photos acceptables, photos admirables, photographes admirables ou haïssables

expos Araki à Tokyo, Giacomelli à la BNF


Avis aux égarés qu’envoie ici une recherche Google : consacrée à une exposition du photographe japonais Araki, cette page ne parle ni de bondage, ni de sexualité, ni de cadavres de femmes pendues, pas de fantasme ni d’obscène : rien de tout ça, désolé pour vous.

Voilà, c’est l’histoire d’un universitaire qui vit depuis longtemps au Japon, loge à Tokyo, enseigne à Nagoya, et a publié il y a 3 ans un livre sur les salons littéraires.

Et comme par hasard, il s’astreint depuis un an à l’exercice quotidien du journal en ligne : son Journal littéréticulaire. Sur Internet, c’est souvent le paradoxe, on a le monde entier à notre portée, cela foisonne (pubs en France ce matin de la très médiocre et vulgaire radio Skyrock et de son million de blogs devenus une vraie pompe à fric pour la pub en direction des ados), mais chacun d’entre nous l’utilise comme un "pâté de maison virtuel", non pas promener le chien mais promener la souris matin et soir. Avec quand même pour résultat ces communautés d’élection.

Petit à petit on arrive à devenir ami, quand bien même on ne se connaît que par le virtuel, et l’an dernier à Tokyo, avec Patrick Rebollar eh bien on est allé se balader dans les souks informatiques...

En attendant, surtout n’allez pas visiter son blog et ses commentaires, on y est très bien entre nous, au jour le jour, les 7 ou 8 qui y échangeons comme au salon. Une réflexion sur Araki, alors même que je venais de quitter Giacomelli, m’a fait y déposer mon petit coin de voix, par exception ce soir je reprends ici, juste à cause des 2 liens Araki, quand même du fort (ADSL required) et de cette très belle page Giacomelli (il y en a d’autres)...

Photo Araki en haut, capture écran à partir d’un des diaporamas du site indiqué ci-dessous, et juste ci-dessous un des terribles visages de l’hospice voisin de chez Mario Giacomelli, dans la série de 1954.


(contribution FB, à la volée, au blog Berlol, 25 fév 2005)

est-ce qu’il y a un Araki acceptable et un autre qu’on ne supporte pas ?

sa nouvelle expo virtuelle (son site, lien 1) c’est encore plus violent que d’habitude, bondage, poses - et pourtant, les photos urbaines qu’on y retrouve, les visages de Tokyo, le dessin des parkings il n’y a que lui à les offrir

dans les diaporamas présents depuis longtemps sur son site (lien 2), il y a ces séries avec les visages du métro, et les clichés au jour le jour sur sa terrasse avec les 3 mêmes objets et le chat, c’est comme un blog photo longtemps avant tout le monde

je me suis toujours refusé à acheter un bouquin d’Araki, parce que ces trucs bondage et prostitution je trouve ça périmé, et qu’il y a tellement mieux à trouver dans l’éloge - en littérature ça me fait un peu pareil d’ailleurs

mais Araki c’est comme tout à l’autre bout de la chaîne Mario Giacomelli (lien 3, voir aussi ici, et expo magnifique en ce moment à la BNF), un photographe obligatoire si on veut penser ou tout simplement recevoir l’image aujourd’hui

Ci-dessous contributions de Jean-Claude Bourdais (jcb) et Philippe de Jonckheere (PdJ)


1 _ jcb
À la question posée : "est-ce qu’il y a un Araki acceptable et un autre qu’on ne supporte pas ?" je réponds sans hésitation : oui. En ce qui me concerne c’est exactement cela et je ne peux pas dire mieux. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est un grand artiste à mes yeux.

Je suis face à une œuvre que je reçois comme complète, monstrueuse, cohérente, fascinante, attirante, repoussante, et qui, en même temps, me donne des frissons comme à chaque fois que je "sens" être en face, pour parler vulgairement et vite, d’un travail exceptionnel, et de la "beauté avec un grand B". Si une partie de son travail m’offre des photos, des images que je ne supporte pas (et je ne trouve pas de verbe plus juste en effet que celui utilisé dans la question), , je sais que ce sont pour des raisons qui me sont personnelles : elles heurtent mon éducation, ma vision de la femme, de l’amour, du corps, et ma sexualité... Et ce qui me fascine et bouleverse alors, c’est que la force et le pouvoir que ces "photos-là" ont de me déranger, me destabiliser, " me gêner" à ce point-là, sont les mêmes qui dans les autres images (de la ville...) m’enthousiasment et me font frissonner. Le travail d’Araki force la résistance que je lui oppose et l’emporte.

