L'Olympia, vu d'en bas...
les Rolling Stones à l'Olympia le 11 juillet 2003

photos de scène prises à Sympathy for the Devil

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En remerciement à Jean-Marie B.

 

Une journée comme ça, évidemment, nous on la commence avant qu’eux ils soient réveillés. En tout cas, au George V, à 13h, chambre 431, pour se faire imposer le bracelet «accès libre», gros bras pas très bilingues mais polis, climatisation, Lisa Fisher croisée dans le couloir donc c’est bien par là, et puis le côté un peu dérisoire de cette dame qui fait payer 56 euros les entrées : ça payera quoi ? Recommandation faite à des braves gens de rabattre leur manche sur le bracelet, de ne pas trop le montrer, bof.

Bon, on décide d’y aller tout de suite, de toute façon je ne sais pas ce qu’on pourrait faire d’autre, ou à quoi on pourrait penser d’autre. Devant l’Olympia, des barrières, et dans les barrières ils sont déjà soixante ou quatre-vingts, pas plus. Des bouts de polystyrène pour servir de matelas, déjà pas mal de bouteilles d’eau qui craquent sous les pieds, et de papiers gras. On a confiance, on va tranquillement au bistrot d’à côté prendre une salade, on est juste à côté des mecs du son, pas les frenchies, ceux du Licks Tour, alors on les écoute, c’est déjà du dépaysement. Petit regard ému pour le lourd badge backstage.

Quand on revient pour se mettre dans la file, on comprend le coup du marqueur rouge : une Allemande, qui est la n° 4, juste devant la porte, numérote à mesure des arrivées. On aurait fait ça tout à l’heure, on aurait été les 85/86, maintenant on est les 215/216, c’est rude même si c’est pas grave. Dans les 80 premiers, Philippe Puycouyoul, qui est arrivé le matin à 7h, nous dit que 45 places ont été remises en vente à l’ouverture. Philippe, depuis plus de 20 ans, tient le journal de tous les concerts auquel il a assisté. Dans le livre qu’il a publié l’an dernier, ils sont numérotés jusque vers le 1800 ième, dont son récit épique des Abattoirs, attrapé par les vigiles pour délit de vouloir monter sur scène, et casé par terre la tête contre le baffle de Wyman avec injonction de ne plus bouger jusqu’à la fin du concert. Pas revu Philippe à la fin, tu me le raconteras, ton 2500ème ? Bon, il devait être premier rang « côté Keith », puisqu’il y a toujours un côté Keith alors que moi j’avais trahi, j’étais en plein milieu, mais sachant que cette tournée Keith c’est là qu’il est, désormais.

Est-ce que c’est long, d’être debout sur le trottoir de l’Olympia, de 15h à 19h ? On discute. Chouette parce que c'est un peu tous les âges, parce qu'on ne demande pas l'état civil, et chouette parce que ça parle un peu toutes les langues, trois du Japon, cinq d’Italie, quatre de Hollande, deux de Suisse, et beaucoup ayant déjà fréquenté la tournée, à Munich, à Marseille, aux States. D’accord, les sujets de discussion sont plutôt mono que stéréo, mais on balaye large, sur les plus anciennes énigmes, sur nos possessions rares… Jean-Marie, que j’accompagne, je ne raconte pas tout. L’invitation qu’il m’avait faite, comme si c’était tout simple, qu’on aille ensemble à l’Olympia et qu’il se chargeait des billets, et comment lui, qui a découvert les Stones en 1963 et leur a toujours été exclusivement fidèle, a pu constituer ces derniers mois cette discographie en 3 DVD Mp3 de 2800 morceaux, il était déjà là le 17 mars 1965, c’est à lui que font référence les n° 244/245 dans la lettre SFD de ce dimanche, je me souviens très bien d’eux d’ailleurs, et donc salut. C’est Thierry D., de Toulouse, qui nous a récemment exhumé la prise live de l’Olympia mars 65, c’est le seul enregistrement que je connaisse où ils jouent leur grand Crawdaddy, le morceau qui les a fait émerger au Station Hotel de Richmond. Et Charlie Watts présente un des morceaux, en français, ce qu’il ne fera pas ce soir. Jean-Marie, quand il était étudiant cinéma à Los Angeles, s’est aussi retrouvé dans un des premiers concerts de la tournée 69, il était aussi à Bruxelles en 73, et pour Forty Licks il a enchaîné Bercy et Stade de France, à mon avis il devrait y avoir un passe permanent pour ceux de son genre. Mais, dans la file, un type d’à peine 30 ans nous dit qu’il en est à son 300ème concert Stones… Vers 16h30, le bus Mercedes rouge aperçu devant le George V entre tous rideaux tirés, repartira vers 17h15, ils ont fait le sound check.

