Le fait qu’Henri Michaux, dans la pièce nue où, une fois par semaine, il organisait sa « journée de silence », ne gardait qu’une table, un tabouret, et sur la table un broyeur à papier. Chaque version élimine la précédente. Risque pris, qui annule les arrières, mais contraint à rendre si fragile la version ultime que tout y résonne, tendu à l’extrême. On a des précédents : Baudelaire aussi détruisait ses versions, à moins que détruits lorsque malle évacuée par frère de Jeanne Duval, en tout cas les brouillons dont on dispose (Élégie des chapeaux) c’est pour les textes restés inachevés. Chateaubriand a fait disparaître les brouillons des Mémoires d’Outre-Tombe. Quand on voit la fétichisation à laquelle parviennent ces brouillons d’oeuvres canonisées, ou leurs dépôts religieux à BNF ou IMEC, on se dit que ce serait bien si cette pratique du broyeur s’était un peu plus répandue. Avec le numérique c’est plus facile : les versions antérieures ne subsistent que dans les disques durs fichus qu’on n’arrive ni à jeter ni à ouvrir. Instinctivement, depuis des années, je refuse l’idée de « brouillon » : quand un chantier est ouvert, c’est une toile à l’ébauche, qui restera la même toile (numérique) jusqu’à la publication (ou suite de publications successives). Petite nostalgie cependant pour ce qu’on nommait « cahier de brouillon », papier plus grossier, couverture pas belle, mais pas cher, gribouillable à merci.
entrée proposée par FB
2
brouillon : apprendre à en faire un but, faute de pouvoir éviter que tout se transforme en lui
entrée proposée par Brigitte Célérier
Tiers Livre Éditeur, la revue – mentions légales.
Droits & copyrights réservés à l'auteur du texte, qui reste libre en permanence de son éventuel retrait.
1ère mise en ligne et dernière modification le 7 avril 2021.
Cette page a reçu 137 visites hors robots et flux (compteur à 1 minute).
– index général du dictionnaire
– index des auteurs
– index des citations
brouillon
Le fait qu’Henri Michaux, dans la pièce nue où, une fois par semaine, il organisait sa « journée de silence », ne gardait qu’une table, un tabouret, et sur la table un broyeur à papier. Chaque version élimine la précédente. Risque pris, qui annule les arrières, mais contraint à rendre si fragile la version ultime que tout y résonne, tendu à l’extrême. On a des précédents : Baudelaire aussi détruisait ses versions, à moins que détruits lorsque malle évacuée par frère de Jeanne Duval, en tout cas les brouillons dont on dispose (Élégie des chapeaux) c’est pour les textes restés inachevés. Chateaubriand a fait disparaître les brouillons des Mémoires d’Outre-Tombe. Quand on voit la fétichisation à laquelle parviennent ces brouillons d’oeuvres canonisées, ou leurs dépôts religieux à BNF ou IMEC, on se dit que ce serait bien si cette pratique du broyeur s’était un peu plus répandue. Avec le numérique c’est plus facile : les versions antérieures ne subsistent que dans les disques durs fichus qu’on n’arrive ni à jeter ni à ouvrir. Instinctivement, depuis des années, je refuse l’idée de « brouillon » : quand un chantier est ouvert, c’est une toile à l’ébauche, qui restera la même toile (numérique) jusqu’à la publication (ou suite de publications successives). Petite nostalgie cependant pour ce qu’on nommait « cahier de brouillon », papier plus grossier, couverture pas belle, mais pas cher, gribouillable à merci.
brouillon : apprendre à en faire un but, faute de pouvoir éviter que tout se transforme en lui
Droits & copyrights réservés à l'auteur du texte, qui reste libre en permanence de son éventuel retrait.
1ère mise en ligne et dernière modification le 7 avril 2021.
Cette page a reçu 137 visites hors robots et flux (compteur à 1 minute).