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incipit


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On ne développe pas un récit linéairement, une phrase à la suite de la précédente, mais comme par cercles concentriques qui reprennent cette phrase et agrandissent sa portée. En tout cas, c’est un fonctionnement qui vient sans cesse en opposition à l’idée d’une construction linéaire, opposition principale probablement entre une littérature basée sur le scénario (ou double scénario, comme H.P. Lovecraft et la tradition américaine) et une littérature basée sur la digression, comme Proust et la tradition européenne). D’où l’importance de l’incipit, à la fois ce qu’il ouvre et ce qu’il clôt, pour affirmer une énigme qui ne soit pas soluble dans son énoncé. Le livre d’Aragon Je n’ai jamais appris à écrire, ou les incipits, y était consacré — malheureusement, cette belle collection des Sentiers de la création chez Skira devient difficile à se procurer. Il y a par exemple ce passage sur le fait de recopier : l’image que recopier un passage ou une phrase d’un auteur à la main, c’est la même différence que traverser un paysage en voiture ou à vélo. Un artisanat qui précède l’écriture, parce qu’on est déjà dans écrire, avant d’écrire. Dans ma propre pratique, non par choix mais par enracinement, cette attente du départ de l’écriture se concentre uniquement sur cet incipit, et pas du tout ce qui va le suivre. Je suppose, d’où l’importance du travail de Claude Simon de la simultanéité de la présence mentale, que s’accumule une sorte de masse opaque, que la prise d’écriture ensuite va déplier. Ce que Raymond Roussel a établi de façon définitive avec ses Impressions d’Afrique, où la première phrase est sciée en deux pour en accueillir une nouvelle, et le processus répété jusqu’aux 300 pages de l’illusion du voyage en Afrique véritable et réaliste. Pour cela aussi que le premier jet (je parle pour moi, toujours) suppose cette tension préalable : on pourra le retravailler, on ne pourra pas le transformer. De même l’insert de cette prise d’écriture dans une routine pré-existante : si j’écris, c’est au réveil, probablement parce que les défenses sont moindres. Alors, si cette tension n’a pas provoqué l’écriture, eh bien j’attendrai le lendemain. Tant pis pour les heures vides, tant pis si c’est sans trop parler, sans trop lire, ou en choisissant précautionneusement ces apports du dehors, voix ou livres, ou images. Il faut du neutre. De plus en plus, ma capacité à rester immobile sur ma chaise, jambes sur la table, c’est comme un voyage en train. Se prépare l’incipit du lendemain.

entrée proposée par FB

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incipit : Longtemps j’ai prononcé ce mot de manière totalement fantaisiste et ridicule alors que je la pensais juste et savante. En prononçant le in à l’anglaise (dedans) et le c à la latine (comme on me l’avait appris au collège), en le faisant sonner comme un k. En fait il n’y avait qu’une syllabe que je prononçais bien : le t final. Aujourd’hui on m’a fait remarquer devant tous le monde que je me trompais que la prononciation juste de ce mot est « un.si.pit ». Je me sens encore ridicule. Désormais, je me méfie de ce mot, je ne l’utilise plus, j’ai perdu toute confiance en lui, je le crains, il me fragilise, je n’aime plus ce mot. Je lui préfère commencement.

entrée proposée par Cécile Bouillot

 



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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 avril 2021.
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