Ça m’a soufflé, le coup du marqueur, parce que nous, les 250 premiers, on s’est retrouvé à 18h enfermés les premiers dans les barrières, mais sans triche, sans bousculade, sans rien d’agressif, total respect. Ouverture, vigiles comme à l’aéroport, mon petit Olympus est hyper discret, mais confisqué quand même. Seuls les veinards dont le portable fait des images mettront en circulation des clichés numériques. C’est un peu dérisoire, puisque ce qu’ils nous proposent c’est une image, et je suis même pas sûr que je l’aurais sorti, mon Olympus : dans le gros son, on avait autre chose à faire, vivre, penser. Autre attente devant la porte de la salle, grand sprint et ça y est. La scène, le trou où vont s’installer les cameramen (par moments faisant circuler d’épaule à épaule les Betacam pour des plans de la foule vue par la foule, ou demandant à telle ou telle fille de montrer son tee-shirt « Keith gives me all I want » ou la petite langue à diode clignotante si kitsch. Un type de la sécurité qui, de tout le concert, assis sur le rebord, ne se retournera pas une fois pour savoir ce qui se passe derrière lui, mais nous fixera nous : ils ont pris un sourd, ou quoi ? Avec Jean-Marie on est troisièmes épaules, juste devant le proscenium, les narines de Mick on les aura au-dessus de notre tête. Pas plus mal placés sûrement que ne doit l’être Philippe Puycouyoul six mètres sur la droite. On ne peut pas bouger un orteil, on pourrait même lever les pieds du sol tant on est serrés, mais comme on est tous là pour la même chose, ça se passe étonnamment bien. Les Hollandais à ma gauche, j’ai déjà vu leur binette sur leur site Internet. Deux Américains tout près, on leur demande comment ils ont fait pour être là et pourquoi : l’un d’eux attrapera même la peau de banane que Ronnie lancera sur le public lors du band presentation (puisque Ronnie mange une banane à la pause), je sais pas s’il l’emportera en Amérique mais il en était très fier.

Première partie, The Burn, des petits débutants sympa mais bon, quand ils terminent, assez vite, on ne les rappelle pas. Theodora Richards, la fille de, bâillait à tout va dans les coulisses. On attend, White Stripes dans les baffles, le matos installé, les guitares sous l’enseigne Ron Wood à jardin, et celles sous l’enseigne Keith Richards à cour, comme si on pouvait se tromper. Voix dans le haut-parleur, silhouettes tournoyantes, c’est Start me up, ah bon, avec les caméras partout on s’attend à un spécial, mais spécial quoi, je m’attendais à Street Fighting Man mais finalement c’est leur rôle de ne pas nous donner ce qu’on attend. C’est clean, faudra autre chose, faudra plus mais quand ils enchaînent Live with me à la file, Keith soudain avance droit devant ceux de droite, ça y est, il prend confiance, du coup on n’entend plus Ron Wood mais ça veut dire qu’il y croit, on a l’impression que le bâtiment tremble, ce sera du bon. Pas d’effets de lumière, pas de grand écran, Charlie Watts tête de profil, c’est les baguettes qui nous regardent.

