La scène se passe à l’HP , Vassili , aide soignant, s’occupe particulièrement d une vieille dame atteinte de la maladie d ‘Alzheimer.. on sait au fil de l ‘histoire que Vassili voue une grande admiration à l ‘oeuvre de Charlie Chaplin . iI incarne le personnage de Charlot dans ces spectacles de mime…
Tous les soirs, dans le clair-obscur de la chambre, deux mains gantées, aux doigts de satin blanc poussaient la lourde porte de la chambre, toujours à la même heure, après son travail à lui . Juste une petite visite pour déposer un sourire de mains, une présence de mains qui disaient , je suis là , je veille…délicatement, les mains blanches tiraient les draps du lit et préparait la belle dame pour la nuit.
Dès qu’il chaussait ses gants blancs, ses mains ne lui appartenaient plus.
C’était sa bouche. Ses doigts et ses paumes claquaient, étonnaient, détonnaient même. Dans un silence d‘hôpital, soudain deux gants blancs occupaient l’espace entier. À son chevet, Ils lui racontaient des histoires d’oiseaux , de savanes et d’éléphants et tout l ‘univers s ‘apaisait . Elle respirait doucement. Sa main, à elle, pressait une petite poire reliée au goutte-à-goutte, distillant lentement le liquide translucide. Les paupières mi-clauses , elle devinait leur présence. Les mains se préparaient au spectacle, faisaient quelques exercices d ‘assouplissement. réchauffaient les articulations pour plus de souplesse et enfin pouvaient entrer en scène.
il savait que ce qu’elle préférait, c’était le spectacle de danse des petits pains quand il en restait sur le plateau du soir. Les deux petits pains accrochés à deux fourchettes s’animaient et entamaient une chorégraphie qui la faisaient rire, irrésistiblement.
Mains et petits pains étaient promesse de joie et d’oubli. Elles savaient pourtant que le lendemain, il ne reste plus rien de ce moment-là dans la mémoire de la Dame.
A regarder ces mains si talentueuses, la dame savait qu’il ne serait jamais seul.
A regarder ces mains si généreuses, elle savait qu’il ne serait jamais misérable.
A regarder ses mains si rusées, elle savait qu’il s’en sortirait toujours.
Et puis ses mains savaient parler toutes les langues, et connaissaient tout l’alphabet du monde.
Que cette scène est charmante, Carole ! « Dès qu’il chaussait ses gants blancs, ses mains ne lui appartenaient plus. »
Merci pour ce beau texte. J’aime particulièrement : « déposer un sourire de mains ».