préface, postface

Je connais des auteurs pour qui la préface, y compris en mode quasi automatique, est un complément de revenu essentiel. Cela a sa noblesse aussi : dans son Livre des préfaces avec une préface aux préfaces, Borges insiste bien sur le fait que lire préalablement le livre lui gâcherait tout. Respirer l’enjeu, la construction, voilà ce qui lui suffit : paradoxalement, d’ailleurs, comme nous on n’ira jamais lire le livre qu’il préface, on en tirera une réflexion sur l’écriture qui rend ce livre (celui de Borges) plus que passionnant. On me demande régulièrement des préfaces : c’est bien rarement rémunéré, donc ça me laisse liberté d’accepter ou pas. Si c’est dans le plaisir pourquoi pas : suis juste un peu gêné, souvent, pour l’impression qu’a le demandeur que ça va apporter quelque chose, autoriser une ligne sur la couverture comme l’étiquette sur la bouteille de vin, dont se moquait Marcel Proust. D’ailleurs, quasi immanquablement (j’y fais attention d’ailleurs en l’écrivant), mon texte se retrouve en postface et non en préface : pour que je sois bien dans l’exercice, c’est à condition d’être en mesure de parler de la démarche, de la genèse, de l’obstacle. C’est comme une sorte de livre d’or qu’on se constitue, mais j’y vais toujours avec réticence : récemment, une reprise « club » d’une de mes traductions de Lovecraft a été agrémentée d’une préface name dropping d’un type que je ne connaissais pas : dans ce texte il n’y avait rien, absolument rien, sur la spécificité de ma traduction. Ça fait plaisir croyez-le.

Préface : pour soi lecteur toujours la passer. Se colleter d’abord avec le texte. Revenir après, comme annexe ou parfois postface seconde.