La masse orchestrale c’est le travail de Chuck Leavell, barbiche en gris sur joues bien roses, et les cuivres de l’autre côté, Bobby Keyes rondouillard en complet veston très classe. Mick dans son français aussi approximatif qu’en 1965 : « On va jouer les mo’ceaux moins connus, ça veut di’e nous aussi on les connaît pas bien. – Tu parles… » rétorque l’ami Jean-Marie. C’est Hand of Fate. Dans les pirates live de la tournée 75 on le trouve, mais toujours le bridge en décalé ou faux, ils ne l’ont pas repris sur Love you live, jamais rejoué avant cette tournée. Ils l’ont joué à Boston, 1st club show, en octobre, je l’ai, mais depuis l’ont rarement repris. Le bridge tombe juste. Everybody Needs Somebody to Love, Going To A Go-Go sûr qu’on ne va pas bouder. Par moments, j’ai l’impression que Mick, là tout près, aimerait que la salle ne chante pas, ne précède pas chaque refrain de son gigantesque écho sonore. Qu’il y ait plus de différence, côté foule, entre ce qui se passe pendant le morceau et juste ensuite. J’ai presque le sentiment qu’il va essayer de nous le dire entre deux morceaux, d’écouter et pas chanter, pour une fois (pour Brown Sugar, tout à la fin, en levant les bras sur le yeah, ça ferait presque colo de vacances…), il n’y arrivera pas. Stones égale monolithe collectif et c’est bien comme ça. Et ça accélère.

Keith semble amoureux d’une Gibson noire vintage, ça ne doit être moins facile à jouer, et bien plus lourd, que les Music Man ou autres machines récentes qu’il prend sur la fin, mais y a pas à dire, le son Gibson ça arrache autrement, peut-être justement parce qu’on ne peut pas se permettre de fioritures. Et Ronnie décollera peu de sa vieille Strato. J’avais visionné l’avant-veille le concert du Madison Square Garden en décembre (merci P. B.), qui tient au format VCD sur 2 CD-R, vive le progrès : ils en font, des grimaces, des entrechats. Là, ce soir, c’est straight. Même Mick a abandonné toute idée de jogging. Il est là à un mètre devant nous, plastique incroyable du visage en caoutchouc, son attention de fauve, genre grand félin, il nous regarde, cherche les têtes là-haut dans le beau monde, règle au boîtier ceinture les potentiomètres qui lui balancent dans les oreillettes (plastique couleur chair) le pre-mix de l’usine son qu’il a dans le dos. Pour danser, il s’enfonce le micro droit dans la braguette, dans le genre provoc gros plan pour le futur DVD, notre copain le cameraman se le prend à vingt centimètres.

