Tiers Livre, le journal
c'est donc à Civray que je lisais et relisais Balzac
(mémoire province encore, mais autrement)

Toujours l'immobilité qui fait qu'on prend une petite pause en alimentant ces pages journal, alors que je n'ai pas l'intention de m'y astreindre tous les jours. C'est plutôt cherchant ce qui me fascine chez Balzac, et en particulier cette illusion de déambulation dans des lieux comme en reliefs, avec leurs variations de lumière, la durée de temps qu'ils contiennent, et comment sans doute, dès le début d'Illusions perdues, je pouvais reconnaître mon propre paysage, après tout la Charente traverse Angoulême soixante kilomètres après qu'elle a traversé Civray.

J'y suis retourné il y a deux ans, c'était avec Jean-Luc Tarradillos, le complice qui anime la revue trimestrielle Actualité Poitou Charente, devenue un drôle de rendez-vous entre voyageurs, scientifiques, urbanistes ou archéologues, et artistes ou écrivains. Je n'étais pas revenu depuis longtemps. Les magasins du centre-ville, Chauveau, Chandernagor, Gazonneau, ont migré vers la périphérie, comme d'ailleurs nous-mêmes on avait fait. Les rues qu'on connaissait étroites, reste de leur dessin médiéval, sont mortes. Il reste des assurances, les marchands immobilies (bilinguisme obligé: les Anglais rachètent beaucoup) et tous les métiers qu'entretient d'abord la gériatrie: kinés, orthopédie. J'ai photographié beaucoup de portes, de magasins. Le garage Laffont avait simplement baissé ses grilles, comme s'il devait un jour rouvrir, et le cinéma Le Paris simplement retiré ses affiches des vitrines: mais depuis combien d'années? Tout s'arrête et demeure. Le lycée, qui nous enfermait dans de hauts murs, avait mis bas celui qui ouvre sur la route: étrange, quand, même à quarante ans de distance, on a souvent des rêves qui reviennent dans ces lieux et ces cours (n'est-ce pas, André Servant).


On s'était laissé prendre par le temps, avec Jean-Luc, et il n'y avait plus de lieu où manger. On avait repris à la nuit le chemin de Poitiers. Tout autour de Civray, une rocade, même en petit, depuis la route de Ruffec jusqu'à celle de Poitiers, et là, où à Savigné, sont au moint trois supermarchés à se faire concurrence dans les rabais. Centre mort, parkings et rayons standardisés. J'avais écrit pour Jean-Luc et son Actualité Civray, ville complète. C'est l'impression qui reste de ces années collège et lycée, dans l'avant 68. La petite ville voisine et concurrente, Melle, a fait d'autres choix: les logements du vieux centre reconvertis en logements sociaux, la halle, détruite à Civray, devenue un rendez-vous du dimanche, un cinéma neuf extorqué à force du Crédit Agricole, qui souhaitait implanter son agence dans le centre en dérogeant à l'obligation de fournir des places de parking: Melle résiste et tient.

Je ne sais pas ce que je cherche exactement, ces jours-ci, où il y a de retrouver en soi les images et trajets, les chambres des années 70, et ce que cela suppose de nouvel ancrage là où pourtant on est si souvent soi-même déjà passé. On le fait à tâtons. Pourtant, je n'aurais pu y parvenir il y a encore seulement 3 ans via la collection d'images numériques, faites ce jour de mai 2002 et qui, disponibles dans le disque dur, m'autorisent à réarpenter la ville. Et puisque c'est Balzac que je cherche, un petit clic dans la Concordance Balzac, et en quelques minutes je crée un fichier comportant les 824 occurrences du mot province dans la Comédie Humaine. Quelques minutes de plus et voilà un cut-up comme une dérive à mon seul usage: mariner dans le mot et qui s'y associe. Est-ce que la ville du 19ème siècle contenait en germe son sommeil d'aujourd'hui?

