Dans Littré, c’est seulement avec Voltaire que le mot posthume commence à s’appliquer aux livres publiés post mortem : jusqu’alors, le mot semble réservé, gros enjeux juridiques, aux enfants nés après le décès de leur père. C’est ce qui contribue à en rendre l’usage si fort, voire transgressif ? Il y a des auteurs dont l’œuvre posthume semble ne plus devoir finir, et déborder tout ce qu’on savait d’eux. Il y a les oeuvres en chantier auxquelles il manquera toujours la fin, quand bien même cinquante viendront s’essayer de conclure : Le mystère d’Edwin Drood de Dickens. Il y a les œuvres pensées pour rester dans le secret familial, les Mémoires de Saint-Simon en font partie : publication donc posthume. Est-ce que c’est lui qui a donné à Chateaubriand l’idée coup de tonnerre de ses Mémoires d’Outre-Tombe) (Chateaubriand était un des premiers à s’être nourri jusqu’à plus soif de Saint-Simon) ? En tout cas Chateaubriand ouvre un autre territoire : l’œuvre volontairement posthume, et ce que ça change à l’écriture. Est-ce qu’on en a fini avec l’idée ? Non, des œuvres essentielles continuent de se révéler à nous dans une actualité posthume : Lieux de Georges Perec, prévu mars 2022, soit quarante ans après décès de l’auteur. Les cahiers de Julien Gracq au compte-goutte, et pourquoi obéir à sa volonté — dommage pour moi, il y a des textes de Gracq que je ne connaîtrai jamais. Est-ce grave ? Je ne sais pas : pour Koltès, Nickel Stuff et d’autres textes complètent une génétique de l’œuvre indispensable à son appropriation, modifiée chaque fois par le nouvel apport. Mais laissons les autres : la question, comme souvent, ne vaut que par rapport à soi-même — qu’est-ce que change, pour moi, là, dans l’écriture au jour le jour, la décision que je respecterai ou pas que cet écrit (j’ai l’âge pour que ce ne soit pas une telle disruption) en cours soit destiné à être posthume ? Qu’est-ce que cela écarte comme censure, qu’est-ce que cela restreint en terme d’autonomie, d’indépendance, de à bout de course ?
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posthume
Dans Littré, c’est seulement avec Voltaire que le mot posthume commence à s’appliquer aux livres publiés post mortem : jusqu’alors, le mot semble réservé, gros enjeux juridiques, aux enfants nés après le décès de leur père. C’est ce qui contribue à en rendre l’usage si fort, voire transgressif ? Il y a des auteurs dont l’œuvre posthume semble ne plus devoir finir, et déborder tout ce qu’on savait d’eux. Il y a les oeuvres en chantier auxquelles il manquera toujours la fin, quand bien même cinquante viendront s’essayer de conclure : Le mystère d’Edwin Drood de Dickens. Il y a les œuvres pensées pour rester dans le secret familial, les Mémoires de Saint-Simon en font partie : publication donc posthume. Est-ce que c’est lui qui a donné à Chateaubriand l’idée coup de tonnerre de ses Mémoires d’Outre-Tombe) (Chateaubriand était un des premiers à s’être nourri jusqu’à plus soif de Saint-Simon) ? En tout cas Chateaubriand ouvre un autre territoire : l’œuvre volontairement posthume, et ce que ça change à l’écriture. Est-ce qu’on en a fini avec l’idée ? Non, des œuvres essentielles continuent de se révéler à nous dans une actualité posthume : Lieux de Georges Perec, prévu mars 2022, soit quarante ans après décès de l’auteur. Les cahiers de Julien Gracq au compte-goutte, et pourquoi obéir à sa volonté — dommage pour moi, il y a des textes de Gracq que je ne connaîtrai jamais. Est-ce grave ? Je ne sais pas : pour Koltès, Nickel Stuff et d’autres textes complètent une génétique de l’œuvre indispensable à son appropriation, modifiée chaque fois par le nouvel apport. Mais laissons les autres : la question, comme souvent, ne vaut que par rapport à soi-même — qu’est-ce que change, pour moi, là, dans l’écriture au jour le jour, la décision que je respecterai ou pas que cet écrit (j’ai l’âge pour que ce ne soit pas une telle disruption) en cours soit destiné à être posthume ? Qu’est-ce que cela écarte comme censure, qu’est-ce que cela restreint en terme d’autonomie, d’indépendance, de à bout de course ?
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