C’est con à dire, mais deux nuits plus tard tous les rêves que je fais sont traversés de cette souplesse tendue, où même l’âge est un critère pris en positif, un corps en corde d’arc, tous les ligaments et tendons visibles, tout contrôle et tout jeté. Quand il se met au piano électrique pour son numéro de falsetto (vite doublé quand même par Chuck Leavell, qu’un des cuivres remplace à son propre clavier), puis prend la Gibson acoustique pour Love in Vain, j’ai un peu peur qu’on aille droit au show Jagger. Erreur : voilà Neighbours. J’ai écouté pas mal de CD de la tournée, ils n’ont jamais joué à ce tempo. S’ils ralentissent, ce sera pour Love train, donc mi tempo (avec son canotier style Maurice Chevalier sur veste mauve, sous prétexte qu'on est "chez Ediss' Piaf" là il nous prend pour qui, Uncle Mick? – heureusement, le revoilà vite en tee-shirt avec la sueur qui lui dessine le squelette comme sur une radio d'hôpital). Pauvre Jean-Marie, qui se félicitait de voir là, à un mètre cinquante, le solo d’harmonica de Can’t you hear me knocking, il vient de comprendre que c’est fichu, ils ont décidé que ce serait un spécial speed, et Rip this joint est avalé double tempo que sur Exile. Difficile d’avoir conscience de ce qui se passe dans la salle. Dès que le tempo monte, le sol monte et descend de cinquante centimètres sous nos pieds, c’est bon, on se croirait dans le bateau pour Ouessant, on pourrait être à leur hauteur et replonger… En tout cas, dans les dix premiers rangs, devant moi et derrière moi, tout le monde connaît toutes les paroles par cœur. On ne les a jamais récitées pour soi, et pour It’s only rock’n roll ou les autres on découvre qu’on les sait aussi. Devant au troisième rang, serré par l’arrière, on a l’impression d’être quatre-vingts dans la salle, et pas mille, pourtant eux ils doivent le sentir, ce halo de bruit et cris qui nous vient de l’arrière, arrive dans notre dos pour leur revenir sur scène. Keith est au centre et s’amuse, s’arrête de jouer trois secondes pour balancer un accord plaqué plein contretemps, les autres assument : les Stones c’est d’abord ce coup-là, la guitare qui dit merde à tout le reste pour raconter que c’est ça la loi du rock. Il joue à cinquante centimètres du sol, le front bien haut et sans bandeau, les dreadlocks à pendouiller derrière : les sosies de Keith qu’on voyait tout à l’heure dans la queue, ceux qui en étaient restés à la dent de cougar des années 70, faudra qu’ils révisent. Dans les solos c’est pas marrant, même au troisième rang ceux qui sont devant sont sur la pointe des pieds, on regarde tous la même chose, à peine un petit coin de manche entre un cou et deux épaules, et blang, c’est à nouveau Jagger qu’on a juste au-dessus de la figure, il se marre, il nous balance sa bouteille de flotte sur la tronche, touche trois mains, prend une rose… Quand on est rodé à la tournée, on sait que le band presentation vient en 10, qu’ensuite il y aura les deux morceaux Keith, et qu’on enchaînera pour huit autres incluant le bis. Est-ce qu’on aimerait être surpris ? Oui. Est-ce qu’on fait un drame de ne pas plus l’être ? Non. La surprise, c’est ce up tempo hypnotique, Get up Stand up, allons-y, et quand ça ira jusqu'à Respectable on sait qu’ils nous font un cadeau de pas tous les jours. On gambergeait là-dessus avec Jean-Marie, les jours précédents : tiens, un concert Stones uniquement sur le répertoire 64, Bo Diddley, Chuck, et les enregistrements Chicago 64… Moi j’aurais bien aimé un vieux Chuck, mais c’est Otis Reddding qui a la cote (Richards qui déclarait récemment, cher Roger, que si on l’avait laissé terminer Satisfaction à son idée, ça aurait ressemblé à la version qu’en a faite Otis…)

Alors oui, quand il nous balance, le vieux fauve déglingue, sous son masque à rides, Nearness of you que je n’avais jamais entendu, aussi déstructuré que sa participation l’an dernier à l’hommage Hank Williams, on sait qu’il ne triche pas, Keith, malgré ses poses, coude posé sur le micro, guitare abandonnée, avant de réattaquer par un vulgaire accord en ré majeur, mais qui se permettrait de jouer comme ça un ré majeur ? On est très loin du rock, Lisa Fisher et les deux choristes mettent la gomme soul, mais le rock on pourrait toucher du doigt son essence. La tronche au couteau de Ronnie se greffe en jumeau dans le jeu, on les dirait un instant siamois mais ils s’amusent.

À quel moment, dans la locomotive qui poursuit, Keith viendra là, sur le proscenium, à quatre-vingt dix centimètres d’où on est, pour ferrailler. Nous on a crié. Pourquoi on crie, je ne sais pas. C’est physique, c’est qu’il a quitté l’image. Les fringues, les postures, la précision du son, finalement tout est bien quand c’est là, mais nous on s’en fiche. Ce qu’il y a de mythologie sur leurs épaules, c’est l’histoire arrivée à des gamins de Dartford, et de croire que ça aurait pu tout aussi bien tomber sur nous. Alors quand il est là tout près, c’est comme s’il entrait chez vous. On crie, et lui un instant il découvre qu’on est là, dans les rides du vieux fauve je vois l’œil qui rigole, oui c’est bien celui des anciennes images, c’est le type maigre de 1965, le mutique et timide fils de Bert et Doris, avec les guitares trop grandes pour lui. Je crois qu’il l’a senti. Ici, en bas, les rockeux de base, on est quand même là pour lui. C’est peut-être Respectable, il nous jette son mediator, petite mêlée. Un peu plus tard, le mec qui l’a me le montre : « Je vais me le faire encadrer. Tous ils se battaient pour l’avoir, et moi, je le vois par terre à mes pieds… »