Son travail, particulièrement bien diffusé et accessible sur internet (photos, interviews, montages, analyses... nombreux et de bonne qualité) me fait toujours penser à la réponse qu’avait donné Woody Allen à la question " est-ce que l’amour c’est sale ?", : " Oui, quand il est fait proprement". Oui Araki est pour moi un "grand" photographe et il dépasse largement le cadre de son pays. Son travail justifie amplement intérêt, commentaire, interrogation et analyse. Il illustre pour moi exactement ce que j’appelle un artiste contemporain, en plein dans le monde d’aujourd’hui et qui en propose une vision, une version...certes éprouvantes mais incontournables.

2 _ pdj
Vouloir exclure quelques images du travail d’Araki au motif qu’elles sont choquantes, pour mieux garder celles qui représentent ce qui est plus commun à tous, est un non-sens. La photographie d’Araki est boulimique (dans les années 90 les publications de son journal photographique étaient mensuelles !) avec cette volonté d’épuiser ce regard, ce qui correspond en fait à singer le monde des images qui est désormais le notre. A la profusion des images que nous recevons quotidiennement, le plus souvent contre notre gré, Araki oppose un tumulte d’images, les siennes, qui ont une tout autre intelligence, et d’une certain façon déplace le curseur de l’obscénité. Qu’est-ce qui est plus obscène, l’image d’une sexualité qui n’est pas nécessairement la notre ou celle des dernières publicités pour un grand groupe de supermarchés qui détournent en grande impunité une imagerie qui en d’autres temps s’attaquait à combattre le tout-consommation ?, images impossibles à fuir parce qu’elles sont sur tous les murs de la ville et qu’elles défigurent la campagne tout autant.

On ne peut pas dissocier certaines images d’Araki de son corpus, parce que c’est précisément dans le nombre multiple de ces images que se tient le caractère unique et perçant de ce regard. On ne peut pas regarder une seule image d’Araki, c’est plusieurs qu’il faut envisager, idéalement ce sont toutes les images d’Araki qu’il faudrait voir, mais à l’impossible nul n’est tenu, pour les même raisons que de ne voir qu’une seule cible de Jasper Johns ne soutend pas la recherche d’épuisement de variations de Johns à partir de sujets simplissimes, et comment cette recherche est celle au coeur du questionnement même de l’image. On ne peut pas nier l’existence de tout un pan des images d’Araki, comme il serait par exemple sournois de refuser de lire dans l’oeuvre de Georges Perec, ceux des livres dont la préoccupation principale est la recherche oulipienne, en se tenant à ceux des livres de Perec qui ne mettent pas en oeuvre cette recherche de la langue, c’est regarder l’oeuvre selon un éclairage biaisé et donc la travestir.

Il faut au contraire se rappeler qu’avant d’être un érotomane, particumlièrement actif apparemment, Araki est un photographe qui se pose la question de son sujet, et, choississant de rendre compte du quotidien, de son quotidien, il est alors impossible de ne pas faire certaines images. Ce qui se complique notamment, dans le fait que de photographier des scènes de sexualité fasse intégralement partie du plaisir de travailler à l’oeuvre tout comme le plaisir de photographier d’un Giacommelli soit de survoler les champs de Toscane.

Apprendre alors à regarder alors ces images, celles que l’on ne voulait pas voir d’emblée donnera en retour de mieux comprendre comment le bondage est bien plus polysémique que le seul fantasme sexuel qui lui fait de l’ombre. Ici l’on attache pas le corps de la femme aux barreaux du lit pour mieux jouir d’elle, mais au contraire on sculpte son corps en lui donnant des formes insolites et par ailleurs codées, appréhender ce nouveau territoire formel par le dessin permet justement de dépasser ce qui est cantonné au sexuel. Ou encore que l’épuisement du regard et la médiocrité des photographies de bordels souligne en fait la fatigue frustrante de l’érotomane toujours reconduit aux limites de son imagination.