Un jour venu, moi et tous les autres nous avons pris notre sac de sport et sommes partis chercher du travail à Paris ou plus loin. Certains jusque chez les Indiens, comme Marie Mauzé. Aujourd'hui on dirait que le flux s'inverse: le TGV vous ramène à Poitiers en 1h30, on peut bloquer ses jours de travail ou bien profiter, comme je fais, de l'ADSL. Alors peut-être qu'on pourrait regarder d'autre façon le ciel d'ici, pour se réinterroger sur ce qui nous place à tel endroit plutôt qu'un autre, et pour quoi y faire? Ainsi récemment, à propos des paysages du photographe Marc Deneyer...

Mon cut up Balzac: étapes sans suite, dans l'impasse où doit longtemps attendre, et palper bien des murs.

FB, le 19 décembre 2004

comme dans une ville de province
venant de leur province comme je puis en sortir
car tout se sait en province
en province comme à Paris, monsieur, lui répondit-il
l'existence pâle de la province
L'art est timide en province
aux gens nés en province
qui révèlent en province ces passions si difficiles à cacher
comme les gens de province calculent tout
tristes amours de la province
le mot dont on se sert en province
Que devenir en province
et mariez-vous en province
en demeurant au fond de sa province
résumait toutes les idées de la province
celui de province comme celui de Paris
aussi difficilement en province qu'à Paris
aussi luxueusement en province qu'à Paris
curieuses figures enfouies en province comme de vieilles médailles
n'avoir de la province que ce qu'elle offre
toutes les imaginations de province
souriaient au poète de province
préjugés que l'on conserve en province
Il existe en province deux conversations
votre haine de province
victoire de la province
La province croit toujours aux trésors cachés
que la province cultive avec amour
en voyant la femme de province dans sa sphère
différence qui distingue la femme de province
Il y a dans le coeur d'une femme de province des surprises
Le bon sens de la femme de province
Au lieu de calomnier la femme de province
défiez-vous des femmes de province
la vraie fille délurée que la province envoie journellement à Paris


 

ne pensant à la province que pour lui demander de l'argent
Rien n'explique mieux la vie de province
En quelque ville de province que vous alliez
si rare en province
les journaux de province
où les commerçants de province
rencontrer des gens à qui parler en province
la vie de province dont la monotonie
qui empestent la vie de province
sur le théâtre étroit de la province
comme il est sorti de sa province
une gaieté de province
il est dans l'esprit de la province
il est permis à une province de se reposer
dans certaines villes de province des maisons
Ha ! ha ! mon garçon, la province est la province
l'exagération en se prenant aux riens de la province
Aucune démarche de ce genre n'est secrète en province
Personnes qui n'ont point, peu ou prou, vécu en province
se caser pour toujours en province
le silence solennel de la province
qui n'existait plus qu'au fond de la province


Comme dans toutes les villes de province
la cour de province , froide et proprette
La comparaison de la vie de province
dans les douceurs de la province
des ridicules de la province
une fidèle image de la province
le programme de l'amour en province
Fais des folies en province , fais-y même des sottises
si tu ne me dis pas pourquoi tu restes en province , je me fâche
En province , la vie à l'état d'observation
à observer en province
des usages et des vieilles choses de la province
En province , le défaut d'occupation et la monotonie
l'horizon borné de sa province
par les rumeurs de la province
l'influence de la province
les caquetage de province
si peu de largeur en province
les habitudes des gens de province
un voyage en province
ne jamais vivre en province
j'arrive du fond d'une province
de l'existence en province , et dont la durée, la persistance
la province est la province
cette sourde envie qui, en province
L'esprit si gai de chaque province
lentes économies qui se font en province
cercle étroit de la province
autant la jalousie de province
mais nous sommes en province , monsieur
En province il n'est pas permis d'être original
En province il n'y a ni choix ni comparaison
Cette chambre sentait la province
un de ces dîners de province
des coins de province
grise et lourde atmosphère de province
qui se voit tous les jours en province
les misères de la province
votre oisiveté de province
les méchancetés de la province
les amours-propres de province
mouvement ascensionnel de la province
Ces détails peignent toute la province
un esprit fort de province
du fond d'une province insoumise
un laisser-aller de province
raison de se défier d'une province
Dans les ténèbres de la province
vivant au fond de la province
la curiosité presque toujours sans aliment en province
comme dans toutes les villes de province