Pas facile, la fin, un grand escogriffe a réussi à se glisser jusqu’à notre rang, et tout son truc c’est de se secouer en regardant Mick extasié, les deux bras levés en l’air. Ce type fait une tête de plus que moi, pour lui c’est l’extase, mais pour moi l’extase n’empêche pas que ce soit plus raisonné : envie de voir Charlie, pile devant moi, et pourquoi de morceau à morceau ce n’est pas, mais pas du tout, la même chose entre les pieds et les mains, envie de piger ce qu’ils se disent avec leurs clins d’oeils, leurs grimaces, et tout ce qui se passe entre eux dans le milieu des morceaux, à quoi on découvre que le plus gros son du monde n’est pas, mais pas du tout, en pilotage automatique… Les petits gestes de main sur l’épaule, les interrogations… L’escogriffe sommaire, je découvre que si je mets mon pied sous les siens quand il se soulève, ça le déséquilibre, finalement il vire cinquante centimètres à droite, ça va mieux. Derrière moi, le grand américain me laboure toujours les côtes et moi je fais pareil aux fesses du mec devant mais là on est synchrones. Sueur, tabac, du son plein les oreilles : au premier rang, les routiers des fan clubs viennent avec des boules Quies dans le tympan, je trouve que c’est de la triche, oui les oreilles cornent à la fin, mais s’ils sont pas capables de tenir, qu’ils nous laissent la place, quoi…

Intro de Honky Tonk Women, Keith assis par terre sur l’estrade de Charlie, guitare à plat sur les genoux, et gratte le G ouvert de l’index et du medium, je me demande comment il va rebondir mais ça y est, il est debout, et le sol redevient trampoline. On a eu Jumping Jack Flash, ils s’en vont, on sait qu’ils reviendront, c’est le jeu, c’est Brown Sugar. Ou peut-être le contraire, tiens… On sait que le meilleur est derrière. Comme du théâtre : cette euphorie est forcément liée à l’instant vécu, au fait même qu’on ne puisse pas le repasser en boucle, comme quand je mettrai le CD dans mon autoradio de bagnole, d’ici peu. On boit un demi derrière l’Olympia, un conard bourré explique que c’était de la routine ce concert, ça nous énerve plutôt. L’ami d’un ami prévient que la suite c’est à La Suite, boîte branchée en face le George V, Jean-Marie se fait fort d’y pénétrer, on est devant, voilà Lisa Fisher et Darryl Jones en calme couple, sortie du samedi soir, moi je veux rester sur le solo de Respectable, l’œil qui rigole d’un seul coup quand on crie parce qu’il est sorti de l’image et venu tout près…

On a eu mieux qu’au Madison Square Garden, si c’était pour nous ou pour les caméras, on ne saura pas, mais ce partage, des types en bas, fesse à fesse, transpirant et criant ensemble, de tous pays et de pas mal d’âges mélangés, quand même quelque chose qui impressionne. On sait chacun pourquoi on est là (même si ce pourquoi est dans l’énigme même), et on sait que pour l’autre c’est pareil. La preuve qu’on a eu quinze ans, c’est que le fantasme sonore de nos quinze ans agit là, s’incarne là. Un gars qui connaissait ma tête m’aborde, à la fin, en sortant, et me demande gentiment : « Alors l’écrivain, pas blasé ? – Ah ben merde… » C’est tout ce que je lui ai répondu, comme littérature, au gars.

© F. Bon, 13 juillet 2003.