèques de lecteurs : parfois, trop vertigineux pour construire rampe d’accès, surtout rampe d’accès qui mènerait à l’écriture autonome de qui on accueille, plutôt que nos retours hallucinés à ces livres-énigme.

Et c’est bien sûr de Samuel Beckett que je parle.

Et, dans le continent Beckett, un de ceux qui me serait le plus précieux, Têtes-mortes publié en 1967 et incluant ces brefs inépuisables que sont Imagination morte imaginez et Bing.

Mais, en 1972, Minuit publie une version augmentée d’un texte écrit en 1969, et qui s’intitule Sans.

C’est ce texte que je vous joins dans le dossier téléchargement.

Un mouvement d’abord symétrique, un paysage qu’on dirait presque conceptuel à force de géométries, à force de monochromes, alternant avec des passages incluant personnage au « il », et verbe au futur (pour le son du « a » de la troisième personne ?).

Et puis les passages d’abord s’interpénètrent, le personnage traversant les paragraphes avec paysage, et puis le paysage, avec son « ciel gris sans nuage », et son « terre ciel confondus », ces « ruines vrai refuge » au premier plan, occupent seul la place.

Récurrence mâchée des motifs. Immobilité comme hors temps, comme le paysage est sans souffle ?

L’impression d’une suite de phrases nominales mais non, les verbes restent discrètement présents.

Pourtant, et encore plus à lire à haute voix, une scansion qui n’appartiendrait qu’à Beckett, voire qu’à ce texte seulement : chaque mot est une phrase. Le paragraphe ne se constitue pas comme récit (linéarité) depuis les phrases qu’il contient, mais chaque « phrase » est une unité de type paragraphe, dans lequel chaque mot doit être considéré avec l’indépendance, l’autonomie et la pleine coupe ou séparation d’une phrase.

Et c’est cela, seulement cela, la proposition #33. Non pas développer la part visuelle d’un texte. Plutôt rouvrir ce qui est pour chacun la frontière vive entre narration et poétique de la prose.

Comme les précédents (et ceux à venir) de ce début de quatrième boucle, on pioche dans la réserve des 30 premiers textes, et on construit dans l’interstice, on repousse les bords.

On se saisit, un intérieur, un carrefour, un bout de route, une vue de sa fenêtre, un rêve, d’un paysage sous-entendu ou juste évoqué en marchant dans le texte-source (voire : plusieurs).

Et c’est là qu’on se saisit de ces mots pour les dresser, un mot valant phrase, et insérer les géométries, couleurs, temporalités d’une scénographie évidemment abstraite.

Et si la grande hauteur de Beckett, c’était justement la façon dont son abstraction nous offrait la part la plus vive, la plus concrète, rugueuse, rémanente et onirique, du réel le plus ordinaire ? Aucun mot rare ici, juste la façon dont il les dépouille pour qu’ils se réorganisent.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 25 juillet 2024
merci aux 262 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page