Non, dans Araki, il faut tout regarder, tout voir, tout ingérer, c’est une oeuvre qui doit s’éprouver, la fatigue en résultant venant corroborer avec celle du regard de son photographe, Nobuyoshi Araki.

Ce qui induit cependant en erreur dans la lecture de l’oeuvre d’Araki sur internet, c’est comment elle sépare les images les unes des autres quand la même oeuvre lorsqu’on la fréquente dans les éditions graphiques ou dans les expositions insiste systématiquement sur le voisinage des images entre elles. Tout comme il n’est pas raisonnable d’envisager d’ailleurs l’oeuvre de Giacomelli sur une support numérique, ce qui prive de voir la matière même des images de Giacommelli, la difraction lumineuse du grain.

3 _ berlol
Ce que vous dites tous les trois est terriblement intéressant. D’une part, je comprends mieux ma propre résistance à partir de ce que disent JCB et François, dans la mesure où nous avons tous une histoire différente avec des lignes de frustration, des codes d’éducation et des limites à l’obscène qui varient pour chacun de nous. Et d’autre part, l’explication de Phil m’oblige à accepter l’existence de cette oeuvre dans son entier, l’intégralité de son projet esthétique, et à me forcer à la connaître mieux au lieu de me limiter au rapide et euphémique "pas fan" qui est à l’origine de cette discussion.

Néanmoins, je souhaite revendiquer le droit du spectateur comme du lecteur de choisir (en connaissance de cause), et de dire que pour moi, ceci me plaît et cela ne me plaît pas (avec, éventuellement, la nécessité de m’expliquer si nécessaire). Les oeuvres sont d’ailleurs manufacturées et vendues séparément, mais surtout produites par des artistes qui sont aussi des êtres humains, à des moments différents de leur vie et elles peuvent marquer des phases, des ruptures et des évolutions que le public peut (et doit s’efforcer de) comprendre mais qu’il n’est pas contraint d’apprécier. Sinon, à quoi serviraient l’étude, la critique, la formation du goût ! Il suffirait de dire : "je suis artiste", "adorez ce que je fais", "mon oeuvre est irréprochable par principe", etc. (ce dont d’ailleurs certains faiseurs ont abusé et qui laisse des traces indélébiles dans une grande partie du public, certes pas assez bien formé).

Je pense que Philippe admettra qu’il y a une limite à sa proposition globalisante, et qu’à la limite de la limite, elle deviendrait terroriste.

4 - jcb
Alors là, je bondis un peu. Ou alors : cela ne sert à rien de dire qu’on peut répondre à un message ou un texte sur internet. Parce que si la réponse à ce que j’ai écrit , et même FB, c’est : "Vouloir exclure quelques images du travail d’Araki au motif qu’elles sont choquantes, pour mieux garder celles qui représentent ce qui est plus commun à tous, est un non-sens. " je ne comprends plus rien. Je n’ai pas exclu en parlant d’Araki certaines images et je n’en ai pas sélectionné certaines plus que les autres. Je les ai régardé (je suis tellement inervé que je ne sais plus si on doit mettre ées à la fin),et je continue de les regarder TOUTES. La preuve c’est que quand j’en ai parlé je n’en ai éliminé aucune, et que j’ai parlé de son œuvre entière (et je viens de relire ma réponse trois fois de suite) que j’ai qualifiée de FORTE, et COHERENTE (et comment parler de cohérence sans se référer à un ensemble ?).

je ne vois pas en quoi, dire que certaines images me gênent (et j’ai bien précisé que c’était pour des raisons personnelles, insistant donc qu’en aucun cas je critique l’artiste ou l’œuvre ou lui reproche quoi que ce soit) puisse constituer un non sens. Je m’estimais le droit (puisqu’on me posait une question en me proposant de répondre), de dire que ses images de femmes qui offrent leur cul, que les femmes pendues harnachées avec des ficelles etc me gênent, parce que c’est pas " mon truc" ’ de par ma satanée éducation à Bérou la Mulotière de merde certes, mes parents, le bourage de crâne reçu par l’éducation nationale etc bla bla bla... et que l’image de la femme que cela ME renvoie ne me convient pas, parce que ce n’est pas la mienne tout simplement, et on a chacun la sienne non ?, et même je le répète me gêne. Je reprécise ce qui est facilement vérifiable dans la seconde qui suit, que JAMAIS je n’ai employé le mot ni le jugement d’obscène, pour la bonne raison que je n’ai toujours pas compris, au bout de 56 ans, ce qu’on "entend" par là, moi qui suis un petit homme de ce qu’il y a de plus humain chez humain. C’est ce que signifiait aussi la reprise de la réponse de Woody Allen. Et même si ses photos de nus ne me plaisent pas, je reste entièrement ouvert et intéressé par son idée que nu et paysage sont métonymiques interchangeables. Mais je préfère certains paysages à d’autres, c’est tout.

Je continue : " Qu’est-ce qui est plus obscène, l’image d’une sexualité qui n’est pas nécessairement la notre ou celle des dernières publicités pour un grand groupe de supermarchés qui détournent en grande impunité une imagerie qui en d’autres temps s’attaquait à combattre le tout-consommation ?," je réponds et précise : ne faites Philippe de procès d’intention : cette sexualité non seulement ne me gêne pas mais elle est mienne quand j’en ai envie ou que ma partenaire en a envie. Cela n’empêche pas non plus que l’obscénité des hypermarchés m’agresse.(il me semble d’ailleurs que j’avais gueulé une fois dans mon journal contre les galettes Harry Potter ou autres pubs coca cola dans un hyper de Villeparisis), je ne vois pas pourquoi il faudrait choisir entre l’une ou l’autre, les classifier, les opposer, les comparer etc.

Je continue : "On ne peut pas dissocier certaines images d’Araki de son corpus, parce que c’est précisément dans le nombre multiple de ces images que se tient le caractère unique et perçant de ce regard. On ne peut pas regarder une seule image d’Araki, c’est plusieurs qu’il faut envisager, idéalement ce sont toutes les images d’Araki qu’il faudrait voir". Là Philippe vous me faites peur car j’avais l’impression que c’était exactement ce que j’ai voulu dire ... et que je parlais en ayant tout regardé, de ses femmes, de ses parkings, de ses fleurs etc...

" Non, dans Araki, il faut tout regarder, tout voir, tout ingérer, c’est une oeuvre qui doit s’éprouver, la fatigue en résultant venant corroborer avec celle du regard de son photographe, Nobuyoshi Araki." Mais qui a dit le contraire entre FB Berlol et moi ? On regarde tout et on peut "ingérer" ce qu’on veut et ce qu’on peut. Il n’y a rien d’obligatoire. Je peux préférer les Chirico du début à ceux de la fin, la période bleue de Picasso à la rose, aimer le Mondrian de Broadway Boogie Woogie à celui de son autoportrait etc... sans pour cela ignorer et occulter une partie de l’œuvre... Y aurait-il là encore du non sens ? Mais pourquoi ?

"Ce qui induit cependant en erreur dans la lecture de l’oeuvre d’Araki sur internet, c’est comment elle sépare les images les unes des autres quand la même oeuvre lorsqu’on la fréquente dans les éditions graphiques ou dans les expositions insiste systématiquement sur le voisinage des images entre elles. " cela aussi se discute et il faudrait s’entendre et coordonner ce que l’on a vu sur internet. Il y a des planches contacts d’expos entières, des montages minutés, des présentations très sophistiquées et utilisant toutes les techniques possibles. j’y ai vu des montages polaroids, taille presque réelle, et les uns à côté des autres par planches de six ( ex ici) et qui ma foi... ne doivent pas être très différents " en vrai"...

Bref, cette réponse était surtout pour affirmer que je ne suis pas un " réducteur" de tête ni d’ œuvre (surtout celle-là que je trouve très forte et, je l’ai dit Belle avec un grand B (celle qui fait des frissons derrière l’oreille), et préciser que j’étais véxé que ce que j’ai osé dire avec mes faibles moyens soit taxé de "non sens".

Mais je vous aime tous vous le savez, alors rassurez-vous, prenez cela juste comme un Araki-rit, et une occasion de plus de poser le problème des discussions sur internet et de la communication en général.

5 _ marie-pool
Ce qui est "obscène", c’est le sujet présenté comme un objet "mis en avant" de façon volontaire et destiné à être vu par d’autres non forcément connus ou "initiés".Ceux-ci ne sont donc pas à tout coup "prévenus" de ce qu’il vont voir. Il y a une banalisation de l’obscénité vue sous cette définition ( non connotée uniquement à l’égard des images de la sexualité). Je me souviens d’une biennale d’art contemporain à LYON où étaient présentées des photos de Chine où l’on voyait une mise en scène macabre provenant de "prises de vue" dans une morgue. Il y avait côte à côte un visage de vieil homme mort couché et immergé jusqu’au coup dans la glace pilée et un foetus de plusieurs mois posé à proximité de ce visage. Que voulait dire l’artiste ? Etais-je préparée à recevoir cette image "publique" ? Suis-je obligée de subir ce fantasme photographique hyperréaliste ? Je suis adulte et travaillant dans un hôpital , confrontée tous les jours à des images humaines qui si elles étaient photographiées en choqueraient plus d’un(e), et j’ai acquis la conviction que toute image montrée comporte un potentiel de violence et que chacun a une responsabilité ponctuelle dans la diffusion de certaines images. Il y a des frontières à rétablir entre les espaces intimes, privés et publics. La commercialisation comme la gratuité des images posent des problèmes de fond . La vie humaine et la dignité humaine n’ont pas la même valeur selon le niveau d ’élaboration et de moralité des sociétés . Un foetus chinois ,a fortiori si c’est une fille,un cadavre peuvent être utilisés comme éléments de "décor" supposé symboliser quelque chose de la condition humaine ( la naissance- la mort...).A-t-on nécessité de le montrer pour savoir que cela existe . Me restent aussi sur l’estomac les mises en scène macabres au moment de la chute des Ceaucescu... La cruauté ne justifie pas la cruauté et le mensonge justificateur d’autres purges politiques tout aussi totalitaires... Je ne donne que ces deux exemples mais je crois qu’il faut redonner un peu de bon sens à tout cet étalage et reposer les jalons d’un meilleur respect de ceux qui recoivent , sans sommation, les images... a fortiori les enfants ... La résilience a ses limites... Lire à ce sujet l’excellent livre de Boris Cyrulnik :" Aimer au bord du gouffre", pour comprendre que les images mentales doivent faire l’objet de "soins". L’éloge de l’effroi et de la pornographie triomphante nous fait prendre la vie par le versant des angoisses les moins supportables. Ne surestimons pas non plus nos capacités d’endurer l’indicible...

5 - berlol
Berlol
Supprimer ce messageSupprimer ce message

Ce que vous dites tous les trois est terriblement intéressant. D’une part, je comprends mieux ma propre résistance à partir de ce que disent JCB et François, dans la mesure où nous avons tous une histoire différente avec des lignes de frustration, des codes d’éducation et des limites à l’obscène qui varient pour chacun de nous. Et d’autre part, l’explication de Phil m’oblige à accepter l’existence de cette oeuvre dans son entier, l’intégralité de son projet esthétique, et à me forcer à la connaître mieux au lieu de me limiter au rapide et euphémique "pas fan" qui est à l’origine de cette discussion.

Néanmoins, je souhaite revendiquer le droit du spectateur comme du lecteur de choisir (en connaissance de cause), et de dire que pour moi, ceci me plaît et cela ne me plaît pas (avec, éventuellement, la nécessité de m’expliquer si nécessaire). Les oeuvres sont d’ailleurs manufacturées et vendues séparément, mais surtout produites par des artistes qui sont aussi des êtres humains, à des moments différents de leur vie et elles peuvent marquer des phases, des ruptures et des évolutions que le public peut (et doit s’efforcer de) comprendre mais qu’il n’est pas contraint d’apprécier. Sinon, à quoi serviraient l’étude, la critique, la formation du goût ! Il suffirait de dire : "je suis artiste", "adorez ce que je fais", "mon oeuvre est irréprochable par principe", etc. (ce dont d’ailleurs certains faiseurs ont abusé et qui laisse des traces indélébiles dans une grande partie du public, certes pas assez bien formé).

Je pense que Philippe admettra qu’il y a une limite à sa proposition globalisante, et qu’à la limite de la limite, elle deviendrait terroriste.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 25 février 2005
merci aux 8593 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page